«Dieu, garde-moi de mes amis, mes ennemis, je m'en charge », disait déjà, il y a plus de deux mille ans, Antigonos II, roi de Macédoine. C'est ce que l'on ne peut s'empêcher de penser suite aux premiers échos reçus concernant la version première du projet de résolution du Conseil de Sécurité de l'ONU relatif à l'affaire du Sahara. Il y est question de reprise « urgente» des pleines fonctions de la MINURSO et de la prorogation de son mandat de seulement deux mois, après quoi, le Secrétaire Général de l'ONU serait appelé à présenter un nouveau rapport sur le Sahara. Ce texte a été produit par les Etats-Unis. Le récent propos du Souverain à Ryad, lors de son discours historique devant le sommet Maroc-Pays du Conseil de Coopération du Golfe, prend, dans ce cadre, toute sa signification. « La situation est grave, surtout au regard de la confusion patente dans les prises de position et du double langage dans l'expression de l'amitié et de l'alliance, parallèlement aux tentatives de coups de poignard dans le dos ». Il serait sot de s'imaginer que le Maroc n'a pas un œil qui surveille tout le temps ce qui se passe derrière son dos. Et cela fait déjà un certain temps qu'il voit bien qu'un de ses meilleurs alliés, surendetté et dont la suprématie industrielle perd continuellement du terrain ainsi que celle de sa monnaie condamnée à terme par les immenses stocks d'or sur lesquels s'appuient désormais le yuan chinois et la rouble russe, réduit à entretenir le flou dans un Moyen-Orient calciné pour s'en aller hanter, tel le Hollandais volant, le Sud de la Mer de Chine, dans le vain espoir de militairement contenir l'expansion géoéconomique de l'Empire du milieu. Retour au discours historique de Ryad, marquant par sa prépondérante franchise. « Que peut faire le Secrétaire Général alors qu'il est l'otage de certains de ses collaborateurs et de ses conseillers, auxquels il délègue la supervision de la gestion de nombre de dossiers i mportants, en se contentant, lui, d'appliquer les propositions qu'ils lui présentent? L'on sait aussi que certains parmi ces fonctionnaires ont des parcours nationaux et des backgrounds politiques particuliers, et qu'ils servent les intérêts d'autres parties, sans respect de l'obligation de neutralité et d'objectivité à laquelle ils sont tenus du fait de leur appartenance à l'Organisation des Nations Unies, et qui se trouve être le fondement de l'action onusienne». L'étrange histoire d'un diplomate à double caquette Il est notoire que les ennemis du Maroc agissent au sein de l'ONU via Jeffrey Feltman. Savez-vous qui est Jeffrey Feltman ? L'actuel Secrétaire Général adjoint aux affaires politiques de l'ONU, nommé à ce poste en juin 2012 par Ban-Ki-moon, avait remplacé, en mars 2014, le secrétaire d'Etat des Etats-Unis, John Kerry, à une réunion du Groupe international d'appui au Liban, obligé de s'absenter en raison de préoccupations plus urgentes. En effet, Feltman a la particularité de cumuler les prérogatives de son ancien statut d'assistant du secrétaire d'État américain pour le Proche-Orient à celles de numéro 2 de l'ONU. N'est-il pas étrange, n'est-ce pas? Les Russes le connaissent très bien, pour avoir écouté Victoria Nuland, secrétaire d'État assistante américaine pour l'Europe et l'Eurasie, citer son nom dans une conversation téléphonique à propos de l'Ukraine. Ce spécialiste du Moyen Orient et ancien ambassadeur des Etats Unis à Beyrouth, du temps de l'invasion sioniste repoussée en 2006, est également très bien connu en Syrie, pour être le co-auteur d'un obscur plan de paix, qui ne verra jamais, en fait, « Le jour d'après » ... Le 28 septembre 2013, une journaliste américaine, du nom de Robin Wright, a publié sur le New York Times un article intitulé: « Imaginons un Moyen-Orient remodelé », qui a fait date autant que la carte de ladite région, divisée en micro-Etats, qui l'a accompagné. La voix de ses maîtres a ainsi révélé qu'il en est des intoxiqués de la théorie du chaos qui fantasment, sur les bords du Potomac, d'une Arabie Saoudite divisée en cinq et d'une Libye fragmentée en trois. Et la Libye, c'est