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« La Revue Souffles 1966-1973, Espoirs d'une révolution culturelle au Maroc » de Kenza Sefrioui : Exploration d'une des plus intéressantes aventures culturelles au Maroc
Publié dans L'opinion le 07 - 06 - 2013

Il ne fait pas de doute que l'une des empreintes les plus marquantes sur la scène culturelle au Maroc, depuis l'indépendance, est celle de la revue « Souffles ». Certes, il y a eu d'autres expériences de revues importantes, enrichissantes comme Lamalif, Intégral, at-Taqafa al-Jadida, az-Zaman al-Maghribi, Aqlam, Kalima, Prologues et bien d'autres. « Souffles », néanmoins, tient une place à part. Durant quarante ans, on n'a pas cessé d'évoquer cette aventure, d'une manière plutôt allusive dans la majorité des cas, sans vraiment approfondir et recouper entre les différents acteurs. Peu d'études effectuées, en effet, à part une thèse de Doctorat réalisée en 1981 par Abderrahmane Tenkoul et qui n'a jamais été publiée.
C'est un vrai voyage d'exploration de cette expérience exceptionnelle littéraire, artistique, esthétique, culturelle, politique et humaine que propose aujourd'hui Kenza Sefrioui, journaliste, critique littéraire et animatrice culturelle, avec son essai « La revue Souffles, 1966-1973, Espoirs de révolution culturelle au Maroc » (Editions Sirocco, Casablanca). Un livre nécessaire qui remédie à coup sûr à une grande lacune en faisant le point sur une aventure qui avait pris fin il y a quarante ans, en 1973. L'ouvrage permet d'une part de donner une idée de l'importante percée de réflexion inédite sur la dimension de culture marocaine et de son appropriation par un groupe de poètes, écrivains, artistes plasticiens, cinéastes, le lancement notamment d'une esthétique des arts plastiques enracinée dans la culture marocaine. D'autre part, la pérennité d'une bonne partie des réflexions, encore aujourd'hui d'actualité quatre décennies plus tard. Le livre s'appuie sur une lecture et analyse des textes publiés dans la revue (textes de réflexions, analyses, œuvres poétiques) au fil des parutions. Tout en prenant en compte le contexte historique international de la décennie 1960 marquée la décolonisation, le courant en Occident de la « contre-culture », la contestation par la jeunesse de toute expression d'autorité et paternalisme, le choc de la guerre du Vietnam et l'impérialisme américain, le tiers-mondisme, le conflit israélo-arabe et la tragédie du peuple palestinien, Mai 68 etc. Il s'appuie aussi sur des entretiens réalisés avec quelques auteurs de ce projet pionnier. Ceux-ci sont appelés à témoigner, en premier lieu l'initiateur, fondateur et animateur principal, Abdellatif Laabi qui est d'ailleurs auteur aussi de la préface du livre. Ces entretiens témoignages qui offrent un éclairage important supplémentaire, sont réalisés entre 2002 et 2007 par l'auteure au Maroc et en Europe. Il s'agit d'entretiens avec Abdellatif Laabi, Jocelyne Laabi, Mostafa Nissabouri, Mohamed Berrada, Bernard Jakobiak, Tahar Benjelloun, Abraham Serfaty, Farid Belkahia, Mohammed Melehi, Mohamed Mahjoubi, Mohammed Chabâa, Toni Maraini, Jamal Bellakhdar, Abdelhamid Amine et Raymond Rahamim Benhaïm. Cela permet de voir la vision de chacun, comment il a vécu l'expérience selon les périodes et les positions. Ce qui finit par donner à cette anthologie de propos recueillis une dimension de document vivant. Ce faisant, l'auteur fait preuve tour à tour aussi bien d'adhésion que de critique distanciée.
