Visiblement bien intégrés dans la société marocaine, les marchands ambulants sénégalais vivant à Rabat (Maroc), emboitent le pas à leurs frères marocains appelés « Ferrachas » et mènent « paisiblement » leurs activités commerciales dans différentes rues et ruelles de la capitale du Royaume. Les marchands ambulants sénégalais donnent l'impression d'être à Sandaga tellement ils semblent être à l'aise dans l'exercice de leur métier sur les Avenues Mohammed VI et Hassan II mais également à l'intérieur de la Médina, à la Place Bab el Had, etc. Ils se sont frayé une place sur les trottoirs et autres chaussées de places publiques dans ce qui s'apparente à un vaste « Souk » (marché hebdomadaire en arabe) devenu quotidien. Pour se protéger du soleil qui darde ses rayons en cette période de l'année, les commerçants sénégalais ont érigé des tentes sous lesquelles sont dressés sur plusieurs mètres leurs étals proposant des marchandises qui vont des bijoux, lunettes aux vêtements, montres, téléphones portables en passant par des produits cosmétiques, etc. Peu intimidé par les infrastructures modernes, Moussa, âgé d'une trentaine d'année se dit satisfait de vivre et de travailler à Rabat. « Je suis retourné au Sénégal il y a deux ans. Je me sens très bien au Maroc. Je ne me plains pas », dit-il avant d'entamer, dans un arabe limpide, une courte conversation avec son voisin marocain pour ensuite revenir à l'entretien. Cette maîtrise de la langue sémitique, le jeune marchand la doit à ses six années passées dans le Royaume chérifien, loin de son Rufisque natal. « Ici, on se sent comme au marché Sandaga (célèbre marché de Dakar). On n'a aucune inquiétude », lance-t-il avec conviction. Ils sont plusieurs dizaines de Sénégalais à occuper les centaines de rues, avenues et places publiques situées au cœur de la ville où « taxis bleus » ou « petits taxis » et « taxis blancs » ou bien « grands taxis » se disputent l'immense rue grouillant de monde en ce début d'après-midi. A côté de lui, une jeune Sénégalaise qui a préféré garder l'anonymat tient son étal. Avec des gestes habituels, elle arrange les boucles d'oreille, les bracelets, les colliers ainsi que les différents accessoires qui composent son commerce. Détournant les yeux de ses mouvements quotidiens, lorsqu'on s'approche d'elle, le petit sourire qui s'affiche sur son visage invite à la discussion. En effet, elle montre disponibilité et satisfaction de s'adresser à une compatriote. « Nous sommes dans de bonnes conditions ici » jette-t-il spontanément. « Nous habitons le même quartier et chaque matin, nous commençons notre travail ici, et le soir nous reprenons le tramway pour regagner nos logements », a fait savoir la native de Tivaoune (Ouest) qui pointe du doigt le tram qui traverse, au même moment, la large rue occupée par ses collègues tabliers. Timide et discrète, elle se leva aimablement de sa chaise et m'invite à s'asseoir. « La fille que tu vois là-bas en pullover rose, c'est une Sénégalaise, les autres, ils viennent du Ghana, de la Côte d'Ivoire et du Congo », explique-t-elle dans une voix douce. Se détournant un moment de la discussion, elle demande à son compatriote Meïssa, les raisons du non acquittement de sa cotisation pour la tontine. « Nous sommes obligés de faire des tontines. Cela nous permet de mettre de l'argent de côté pour avoir de quoi envoyer à nos familles restées au Sénégal », explique-t-elle, avec un regard qui laisse trahir une courte nostalgie. Installée un peu plus loin, Amina Sow est en grande discussion avec son grand frère sur un problème familial. Son visage sympathique, son sourire éclatant et la confiance qu'elle dégage témoignent de sa joie de vivre. Amina admet que « c'est toujours dur de quitter son pays » et qu'il faut « se battre » chaque jour pour gagner de quoi payer la location et l'alimentation. Elle ajoute néanmoins que les Sénégalais « n'ont aucun problème dans ce pays d'accueil ». « Le roi respecte énormément les Sénégalais. On nous a mis sur un piédestal et on a la paix », assure la jeune femme qui savoure, en même temps, la musique que lui renvoie les écouteurs placés à ses oreilles. De l'autre côté de la rue, le jeune Meïssa y tient sa table. Derrière ses lunettes de soleil, sa casquette vissée sur le côté et sa grosse chaîne en argent avec un petit pendentif qui a la forme de la carte d'Afrique, il abonde dans le même sens que ses concitoyens. Même si, ces Sénégalais interrogés se sentent à l'aise dans ce pays de l'Afrique du Nord, ils se sont tous plaints du problème qu'ils rencontrent au moment d'envoyer de l'argent à leur famille au Sénégal. Ils jugent le coût de transfert trop cher et invitent les autorités des deux pays à trouver une solution. Ils ont aussi évoqué la question des logements sociaux dont les conditions d'accès ont été assouplies pour les Sénégalais à revenus modestes et irréguliers et pour ceux de la Diaspora. M. K. (Avec agences)