D'aucuns pourront l'appeler mépris ou remords concernant le silence volontiers de l'ancien président du Tchad, Hissène Habré, actuellement dans le box des accusés à Dakar au Sénégal. Il comparaît devant les Chambres africaines extraordinaires de l'Union africaine pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Toujours est-il que depuis le début de ce procès jusqu'à la plaidoirie le prévenu a opté pour le silence total. Bouche cousue. La totale. Durant tous ses passages devant les juges, il n'a dit aucun mot, n'a fait aucun geste. Il est resté de marbre devant les témoignes accablants de ses victimes, comme si il ne s'agissait de lui. Impassible devant toutes les descriptions des actes inhumains et autres barbaries commis sous sa présidence. Ce silence coupable prouve bien que l'accusé nie en bloc tous les faits qui lui sont reproché. Mais de toute évidence, il est difficile de balayer huit ans de règne avec un mutisme inexplicable. C'est ce que le premier avocat des victimes s'est attaché à prouver car, selon lui, Hissène Habré était bien le cerveau de la répression des ethnies zaghawa et hadjaraï à la fin de son pouvoir. Une répression à grande échelle, car estime l'avocat, certains membres de ces communautés avaient lâché Hissène Habré : « C'était la politique de la terre brûlée. Si on prenait un père de la famille, tout le reste y passait : la femme, les enfants, le cousin, la tante... tout le monde y passait, puisque vous êtes de la même ethnie. Mais ça n'a ému personne, ça n'a ému personne... Moins encore l'accusé. Il ne fait aucun doute que la répression contre les Hadjaraï et les Zaghawa était planifiée, était systématique. » Ensuite, un second avocat, Me Beauthier, est venu à la barre et a dénoncé le silence d'Hissène Habré. C'est la stratégie du prévenu depuis le premier jour de son procès. Et l'avocat belge, à travers une image, a cherché à montrer l'ampleur des exactions. D'après lui, 40 000 personnes sont mortes durant le règne d'Hissène Habré : « Est-ce que vous imaginez qu'il faut onze heures pour rentrer les victimes d'Hissène Habré dans cette salle ? Il faut 133 salles comme celle-ci, à raison de 300 prisonniers : femmes, enfants, petits, grands, hommes, vieillards ! Ce n'est pas un carnage, c'est une litanie. Monsieur Hissène Habré, il gigote, mais il se tait. Hissène Habré a choisi un style de défense, l'aveu béant de ses crimes. » Puis M. Verneyre a été appelé à la barre. Son objectif est de prouver qu'Hissène Habré est entièrement, et donc pénalement, responsable des crimes commis. A la barre, il a cité le mémoire en défense des avocats d'Hissène Habré, avocats qui estiment que la responsabilité du prévenu n'est pas directe : « Personne n'a jamais dit nulle part que le donneur d'ordre ou que M. Habré ne devrait pas être responsable parce que les agents de la DDS sont responsables. Qu'est-ce que M. Habré a planifié ? Monsieur Habré a créé la DDS comme un organe à son contrôle pour neutraliser, pour déprimer, pour détruire ses ennemis. » Tous ces avocats ont cherché à provoquer, à créer une réaction du prévenu. Sans réussite. Acculé, Hissène Habré n'a, une fois de plus, dit aucun mot.