Dans les productions cinématographiques d'aujourd'hui, l'action violente est le seul objet du scénario, d'où ces films où le déferlement de la violence est inséparable d'un personnage principal, qu'on le nomme «nettoyeur» ou «tueur-né». L'analyse de la violence des images à l'écran est présentée ici comme une sorte d'«avant-première» aux textes portant sur les faits de violence au quotidien. Cela signifie entre autres que l'évolution de la violence des images à l'écran peut être considérée comme un révélateur ou comme une métaphore des métamorphoses qui se produisent dans la société globale. La violence classique au cinéma était annoncée, cadrée, maîtrisée, arbitrée, etc. dans les films de boxe, de guerre ou dans les westerns. Autrement dit, la violence se déroulait dans un espace-temps défini (avec un début et une fin) et le réalisateur lui donnait sens par rapport au contexte social dans lequel elle se déroulait. A une représentation classique de la violence où l'image fait office de médiation s'est substitué aujourd'hui un «état naturel de violence». Alors que la boxe oscille entre des charges et des décharges, des coups et des feintes, des frappes et des esquives, la violence contemporaine est automatique: elle accumule les charges successives sans aucune interruption ni un véritable sentiment de gradation, c'est-à-dire de différenciation entre le coup de pistolet et le recours à la bombe. On se trouve ainsi face à une violence déréglée, aveugle, sans discernement. Un champ de bataille sans limites, sans marquage au sol, ni repères, un monde manifestement sans règles du jeu, sans code partagé par les communautés, par les différentes parties qui prennent part au combat. L'affrontement a lieu sur le terrain, mais la confrontation déborde trop souvent hors des limites du terrain de jeu. S'il est difficile de répondre à la question «qu'est-ce qu'un bon film violent?», on peut certainement avancer qu'un mauvais film violent serait celui qui n'indiquerait pas comment sortir de la violence...La violence, même de façon implicite, nous le savons depuis longtemps, est omniprésente dans toutes les sociétés. Une scène peut aussi se révéler violente, parce qu'inconnue, choquante, parce qu'étrangère, insensée, culturellement déroutante, parce qu'incompréhensible. Mais n'oublions pas la volonté, délibérée parfois chez certains réalisateurs, de nous pousser jusqu'au bout de nos retranchements et de nous révéler où sont nos limites du tolérable, de l'acceptable... parce qu'une scène peut nous renvoyer à une difficile épreuve personnelle. Ainsi, une situation jugée violente dans un film de fiction par certains ne le sera pas forcément par tous. Alors, que faire? Le plaisir du spectateur devant l'écran, c'est de croire, autant qu'il a envie d'y croire, aux images qu'il reçoit. Il reste alors, précisons-le, un arrière-plan culturel commun qu'il est délicat de ne pas respecter. Une éthique, des valeurs qui doivent être garanties parce que certains interdits sont fondamentaux, parce que structurants pour l'individu dans son rapport à lui-même et dans ses relations aux autres. Mais il ne faut pas oublier ceux qui, plus fragiles, pourraient recevoir ces fictions violentes comme autant de réalités.