Parce que les collectivités et les individus qui les composent doivent œuvrer à une meilleure intégration de la gestion de leur évaluation politique dans leurs stratégies de développement, il devient primordial au Maroc d'avoir une connaissance fine de ses déclinaisons dans différents domaines. Même si elle est une pratique ancienne, l'évaluation des politiques publiques reste un enjeu majeur. La crise actuelle pose de manière aiguë la question du modèle économique de notre pays. Une nouvelle politique publique reste à réinventer dans un contexte de la raréfaction et de renchérissement des matières premières et énergétiques et de l'augmentation de la demande mondiale. Face à ces contraintes, il s'est tenu un colloque à l'E.N.A de Paris du 8 au 9 décembre. Aziz Lahlou, professeur d'analyse économique et ancien directeur de recherche à l'E.N.A de Rabat, a participé à cette rencontre. Il nous livre ci-dessous sa conception de ces enjeux. L'Opinion : Quel est l'état des lieux des principaux acteurs et dispositifs de l'évaluation des politiques publiques ? Peut-on analyser les bonnes pratiques ? Aziz Lahlou : Ceci nous permettra à aller vers plus de pragmatisme : adapter la rigueur scientifique aux exigences managériales et politiques. Le renouveau du service public doit répondre au développement des démarches d'évaluation plus participatives et plus qualitatives tournées vers l'utilisation effective d'une connaissance valide dans la décision. Ceci entre dans le cadre de ce qu'on peut appeler la « R.C.B. » – la rationalisation des choix budgétaires. L'Opinion : Avez-vous un exemple concret ? Aziz Lahlou : On ne peut pas corriger les fautes du passé, mais, le fait qu'il est, dans une superficie réduite en terme d'espace géographique (90 km à vol d'oiseau), il est difficile d'accepter aujourd'hui en termes de stratégie agricole et de contraintes budgétaires – l'aéroport Mohammed V, à côté de l'ancien aéroport der Casablanca-Anfa, une autre plate-forme à Casablanca Tit-Mellil et une autre à Benslimane, pour arriver à l'aéroport Rabat-Salé. Les villes Casablanca, Rabat et Salé pouvaient avoir un aéroport international qui répond à toutes les exigences techniques à Benslimane. A mi-chemin, entre Casablanca et Rabat, on pouvait donc libérer et valoriser cette terre agricole de premier choix de la grande Chaouia sur laquelle se trouve l'aéroport Mohammed V. J'insiste sur le fait qu'on ne peut pas refaire le passé, mais, dans le proche avenir, on doit éviter de passer par les mêmes erreurs. L'Opinion : Et en matière d'urbanisme ? Aziz Lahlou : C'est ce que j'ai dit à cette rencontre de l'E.N.A. de Paris. Le Maroc est en train de commettre les mêmes erreurs que l'Administration publique française. Nos villes se développent de façon anarchique, observez bien l'exemple de Casablanca. Avant de penser à créer des villes-dortoirs, il faut penser à créer des lieux de création de richesse, des lieux de travail pour les populations à venir, n'est- ce pas ? L'Opinion : L'évaluation des politiques publiques vise à produire de la connaissance sur une intervention publique afin d'en apprécier la performance et de prendre des décisions adaptées pour en assurer le renforcement. Qu'est-ce donc l'évaluation des politiques publiques ? Aziz Lahlou : Evaluer une politique, c'est identifier et mesurer ses effets propres. Evaluer une action publique, comme vous le savez, c'est émettre un jugement sur la valeur de cette action. Evaluer une politique, c'est rechercher si les moyens juridiques, administratifs et financiers mis en œuvre permettent de produire les effets attendus de cette politique et d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés. Enfin, l'évaluation d'une politique publique a pour objet d'apprécier l'efficacité de cette politique en comparant ses résultats aux objectifs assignés et aux moyens mis en œuvre. L'Opinion : Au Maroc, qu'est-ce qu'une intervention publique performante ? Aziz Lahlou : C'est la capacité qu'a, notre pays d'une intervention publique à atteindre les objectifs fixés avec une mobilisation optimale des ressources, dont dispose le Maroc, à contribuer à la qualité du service public et à la cohérence territoriale, à s'appuyer sur une démarche participative et pluraliste et à s'inscrire dans une approche de développement durable. L'Opinion : Sur quoi donc porte votre évaluation ? Aziz Lahlou : Sur les relations entre les différentes phases. Sur la pertinence qui est l'adéquation entre les objectifs poursuivis par l'intervention publique et les problèmes ou enjeux de société auxquels l'Aministration publique marocaine entend apporter une réponse. Avec une cohérence interne qui doit correspondre entre les objectifs d'une même intervention. Enfin, avec une efficacité qui doit mesurer les réalisations, les résultats et des impacts obtenus par l'intervention publique en regard des objectifs poursuivis exprimés sous forme de réalisations de résultats et d'effets attendus. L'évaluation, en un mot, est un outil moderne d'aide à la décision pour les responsables politiques et administratifs au même titre que d'autres procédures de management comme l'audit ou le contrôle de gestion. *Professeur d'analyse économique et ancien directeur de recherche à l'E.N.A de Rabat