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L'Afrique est condamnée à inventer sa propre croissance
En marge de la 2ème Édition de Global Conference : Entretien de M. Lionel Zinsou, D.G. de Pai Partners
Publié dans L'opinion le 24 - 09 - 2013

Question : Vous avez pris part à la deuxième édition de la Global conference, quelle a été votre contribut
Lionel Zinsou : Nous sommes venus parce que nous avons signé un partenariat avec les ateliers de la terre. Notre entreprise est le premier fond d'investissements français et le premier aussi en Europe continentale. Jusque là, nous étions partenaires de la grande conférence annuelle qui se tient à Evian ; qui s'est tenuione cette année à l'UNESCO ; et on a décidé de prendre part à ce forum qui se tient à Rabat. Les ateliers de la terre sont à l'origine d'une rencontre originale entre les ONG qui militent en faveur de l'environnement et de la responsabilité sociale d'une part et les entreprises d'autre part. En effet il y a très peu de forums comme celui-ci qui signent des partenariats ; qui permettent des échanges et expériences entre le monde des entreprises, les représentants des pouvoirs publics ; les représentants sociaux et les représentants du monde académique.
Nous faisons partie de ces entreprises qui soutiennent ce forum ; d'autant plus qu'il se tient en terre d'Afrique ; justement parce que ce continent a des problématiques et des responsabilités sociales et environnementales très différentes de celles qui prévalent dans le monde. Après la période de colonisation des pays africains qui étaient assujettis et dominés ; où la souveraineté étatique ne se rencontrait nulle part en Afrique, et où les populations n'étaient pas traitées comme des citoyens à part entière ; puisqu'elles n'avaient pas le droit ni de syndiquer ni de voter ni même s'exprimer.
Après tant de soumission, l'Afrique se relève maintenant pour faire progresser les droits fondamentaux, la règle de droit, la démocratie et le bien être de ses populations. Pour les problèmes environnementaux c'est pareil. Après tant de traumatismes ; il faut donc relancer l'Afrique sur de nouvelles bases. Une mission qui s'avère ardue en fin de compte. Fn ma qualité de citoyen africain (Mr Zinsou est d'origine béninoise et un financier français) ; je vois qu'on a des problèmes très particuliers en Afrique.
C'est parce que nous formons en Afrique des payés non développés ; mais heureusement des pays qui n'émettent pas de carbone. Cela nous amène à réfléchir profondément à notre développement qui devrait inventer ses propres mécanismes. Et le premier de ces mécanismes c'est le concept assez nouveau de « croissance de rupture ». Car en Afrique, on ne peut pas se permettre le luxe d'avoir une croissance calquée sur le modèle de croissance en Europe ou en Amérique du Nord. Mais inventer une croissance où il y aura moins de gaspillage de ressources naturelles, moins de gaspillage d'énergies non renouvelables, moins de coûts à la production ; mais par contre beaucoup plus de travail à base de main d'œuvre, beaucoup plus d'intelligence et de savoir faire. De là, toute l'importance et toute l'originalité de cette rencontre internationale : car se réunir au Maroc ou à l'UNESCO ce n'est pas du tout pareil. Enfin une dernière raison de ma présence ici c'est que la société PAI PARTNERS compte quelques mille salariés au Maroc. Notre société connait très bien le Maroc, donc il nous parait normal de venir participer.
Question : En quoi consistait votre une communication devant la séance plénière ? Pouvez-vous nous en brosser un bref aperçu ?
L.Z : Je suis venu en témoin pour parler de l'évolution africaine et faire entendre le témoignage d'un financier vis-à-vis de la croissance en Afrique sous l'angle financier. Je suis intervenu lors de la première séance plénière à plusieurs reprises pour rendre mon témoignage mais aussi pour répondre aux questions formulées par l'assistance. J'ai constaté que ce sont les universitaires et les étudiants qui ont pris part aux discussions et à travers leurs questions j'ai pu sentir des impatiences ; et c'est tout le bien qu'on peut tirer de telles rencontres, dans le mesure où se sont les académiciens qui assument la grande responsabilité dans le développement.
Question : Comment se positionne PAI Partner face au développement durable ?
L.Z: C'est une société financière qui a signé ce qu'on appelle un PIR; qui signifie le principe d'investissement responsable. Donc les PIR sont une charte des Nations Unies ; signée en 2012 ; avec laquelle on s'astreint à respecter une série de procédures et de pratiques ; une série de standards pour progresser en gouvernance, en responsabilité sociale et en responsabilité environnementale. Donc, petit à petit, on s'efforce de mettre tout ça en application dans les 17 sociétés qui forment une espèce de holding industriel et de services ; essentiellement fait d'entreprises européennes qui se sont engagées à appliquer les recommandations de la charte des Nations Unies en matière de PIR comme je viens de l'expliquer.
