Par Rachid Idrissi Kaitouni * C'est pour la première fois qu'un Draft du SG des NU ne laisse presque pas de marge de manœuvre au conseil de Sécurité (CS) pour y apporter des amendements. Les différentes lectures de ce rapport dégagent un parti pris incompréhensible, une partialité manifeste et un esprit revanchard reconnaissable non pas par ce qu'il est, c'est à dire quant à ce qu'il énonce, mais surtout par tout ce qu'il ne dit pas de façon claire, explicite et irréfutable. Sans qu'il ne soit besoin de revenir au pied de la lettre sur ses très nombreux paragraphes, il est à relever, d'une façon générale, que ce draft tient lieu du travail d'un correspondant de guerre plutôt que d'un homme sensé se soucier avant tout de la mission première des NU, à savoir le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. Même au plus fort des débats de la question palestinienne, jamais Yasser Arafat n'a eu autant droit de cité dans un rapport que celui de M. Ban Ki-moon concernant le chef du polisario. Jamais un SG de cette institution n'a pris ouvertement position dans le conflit pour occulter le plan d'autonomie pourtant considéré comme une option crédible et sérieuse par la communauté internationale et vouloir en imposer une solution qui, à l'évidence, outrepasse ses prérogatives et ses compétences. Il est à craindre qu'il n'ait perdu le sens de la mesure jusqu'à reprocher au peuple marocain d'exprimer son émotion. Peut-être que si la MINURSO avait d'autres pouvoirs, n'aurait-il pas été tenté de décider de prendre des mesures de rétention contre les populations de Laâyoune pour avoir manifesté contre ses agissements à Tindouf. Alors qu'il venait juste de quitter l'Algérie, M. Ban Ki Moon n'a pas jugé utile de condamner la déclaration de guerre proférée par le Général commandant en chef de la région militaire de Tindouf à l'encontre du Maroc, ni de s'inquiéter auprès du gouvernement algérien de telles menaces ! Comment, après s'être incliné devant un étendard qui ne figure pas devant l'immeuble en verre à New-York, peut-il adresser un «V» de victoire à des populations qu'on n'a jamais identifiées et parler de territoires occupés qu'il ne connaît d'ailleurs pas ; le polisario ne s'est-il pas pris de vertige et de délire pour invoquer, à nouveau, des plans abandonnés depuis plus de vingt ans ? Enfin comment M. Ban Ki-moon, après avoir pris faits et causes pour les conclusions de son ancien envoyé au Sahara, affirmant qu'un nouvel Etat n'est ni viable ni souhaitable dans la région; s'autorise-t-il, sans vergogne, d'enterrer le plan d'autonomie proposé par le Maroc ? A vrai dire, le responsable numéro un de l'ONU n'ignore pas que la région du nord-ouest africain encours tous les dangers qui continuent de faire des ravages dans de larges parties du monde arabo-africain. EIle est, aussi, la cible de plans qu'il n'est plus utile de détailler ici. Les tentatives de partition de l'Irak, de la Syrie et de la Libye ne sont que la partie visible de l'iceberg. Les prochaines articulations devraient viser le Golfe pour des raisons évidentes relatives au pétrole, mais c'est surtout en Algérie et, par ricochet, au Maroc que le projet sionisto-évangéliste porté par les néo-conservateurs américains devrait s'enflammer à nouveau. En nous faisant une guerre, ce qui n'est pas exclu du tout, la soldatesque algérienne est assurée de souffler sur un brasier qui ne finit pas encore de panser les blessures causées par la guerre civile avec son cortège de malheur et ses 200.000 morts. Comment ne pas imaginer la tragédie qui s'en suivra du fait du réveil de tous les intégrismes et des inévitables occasions d'agir qui seront offertes aux terroristes et autres criminels ! Entre les velléités ethno-linguistiques, les disparités socio-économiques et régionales et la déliquescence des élites politiques, c'est un nouveau conflit des Balkans qui se dessine à quelques kilomètres au sud de l'Europe. Il est impératif de consolider l'unité nationale autour de l'idée qu'avant tout et après tout, nous sommes que marocains et rien d'autre que marocains. Il est contre productif d'être anti arabe juste pour faire valoir son amazighité, ni de se pourvoir militant de la liberté de conscience en allant se prosterner devant le mur des lamentations. Le mal est d'abord en nous et le danger qui nous guette sera plus grand au fur et à mesure que nous portons atteinte au vouloir vivre en commun qui fait de nous une patrie à l'unité indestructible. Revendiquer la place qui est la sienne dans le concert des nations, c'est réaffirmer, autant que faire se peut, l'unité du Maroc dans sa diversité sans préjudice aux avancées institutionnelles en cours. Fort de ses attributs, le Maroc sera dans l'obligation de ne pas accepter le rapport du SG, ce qui devrait amener le Conseil de Sécurité à procéder à la refonte générale de ce rapport. * Ancien ambassadeur et ancien SG du Parlement marocain.