L'expérience marocaine des années 40 relevait purement d'une aventure cinématographique sans lendemain. En 1944, il y a 60 ans, furent construits les studios Souissi aux environs de Rabat dans une périphérie qui ne relevait pas encore du périmètre urbain. Avec plusieurs plateaux de tournage, un laboratoire de développement, un auditorium, une salle de projection, des ateliers de toutes sortes et des loges, une foret sans limites, les studios offraient aux cinéastes français désireux de réaliser leurs films au Maroc, toute l'infrastructure nécessaire. C'était un établissement à caractère privé fonctionnant selon les orientations politiques et idéologiques du Résident général. De nombreux films à contenance coloniale y furent réalisés en particulier des documentaires de propagande destinés à renforcer et établir davantage la présence française au Maroc. C'est ce qui deviendra plus tard le cinéma de vulgarisation conçu après l'indépendance sur le même principe mais avec un discours différent voire même opposé. Les studios Souissi produisaient des films et vont continuer à fonctionner après l'indépendance facilitant la tâche au Centre Cinématographique Marocain (C.C.M.) sous équipé à l'époque. Avant la création des studios Ain Chock à Casablanca, seuls les studios Souissi permettaient d'effectuer au Maroc une post-production dans les normes professionnelles et agréées. Témoignent les films réalisés par les premiers cinéastes marocains et présentés avec fierté aux festivals étrangers dès les années 50 et durant les années 60. Ces films arrivaient déjà jusqu'à Cannes et parfois positivement critiqués. Or les studios de Rabat s'étaient déjà livrés, durant l'époque coloniale, à une aventure malencontreuse. Dans les années 40 étaient placées sous la ferveur publique devant une production égyptienne populaire et à grand succès. C'était en vue de contrer cette invasion égyptienne que les studios ont crées. Leur mission était de produire et diffuser des films marocains spécifiques: s'inspirer de légendes locales, introduire des chansons populaires, engager des visages familiers locaux aux cotés des vedettes étrangères, instaurer des langues compréhensibles par tous aussi bien par les autochtones que par les colons. Tous les moyens sont disponibles pour arriver à cette fin à caractère politique et cinématographique à la fois. C'est ainsi que vont voir les jour ‘Sérénade à Meryem", "Maarouf, savetier du Caire", "Ibn al Kadar", et bien d'autres films respectant à la lettre les spécificités d'un cinéma local destiné à distraire le public marocain de ses idoles égyptiennes de noms d'Oum Keltoum, Farid el Atrach, Anouar Wajdi, Leila Mourad... Ce fut une aventure vouée à l'échec.