A coup d'attaques incessantes contre le pouvoir d'achat des Marocains, ces derniers ont compris qu'avec le gouvernement Benkirane, il faut se serrer la ceinture jusqu'à la fin de l'actuelle législature. Mais pas tous. Certains, au contraire, ne semblent pas soumis à la même politique d'austérité imposée à la majorité. Ainsi en est-il des agents d'autorité, qui semblent être dans les bonnes grâces de Benkirane et avec lesquels on lui découvre une générosité de grand pacha. Que les agents d'autorité soient correctement indemnisés, afin qu'ils puissent remplir au mieux leurs missions, cela est une évidence que personne ne saurait contester. Mais il est quand même incompatible d'inonder la population, à longueur de temps, de discours sentencieux sur la rationalisation des dépenses publiques, puis de pondre un projet de décret qui accorde de prodigues indemnités de logement aux agents d'autorités. 32.000 dhs pour un Wali ? Même les ministres ne perçoivent pas une telle somme au titre des indemnités de logement, qui atteint au plus 25.000 dhs. D'après les termes de ce décret, un khalifa de caïd de 2ème classe recevra, pour sa part, 2.170 dhs. 400 dhs de plus et c'est le salaire minimum versé à un travailleur. A ce compte là, l'État pourrait très bien faire l'acquisition, à crédit, de logements pour ses agents d'autorité, là ou le besoin s'en fait ressentir, avec des mensualités de remboursement bien inférieures aux montants versés à titre d'indemnités. Ce n'est pas à Benkirane que l'on doit rappeler ce qui est écrit dans le Saint Coran. Il est clairement souligné, au verset 31 de la Sourate «Al A'araf», qu'Allah n'aime pas les gaspilleurs. Qualifiés, par ailleurs, au verset 27 la Sourate «Al Isra'e», de frères des diables. Les Marocains ont mal gobé la coupe dans les investissements publics, qui s'est traduite par un tassement dans la création d'emplois. Ils n'ont pas du tout apprécié le renchérissement du coût de la vie, encore moins le démantèlement systématique des subventions aux produits de premières nécessités. Ils se sont toutefois tus, au nom de la sacro-sainte orthodoxie budgétaire et des équilibres macro-économiques. Benkirane s'est appuyé, depuis qu'il a pris la tête du gouvernement, sur sa popularité auprès d'une partie de l'électorat marocain pour faire passer ses réformes socialement douloureuses. Comment compte-t-il maintenant expliquer aux Marocains sa générosité envers les agents d'autorité ? Le problème réside moins dans la largesse envers les agents d'autorité, qui peuvent très bien la mériter, que dans le contexte socioéconomique et politique où elle est concédée. Serrer la vis aux dépenses publiques, au risque d'étouffer la dynamique économique et d'appauvrir encore plus les classes moyennes et défavorisées, tout en faisant preuve, parallèlement, de libéralité envers les agents d'autorité, à quelques mois des élections communales, il faut avouer qu'il y a de quoi se montrer suspicieux. Et que Benkirane ne vienne pas, après ça, se plaindre des crocodiles et autres démons, qui ne sont ni caïds, ni pachas. Vade retro fantôme de Basri !