Vivre un mois de Ramadan en période estivale n'est pas du tout une expérience anodine. Le commun des citoyens, les chefs d'entreprise et toute la cohorte de décideurs que compte le pays accueillent ce mois sacré avec une panoplie de mesures et de dispositifs de nature à faciliter une phase de vacance escamotée. L'autre difficulté est que le mois du jeûne s'écoulera jusqu'à la prochaine rentrée politique. Evidemment, tout le monde s'en mêle les pinceaux. Il n'y a point de stratégie ad-hoc en la matière. Mais ce qui retient l'attention et de manière récurrente, c'est cette attitude de tout un chacun vis-à-vis de l'effort et du rendement. A chaque fois que vous évoquez un planning de travail, ou que vous demandez un rendez-vous pour affaire, ou un service un tant soit peu qui sorte de l'ordinaire ; la réponse générique qui ne rate jamais « pourquoi ne pas revenir après la fin du Ramadan ? ». Cela dit, est-il ou non judicieux de parler d'un modèle ou anti-modèle économique du mois du Ramadan ? L'effet multiplicateur du rythme et des habitudes de consommation dope les ventes et explose les budgets des familles. Les transformations des habitudes sociales impriment un rythme aux activités nocturnes, ce qui a pour conséquence de chambouler l'état physique des jeûneurs. Ces transformations, nous le savons tous, sont souvent en déphasage par rapport à l'esprit et la lettre du socle des valeurs que nous enseigne, justement, l'Islam particulièrement durant le mois du Ramadan. C'est le mois où les vertus de la solidarité, du don de soi, de la rationalisation, du spiritualisme et de la dévotion doivent submerger notre quotidien. C'est au contraire une forme de fétichisme et de consumérisme qui nous emplit. Sous l'effet d'entrainement des habitudes acquises, notre comportement change et en mal. Il ne s'agit point d'un discours moralisateur. Tout au contraire, nous avons besoin de nous remettre en cause et mettre fin à ce deus ex machina qui nous plonge dans un fatalisme affligeant. Ramadan n'a pas à être associé à toutes ces formes de dysfonctionnements et aberrations comportementales dont nous sommes seuls s responsables. A-t-on un jour fait ce calcule d'opportunité, comme il l'est de règle chez les experts de l'économie publique, pour mesurer l'effet ramadan sur la communauté ? A notre modeste connaissance pas encore, et si une telle étude existe, ses résultats ne sont pas rendus publics. Mais il reste évident qu'il est impératif que l'on s'adonne durant ce mois de spiritualité à l'exercice salutaire d'introspection. Il nous appartient de tirer les conséquences qui s'imposent en termes de changements d'attitude. Nous devons impérativement nous réconcilier avec les valeurs fondatrices de ce mois de tolérance et d'effort.