Stéphanie Michineau est docteur en littérature française et spécialisée des œuvres de Colette) vient de publier son dernier ouvrage « Colette, Par-delà le bien et le ma ?, Mon Petit Editeur,2011 ». Professeur Mhamed Dahi ( Critique Marocain et professeur de la littérature arabe à l'université MohammedV Rabat) a publié récemment un compte sur ce livre au supplément culturel « Alitihad Alichtiraki) ( Esthétique de désir dans les œuvres de Colette, 3 Février 2012) et a réalisé l'entretien suivant avec Stéphanie Michineau. La première partie de ce document a été publiée dans notre édition de vendredi dernier. : M. Dahi/: Comment expliquez-vous le retour de la littérature française aux œuvres de Colette ? » S. Michineau / Pour répondre à votre sixième question, il faut se replacer dans le contexte de l'époque : la première moitié du 20ème siècle. Colette, au départ, était perçue comme une écrivaine sulfureuse. Ses premiers livres étaient d'ailleurs signés Willy dont elle subissait (jusqu'à un certain point) le joug. Avec la sortie de La Maison de Claudine en 1922, ce retour à l'enfance (qu'elle décrit) lui confère une nouvelle respectabilité sociale mais je pense qu'elle est loin de se borner à cela. Plus que d'autobiographie, on devrait parler en ce qui la concerne d'autofiction. Et selon moi, elle croyait pertinemment en la postérité qui la hisserait au rang qu'elle mérite. C'est en tout cas, l'idée que j'ai défendue dans L'Autofiction dans l'œuvre de Colette. Je ne sais si elle aurait employé le terme d'autofiction (car elle n'aimait pas les grandes théories) mais l'autofiction est un terme simple et je pense qu'elle s'y retrouverait. M. Dahi/ Est-ce que les œuvres de Colette sont encore d'actualité ? » S. Michineau / Vous me permettrez, cher M. Dahi, de faire une transition habile puisque cela s'y prête : de la littérature française au retour de... l'émergence de Colette sur un plan international. Cela a été le sens de ma démarche lorsque j'ai accepté, suite à la demande formulée de M. Mustapha Trabelsi, d'intégrer l'URLDC (Unité de Recherche en Littérature, Discours et Civilisation) qu'il dirige à Sfax, en Tunisie. Je pense que Colette peut beaucoup apporter sur le plan de l'image de la Femme comme figure exemplaire de la Femme libre et courageuse, s'assumant pleinement à une époque où ce n'était pas chose aisée de le faire puisqu'à cette période (début 20ème siècle) en France, la condition de la Femme était pour le moins mise à mal ! Alors qu'une internaute, au terme de mon article intitulé « Colette : de l'Aiguille à la plume... de la Plume à l'aiguille » me posait la même question que vous, M. Dahi ; sous-tendant par contre (ce qui n'est pas votre cas, bien heureusement...) que le féminisme de Colette (plus par sa vie que par des théories générales) datait, je l'ai remise dans des réalités factuelles en lui rappelant des chiffres actualisés qui parlent d'eux-mêmes : en 2008, ce sont 157 femmes qui sont mortes sous les coups de leur conjoint, soit une femme qui décède tous les deux jours et demi en France. Face à ce fléau inacceptable qui touche toutes les catégories sociales, à tous les âges et sur l'ensemble du territoire, le Gouvernement a d'ailleurs décidé de renforcer la lutte contre les violences et la violence est devenue, depuis 2010, en France, grande cause nationale. C'est d'ailleurs, en ce sens que j'ai accepté l'honneur et le privilège qui m'étaient faits lorsqu'il me fût proposé en août 2010 de rejoindre le comité scientifique du colloque international littéraire et féministe d'Orléans : « Femmes des Lumières et de l'Ombre », organisé, chaque année, par François Le Guennec en partenariat avec l'association féministe Mix-Cité. Cela a d'ailleurs été l'occasion pour moi d'élargir depuis, mon domaine de recherche, par delà Colette, à la thématique plus générale portant sur « Les Femmes en littérature ». Bien entendu, cette question n'en a pris que plus d'ampleur depuis le Printemps Arabe... Pour l'anecdote, un internaute Tunisien (linguiste) sur Facebook s'étonnait d'ailleurs que la date de mon anniversaire (le jour, pas l'année !!) corresponde précisément à celle de la révolution du 14 janvier (2011) en Tunisie. Alors que je m'intéresse tout comme vous, M. Dahi, à la sémiologie, cette remarque, je l'avoue, m'a quelque peu interloquée (et bien sûr, en y repensant : réjouit !) : encore une fois, simple coïncidence, ou signe ? Je n'ai pas de réponse... M. Dahi/ Quels sont les traits autofictionnels dans l'univers fictif de Colette ? » S. Michineau / Selon moi, toute l'œuvre de Colette (c'est ce que je démontre dans ma thèse !) s'inscrit dans un espace autofictionnel peu ou prou suivant les livres bien entendu. Autour de ma thèse, L'Autofiction dans l'œuvre de Colette, j'ai contribué à rédiger deux articles pour les Cahiers Colette : l'un correspondant à une sorte de condensé de ma thèse, portant d'ailleurs le même nom : « L'Autofiction dans l'œuvre de Colette » ; l'autre ayant pour titre : « Colette, une œuvre transgénérique ou la modernité de l'écriture ? » tirée d'une communication que j'avais donnée lors du colloque international prestigieux sur Colette intitulé : Colette : Complexité et modernités, organisé par l'ITEM et la Société des Amis de Colette à l'Abbaye d'Ardenne, près de Caen, les 13 et 14 mars 2009. Afin de répondre de manière satisfaisante et précise à votre intéressante question, M. Dahi, je reprendrai ici, si vous le voulez bien, l'extrait suivant d'un autre de mes articles rédigés pour La Faute à Rousseau, revue sur l'Autobiographie à laquelle j'ai contribué. Voici donc l'extrait en question tiré du n° 53 (février 2010) intitulé : « Colette : autobiographie ou autofiction ? » « Colette procède, en définitive, toujours de la même manière, que ce soit avec ses héroïnes de premier plan ou avec la figuration d'elle-même dans son œuvre : elle se reconnaît à travers elles (même si elles ne sont pas l'auteure en tous points) et, une fois l'identification établie, elle les utilise à des fins expérimentales. C'est le cas de Claudine, mais pas seulement. Annie, dans Claudine s'en va (1903), divorce trois ans avant la séparation de Colette elle-même avec Willy. La fin de L'Entrave montre, par contre, une Renée Néré à jamais « amarrée » à Jean, préfigurant les liens de l'auteure avec son deuxième mari, Henry de Jouvenel, consolidés par la naissance de Bel Gazou en 1913. On pourrait dire de même pour Léa : Colette n'est pas Léa à l'origine, mais (désir conscient ou inconscient ?) elle endossera auprès de son beau-fils, Bertrand de Jouvenel, le rôle de mère de substitution, initiatrice de la connaissance du monde et de plaisirs... plus charnels ( ?!). Ansi, le personnage de Colette dans La Naissance du Jour ne figure pas l'auteure à proprement parler, mais une sorte de modèle qui lui sert de tremplin vers une relation plus apaisée à l'homme et qui, finalement, préfigure « le code de la vie à deux » avec celui qu'elle nommera « son meilleur ami » : Maurice Goudeket, son troisième mari ! » ... Sinon, La Faute à Rousseau est une revue que notre ami commun (que vos lectrices et lecteurs connaissent d'ailleurs peut-être, M. Dahi, puisqu'il habite au Maroc et a publié dans des revues marocaines) : Arnaud Genon, spécialiste de l'écriture de soi et d'Hervé Guibert, connaît bien pour y avoir contribué, lui aussi (notamment dans le numéro précédemment cité). A savoir que l'on peut trouver mon article « Colette : autobiographie ou autofiction ? » ainsi que quelques autres sur le site de référence qu'il co-dirige avec Isabelle Grell : « Autofiction.org ». J'y ai d'ailleurs parcouru votre très bon article, M'hamed Dahi, traitant de l'autofiction dans le Monde Arabe qui fera office de prémice dans mon esprit à votre intervention (dont je me réjouis déjà à l'idée d'assister) en juillet prochain lors du colloque de Cerisy. Que vous dire d'autres pour refermer cet entretien ? ...si ce n'est vous remercier de la pertinence et de la finesse de vos questions qui m'ont permis de mettre en valeur mes recherches. Si vos lectrices et lecteurs souhaitent plus d'informations sur mes travaux passés ou/et en cours, ils peuvent se reporter à mon blog littéro-universitaire : http://stephanie-michineau.publibook.com ou s'ils sont comme moi et comme vous, M. Dahi, adeptes de Facebook, je les invite volontiers à rejoindre ma page publique nouvellement créée à cet effet depuis le 3 janvier 2012, page ouverte à titre d'« Auteur » sous l'appellation précise de : « Stéphanie Michineau : Ecrivain-Chercheur ». ...Il ne me reste plus qu'à remercier par votre intermédiaire vos lectrices et lecteurs de leur attention.