le Maghreb, pas le Moyen-Orient. La destruction de l'Etat libyen avait fortement marqué Vladimir Poutine, à l'époque Premier ministre de Russie. Il est, actuellement, en tant que président, en train d'assister à la déchéance de l'Etat ukrainien à ses frontières occidentales, en proie à l'incompétence de dirigeants corrompus et la folie meurtrière des bataillons néonazis. Les Russes ne sont ni des anges, ni des démons, ils ont des intérêts à défendre, ce qu'ils font avec pragmatisme, et croient en le principe de la souveraineté des Etats. Poutine a discrètement mais fermement soutenu les Ukrainiens russophones du Donbass, mais pas jusqu'à la sécession, ce pour quoi il a d'ailleurs été pas mal critiqué. Et le retrait de l'essentiel de la force d'intervention russe en Syrie, avant que le régime n'ait définitivement remporté la partie contre la rébellion armée, a fait pas mal de déçus. Toutefois, l'armée syrienne a été rééquipée d'armes modernes et ses soldats initiés à leur maniement. Même les tactiques de combat ont été modifiées, sur la base de l'expérience, longuement et profondément étudiée, de l'armée russe en Tchétchénie. Le quasi-monopole le plus impressionnant de l'Histoire humaine Le partenariat stratégique conclu entre le Maroc et la Russie, il y a quelques semaines, à Moscou, est donc un choix sobrement mûri. Le Royaume, fidèle en amitié, comme il l'a maintes fois prouvé, n'en est pas pour autant une chasse gardée et sait tout l'intérêt de diversifier ses partenaires. Car il en est aussi qui estiment que les réserves de phosphates du Royaume, pas moins des trois-quarts des réserves mondiales il est vrai, lui donneront, à terme, «trop» de poids à l'échelle internationale. « Le quasi-monopole le plus impressionnant de l'Histoire humaine », selon un homme d'affaires américain, cité, en novembre 2013, par la BBC. Mieux encore, le Togo, autre pays africain producteur de phosphates, veut développer un partenariat poussé avec l'OCP, ce qui donnera au Maroc encore plus de poids. Surtout que l'extraction de phosphates régresse dans d'autres pays producteurs, dont les Etats-Unis. Or, les phosphates, c'est l'or« vert» du XXIème siècle naissant, maintenant qu'il va falloir booster la productivité agricole, sur des surfaces arables réduites par le changement climatique, en usant d'engrais phosphatés, pour nourrir une population mondiale toujours en croissance. Avec l'apport de sa nouvelle usine d'engrais à Jorf Lasfar, opérationnelle en 2017, avec une capacité de production de 12 millions de tonnes par an, l 'OCP est en passe de devenir le leader mondial sur ce marché. Diviser pour piller, ça vous dit quelque chose? Les Algériens ne sont pas aveugles au point de ne pas voir la menace qui pèse sur leurs marches orientales, sentant le vent infernal de Da'ech souffler depuis la Libye, mais pas assez clairvoyants pour se rendre compte que ce sont les mêmes musiciens qui jouent partout le même air, que seules les paroles changent en fonction des contextes et circonstances. Si ce n'était le tragique de la situation, c'est le spectacle burlesque de la marionnette qui se croit marionnettiste. Ramtane Lamamra, chef de la diplomatie du pays voisin de l'Est, aurai été moins souriant, au côté de Ban-Ki-moon, s'il avait compris où les maîtres marionnettistes veulent en venir. Il en aurait même été terriblement effrayé. Cléopâtre a eu beau corrompre des sénateurs de Rome pour gagner leur grâce, elle n'en a pas moins fini ses jours en se tordant de douleur, du fait du poison absorbé pour échapper aux légionnaires romains. Rien, en effet, n'aurait dissuadé l'empire de Rome de mettre la main sur le grenier à blé égyptien. La souveraineté du Royaume sur l'ensemble de son territoire, avec des régions du Sud jouissant de l'autonomie élargie, le mieux qu'il puisse faire, les Marocains la défendront, avec ténacité et intelligence, forgeant un Maroc du XXIème siècle qui préfère susciter la jalousie que la pitié. « Si vous glorifiez Dieu, il vous donnera la gloire », Verset 7, sourate Mohammad, est la devise qui figure sur les armoiries du Royaume.