L'histoire passionnante du mouvement « Souffles » est née quelques années après l'indépendance du Maroc autour du poète Abdellatif Laabi et d'un premier noyau, le poète Mostafa Nissabouri, Mohammed Khair-Eddine et des artistes plasticiens de l'Ecole des Beaux Arts de Casablanca, Farid Belkahia, Mellehi, Chabaa, Ataallah, la critique d'art Toni Maraini, le cinéaste Majid Rechiche, l'écrivain Abdelkbir Khatibi, le poète français Bernard Jakobiak, Tahar Benjelloun, le journaliste, écrivain et éditeur Abdellah Stouky, le poète et cinéaste Ahmed Bouanani, le poète et romancier Mohamed Loakira, le nouvelliste Driss Khoury, le journaliste Mohamed Jibril etc. La réflexion est développée sur tout un programme : le souci de décolonisation à la lumière des travaux de Franz Fanon, la vigilance contre le néocolonialisme, la réappropriation de la culture populaire, la question de la langue, la chasse aux archaïsmes et au folklore tenu pour une image réductrice de la culture marocaine. En fait, il s'agit d'une « quête de sens qui engage l'ensemble de la société »
Le passé, la tradition suscitent rejet ou tout au moins grande suspicion et inclinent à une attitude parfois violente, toujours sans concession qui refuse le « psittacisme mental ». Il s'agit de « ne prendre de la tradition que ce qui est vivant », sachant que « l'idéalisation du passé et de la tradition n'est qu'un instrument de domination », alors que le vœu le plus cher est une libération.
L'auteur montre que les deux tiers des textes sont des essais, éditoriaux, articles d'opinion, études et recension d'œuvres, le reste étant des œuvres de création poétiques et littéraires. Ceux-ci comme le reste semblent conçus pour entraîner un choc tel un réveil brusque.
« On n'avait jamais lu des textes comme ça auparavant, il faut bien dire les choses comme elles sont. Quand on découvre cette poésie, on reçoit un coup de point dans la gueule », confie Laabi dans l'entretien.
La revue est un travail de groupe avec une conception artistique de la couverture et le choix méticuleux de typographie pour lui donner une identité particulière. A chaque fois, des dossiers sur la culture marocaine, les arts plastiques, la littérature, le cinéma, le théâtre, la culture orale populaire, la presse écrite. Aussi des hommages à Driss Chraibi, Albert Memmi etc. Bien que le tirage ne dépasse pas le millier d'exemplaires au début, l'aura de la revue n'en demeura pas moins considérable. D'où un courrier important et des nouvelles signatures qui rejoignent l'équipe et l'enrichissent. On comptera 111 signatures pour la première période, dont 75 présentes continuellement au cours des trois années 1966-1969.
Par la suite, après la défaite de 1967 et la tension autour de la question palestinienne, la ligne éditoriale va se durcir et changer progressivement pour faire primer la dimension de l'engagement politique sur le culturel. L'arrivée d'Abraham Serfaty au comité de rédaction et la création de la version arabe de la revue Anfas, (qui va, elle atteindre des tirages jusqu'à cinq mille exemplaires en suscitant plus de lecteurs que la première formule), va entraîner le basculement vers ce qu'on pourrait appeler l'urgence de la révolution. La revue devient l'organe politique du courant marxiste-léniniste, d'où la sortie du groupe des écrivains et artistes Melehi, Tahar Benjelloun, Nissabouri, car la dimension culturelle de la revue est peu à peu pratiquement évacuée sous la poussée du courant idéologique qui ne laisse pas de place pour l'expression individuelle, comme l'indique Melehi dans l'entretien.
Après la vague de répression très disproportionnée par rapport aux faits avec les multiples arrestations, la revue entre dans la clandestinité et continue à être publiée en France jusqu'à sa disparition du fait des dissensions entre les deux courants Ila Amam et 23 Mars, notamment à propos de la question du Sahara.
Parmi les témoignages, celui de Nissabouri donne une idée de ce que représentait la revue au tout début pour ses concepteurs en tant que projet d'avant-garde qui répondait à des aspirations profondes : « ...il y avait cette rage avec laquelle la chose était revendiquée, cette puissance, cette force intérieure, cette énergie qui étaient le levier principal de cette structure, de cette parole, de ce regard porté sur les choses. C'est ça qui était important. On était en 1966. Le premier numéro datait de mars de cette année ».
Pour Toni Maraini, « malgré les moments de crise et les différends idéologiques qui aboutirent à une scission au sein de la revue », celle-ci a eu des « répercussions au niveau du Maghreb et même au-delà »
Pour Laabi, il note dans la préface comme une vision globale l'expérience de Souffles :
«Finalement, cette revue, qui aurait pu vivre la vie tranquille d'un cénacle de poètes et d'artistes dont les membres se seraient à un moment ou un autre séparés pour cause d'incompatibilité d'humeur ou de course au vedettariat, a réussi elle, en une série d'avancées de la conscience, à opérer deux ruptures essentielles : l'une dans le champ culturel et esthétique, l'autre dans le champ politique. Le prix a été exorbitant pour certains protagonistes de l'aventure. Mais qu'importe. La dignité ne saurait se monnayer. C'est dans la douleur que l'histoire accouche du nouveau »...


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