Le Liban était paralysé mardi par une grève générale lancée à l'appel de l'opposition pour tenter de renverser le gouvernement de Fouad Siniora. Mais les manifestations sont parfois devenues violentes, se soldant par la mort de trois personnes lors d'affrontements entre les deux camps. M. Siniora a déclaré dans un discours télévisé qu'il restait prêt à négocier avec l'opposition et a souhaité la tenue d'une session extraordinaire du Parlement pour tenter de sortir de la crise. "Nous affronterons ensemble l'intimidation et la sédition, pour le Liban", a-t-il dit. Il se trouvait à Beyrouth, selon un de ses conseillers. Un diplomate français insistait sur le caractère indispensable de la présence du Premier ministre libanais à Paris jeudi pour la conférence des donateurs. L'appel à la grève a été lancé par le Hezbollah, le mouvement chiite Amal et le Courant national patriotique du général chrétien maronite Michel Aoun, avec le soutien des syndicats. Le parti islamiste pro-syrien et pro-iranien exige la formation d'un nouvel exécutif de coalition où il pèserait davantage. D'épais nuages noirs s'élevaient au-dessus de Beyrouth, alors que les manifestants brûlaient des pneus et des voitures sur les principaux axes routiers et entrées de la capitale. Les principales villes du pays étaient aussi paralysées. Dans certaines régions, partisans du gouvernement et de l'opposition se sont affrontés à coups de pierres et de poing, des coups de feu ayant même été tirés. Selon la police, au moins trois personnes ont été tuées et 43 autres blessées par balles lors d'affrontements dans les villes du centre et du nord du Liban, dont deux gardes du corps d'un homme politique proche du gouvernement. Des responsables de la sécurité ont précisé qu'un militant pro-gouvernemental avait été tué, tandis que 23 autres sympathisants du pouvoir et 15 opposants étaient blessés par balles. Dans le port de Tripoli, deuxième ville du pays, une fusillade opposant les deux camps a fait un mort et six blessés. Des milliers de policiers et de soldats ont été déployés dans tout le pays pour tenter de faire lever les barrages et séparer les deux bords, par la négociation ou la charge. Beaucoup de Libanais ne sont pas allés travailler, soit qu'ils faisaient la grève, soit qu'ils craignaient des violences. La route conduisant à l'aéroport international du sud de Beyrouth était bloquée, tout comme l'autoroute qui relie la capitale aux régions montagneuses, ainsi que celle qui mène à Damas, en Syrie, selon la télévision du Hezbollah. En revanche, l'aéroport continuait de fonctionner normalement malgré l'absence d'une partie des employés, d'après les autorités. Sept vols ont été annulés. Nombre d'observateurs craignent que le bras de fer n'entraîne le pays dans une nouvelle guerre civile, alors qu'à la conférence Paris III, le Liban espère recueillir cinq milliards de dollars (3,8 milliards d'euros) pour financer sa reconstruction. Son économie est en ruines après la guerre entre Israël et le Hezbollah à l'été dernier. "Le Liban a un besoin urgent d'être financièrement soutenu et aidé", a souligné mardi Jacques Chirac dans un entretien aux chaînes de télévisions libanaises "Future TV" et "LBC" ainsi qu'à "France 24". Le président français a critiqué "ceux qui en profitent pour créer des difficultés sociales, au moment même où on réunit la conférence", estimant que si la politique se fait dans la rue, les Libanais "ne seront jamais pris au sérieux par la communauté internationale." "Le Liban a besoin aussi qu'on le respecte et que l'on ne fasse pas d'ingérences dans ses affaires", a-t-il ajouté. Le Hezbollah et ses alliés maintiennent la pression sur Fouad Siniora dans le centre de Beyrouth depuis deux mois. Mardi, certains membres de l'opposition se disaient frustrés. "Pacifiquement, cela n'a pas fonctionné. Nous manifestons depuis 52 jours et nos appels sont restés sans réponse", a observé Tony Younes, partisan de Michel Aoun. "Aujourd'hui, nous avons intensifié" le mouvement. "Demain, nous l'intensifierons davantage. Et nous continuerons jusqu'à la chute du gouvernement." Pour les autorités, ces perturbations relèvent d'une tentative de coup d'Etat. Le ministre de la Jeunesse et des Sports Ahmed Fatfat a estimé sur la chaîne Al-Arabiya qu'il ne s'agissait "pas d'une grève", mais "d'une action militaire, une véritable agression".