Question : Le Maroc peut-il selon vous devenir un pays leader dans le domaine de l'économie verte ? SI Oui Quelles sont selon vous les perspectives de développement de l'économie verte au Maroc, et sur le continent africain en général ?
L.Z: Toutes les économies du monde auront tendance à l'avenir à être vertes. Tous les secteurs de production auront fondamentalement changé dans les vingt années à venir. Ces changements notoires dans les processus de production vont aboutir inlassablement à des économies numériques. Tout sera numérique et tout sera vert. Donc, les pays africains n'échapperont pas à ces changements radicaux. Aujourd'hui, le Maroc fait bonne figure de pays pilote en Afrique en matière d'énergie propre et renouvelable. C'est le pays africain qui a la vision assez claire. Ses réalisations et ses progrès sur le créneau solaire montre bien qu'il est déjà très en avance sur les autres pays du continent. Dans le renouvelable et dans le mixe énergétique, le Maroc est le pays africain qui aura les technologies les plus modernes. Le deuxième créneau dans lequel le Maroc fait très bonne figure est celui de l'agriculture biologique. Le Maroc est le premier producteur de fruits et légumes biologiques et ses exportations à base de ces produits se vendent bien à l'étranger. Donc, sur ces deux créneaux, le Maroc se présente comme le pays qui a fait preuve d'une vision collective. C'est la vision de sa majesté aussi ; et cela se passe en dehors des clivages politiques. Cela contribue efficacement à l'image du Maroc qui est certainement une image de marque très prisée dans le monde des affaires.
Question : L'Afrique peut-elle devenir un acteur majeur de l'économie verte ? Quels sont les atouts du continent africain dans ce domaine ? Quelles sont les contraintes économiques, politiques et sociales à l'essor de l'économie verte sur le continent ?
L.Z: On a deux problèmes : le premier problème est comment inventer une croissance différente des autres croissances qui prévalent dans le monde pour aboutir à une croissance de rupture avec la tradition économique. Car en Afrique, plus aucun droit aux gaspillages comme cela est encore permis en Europe et ailleurs. D'ailleurs, ce n'est plus possible physiquement parlant. On ne peut plus émettre autant de carbone. On ne peut plus se permettre autant de gaspillage des ressources naturelles. On ne peut plus se permettre des gaspillages superflus dans les emballages de luxe. Et on ne peut pas accumuler autant de déchets comme le font les occidentaux. Quand nous serons riches comme les européens – ce qui arrivera – nous ne devons pas faire comme eux. Pourquoi je dis ça ? Et bien pour la simple raison que si dans trente ans les deux milliards d'africains gaspillent autant que les 500 millions d'européens, la terre sera en rupture de stock en matière de ressources naturelles. D'ailleurs, dans vingt ans les européens auront tout consommé et la terre n'aura plus de ressources.
Voilà pourquoi en Afrique nous endossons la lourde responsabilité d'inventer une nouvelle croissance ; qui sera une croissance de rupture avec tout ce qui se fait actuellement ailleurs en matière économique. Les européens et les nord américains ont une croissance de luxe incroyablement gaspilleuse. Inventer une croissance typiquement africaine de sorte que quelque soit l'unité produite, elle n'incorporera que très peu de matières premières. Par contre, cette même unité produite devra incorporer beaucoup plus d'intelligence, de savoir faire et de travail humain à base de main d'œuvre extrêmement disponible. Prenez Tanger à titre d'exemple : Vous avez un port moderne et des installations industrielles modernes. Produisez chez RENAULT des véhicules plus légers, plus économes en carburants ; et moins émetteurs de CO2, à des coûts moins coûteux. C'est ce que ne peuvent pas voir les européens, ou autres chinois ou américains : c'est-à-dire que nous n'allons pas faire comme eux.
Nous allons profiter des dernières technologies. Ce que les historiens et économistes appellent « l'avantage de l'arriération » ; qui va profiter finalement à l'Afrique ; cette Afrique qui va trouver le moyen de faire encore mieux que les pays développés ; grâce à un concept nouveau qui d'ailleurs est très simple car il va consister à faire appel à l'avancée technologique d'une part ; à l'intelligence et au travail humain. Et on va y arriver car on n'a pas le choix : il n'y a pas assez d'énergie ; pas assez de matière première. Même la chine n'a pas ce genre de croissance parce qu'elle a un développement très comparable à celui des européens en termes d'utilisations de matières premières et d'énergie. Le résultat c'est que la chine enregistre le deuxième niveau d'émissions de carbone et qui va devenir assez vite le premier émetteur mondial de CO2. C'est une croissance qui consomme toutes les matières premières ; une sorte de fournaise de matières premières, et vous avez des conséquences de pollution extraordinaires. On ne respire plus à Pékin.
Question: Pensez-vous que l'économie verte puisse être un levier de croissance du continent ? Sentez-vous un mouvement des entreprises africaines vers le développement durable ?
