L'Algérie a célébré mardi le 60e anniversaire de son indépendance après 132 ans de colonisation française. Isolé, confronté à de graves problèmes politiques, le régime algérien veut trouver le temps et les moyens de s'intéresser aux affaires du monde, mais avec de vieilles recettes : le populisme paternaliste qui s'empare de la cause palestinienne et qui s'en tient, surtout, aux constats et aux dénonciations ; sans s'engager dans le maquis des conclusions politiques concrètes. Vainqueur mal élu de la présidentielle contestée du 12 décembre 2019 en Algérie et considéré comme illégitime par le puissant mouvement de contestation qu'il a durement matraqué, Abdelmadjid Tebboune, qui a remporté le scrutin ayant connu la plus faible participation de toutes les présidentielles pluralistes en Algérie (39,38 %), se sait très faible. L'homme, qui n'a été élu que par 20 % des inscrits et qui est soumis au bon vouloir du haut commandement militaire, se permet tout pour se survivre. Si les grands hommes d'Etat sacrifient leurs fantaisies et leurs passions aux intérêts dont ils ont la garde, il paraît que M. Tebboune, poussé à bout, est résolu à détourner les symboliques du pays pour ses propres fins. Toutes les élections, le référendum sur la révision de la Constitution ainsi que le prochain sommet arabe ont été annoncés pour le 1er novembre est le jour anniversaire du début de la guerre d'indépendance de l'Algérie (1954-1962), un jour savamment orchestré par le régime. Le nombre et la fréquence des démarches du régime algérien pour être audible sont incalculables. Abdelmadjid Tebboune a réuni mardi 5 juillet à Alger le président palestinien Mahmoud Abbas et le chef du mouvement islamiste palestinien Hamas, Ismaïl Haniyeh, pour assister aux festivités marquant le 60e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie. Abdelmadjid Tebboune et son homologue palestinien ont par ailleurs cosigné un document portant baptisation d'une rue à Ramallah, en Cisjordanie occupée, du nom de l'Algérie. Les observateurs s'accordent à dire que le président algérien a déployé à cette occasion un zèle maladroit pour s'approprier la question palestinienne, vitale pour sa diplomatie agonisante qui se règle invariablement sur la température politique générale du pays. Triste jeu en fin de compte, car il sacrifie la cause la paix au Proche-Orient à ce misérable calcul d'infiniment petits qu'on nomme parfois pompeusement en Algérie raison d'Etat. Le régime algérien donne par là une preuve péremptoire tout aussi bien de sa mauvaise volonté envers les bonnes causes que de ses dispositions plus qu'équivoques à l'égard de la politique internationale. Personne, en revanche, n'a été étonné de la présence de Brahim Ghali, un homme accusé, entre autres, d'«arrestation illégale, tortures et crimes contre l'humanité», «génocide», «assassinat», «terrorisme», et «disparitions». La politique algérienne ne connaît pas les scrupules. Occupée de créer des embarras au Maroc, elle est médiocrement touchée des vrais intérêts du moment. Le président algérien; très timoré, se sert de beaucoup de choses, de beaucoup de gens et surtout de son pays, pour ne pas disparaître politiquement. Kais Saied, le président tunisien, invité aux festivités, joue lui aussi ses dernières cartes. Il veut instaurer un système présidentiel accordant de très larges pouvoirs au chef de l'Etat sans véritables institutions intermédiaires. Dans une sortie qui a fait l'effet d'une bombe, Sadok Belaïd, juriste éminent, a affirmé dans une lettre publiée dimanche par la presse que la version de Kais Saied n'avait rien à voir avec celle qu'il lui avait remise, avertissant que le projet qui sera soumis à référendum le 25 juillet pourrait «ouvrir la voie à un régime dictatorial». Sûrement, le président tunisien a été mal inspiré par un voisin qui n'a jamais aux lèvres les mots de liberté et de garanties constitutionnelles.