L.Z: Avec une population qu'on doit nourrir ; qu'on doit transporter ; qu'on doit former et qu'on doit soigner ; alors l'Afrique devra opter pour une croissance encore beaucoup plus technologique que celle utilisée par les chinois ; encore plus intelligente et encore avec plus de travail humain, et surtout moins d'utilisation d'hydrocarbures. C'est intéressant parce que si vous prenez une production agricole bio ; par exemple une tomate bio marocaine : elle incorpore moins de pesticide ; moins d'engrais chimiques ; moins d'énergie (grâce à l'utilisation de l'énergie solaire en agriculture qui est propre et renouvelable), l'exportation de ces produits bio est assez caractéristique parce qu'elle consacre la différence entre (qui est la croissance de rupture).
Dans un pays comme le mien (Mr Lionel ZINSOU est béninois), nous avons des filières de la production de l'ananas bio. Nous sommes dans la même logique : un produit de meilleure qualité ; que nous arrivons à produire beaucoup moins cher que des produits industriels ; sans pesticide ; sans engrais ; avec tous les fémurs et compostes possibles ; et avec un système de recyclage écologique ; on est arrivé à un produit compétitif, meilleure qualité ; avec plus d'intelligence. Malgré le fait que cela se fait dans un climat tropical et humide ; où il est très difficile de conduire des cultures bio à cause des parasites.
Dans l'ananas bio produit au Bénin et au Togo, vous avez plus de savoir faire, moins de produits chimiques ; où on a beaucoup économisé sur les ressources. Encore Il va falloir trouver un moyen de le transporter avec un coût assez bas. Alors, c'est avec des produits comme ça qui seront caractéristiques de cette nouvelle croissance que nous revendiquons. Qu'il s'agisse de nouvelles générations de véhicules ; moins chers comme ceux produits par RENAULT Tanger ; ou qu'i s'agisse des cultures bio, nous sommes toujours dans la même logique : à savoir le moins possible de matières premières. C'est à ce compte là qu'on aura une croissance différente et plus efficace.
Mais si on continue à mimer la croissance à l'occidentale, ou la chinoise ; alors on ne peut plus respirer ni à Casablanca ni à Rabat ni dans aucune ville industrielle africaine. Y ajouter les pénuries d'eau, les délestages électriques partout en Afrique et dans des rapports atteignant le tiers du temps. On ne peut pas assurer une croissance de 5/6% si on n'opte pas pour un nouveau mode de croissance. L'autre avantage pour l'Afrique d'être partie assez tard, c'est qu'on n'a pas à restructurer le passé. On n'a pas à supprimer des emplois. On n'a pas à fermer de vieilles usines utilisant des technologies dépassées. On ira vers cette croissance de rupture avec des investissements standards. La croissance africaine ne devra ressembler ou imiter aucune autre croissance que ce soit américaine, française, mexicaine, brésilienne, ou asiatique. On va être condamné à inventer une croissance de rupture.
Question: Quel est le message que vous souhaiteriez adresser aux défendeurs de l'économie verte en Afrique et aux congressistes réunis aujourd'hui ?
L.Z: Mon message est celui-ci : on n'entend pas beaucoup la voix de l'Afrique. En matière d'environnement. On est habitué à entendre la voix des pays développés et celle des pays émergeants. Pourtant, on a besoin d'entendre la voix de l'Afrique. Des forums comme celui-ci tenu à Rabat est une bonne réplique aux problèmes de l'AFRIQUE (moi j'espère créer une tribune comme celle-ci en Afrique de l'Ouest) ; D'ailleurs il y a des gens qui font ça très bien. Nous avons besoin de la voix de l'Afrique parce que les impacts des changements climatiques nous les prenons de plein fouet. Certes, il y aura des zones en Afrique où il y aura plus d'eau. A ce moment même, il y a des inondations au Bénin qui est plutôt connu pour ses longues années de sécheresse.
L'Afrique est soumise à des défis particuliers. Mais elle a aussi des atouts particuliers : c'est qu'elle va incorporer plus de technologies et faire moins de gaspillage de matières premières. Et c'est le message que l'Afrique devra passer dans ses appels d'offres afin de mettre l'accent sur les technologies qui permettent un remplacement de la matière. Et c'est ça ce que nous devons faire et c'est ça ce que nous devons porter dans toutes les instances et forums. Quand j'insiste sur l'utilité de la voix de l'Afrique ce n'est pas forcément la voix des pouvoirs gouvernementaux ; mais plutôt celle de la société civile. Parce que c'est elle qui doit avoir des avis, des attentes et des impatiences. Il faut que le monde entier sache que l'Afrique est capable d'inventer sa croissance de rupture ; et c'est sans aucun complexe. Regardez ce développement extraordinaire des moyens de communications en Afrique. Regarder Maroc télécom. Regardez ce qui se passe au Kenya. En matière de paiements mobil les usages sociaux télécoms sont plus avancés que dans des pays développés et en vient juste après la Corée du Nord.


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