Si le crédit documentaire constitue une certaine garantie de paiement, le non-respect de certaines règles peut tout simplement le rendre caduc. Or, 70% des crédits documentaires révèlent des irrégularités. En cause : une frontière parfois très mince entre conformité et irrégularité. Solutions. Comment votre crédit documentaire, que vous mettez en place à la base pour vous prémunir contre tout défaut de paiement, peut-il se retourner contre vous ? Et bien tout simplement si vous ne respectez pas l'une des nombreuses règles qui régissent les crédits documentaires. Enoncé ainsi, cela peut paraître évident, seulement la frontière entre la régularité et l'irrégularité est très mince dans certains cas. C'est justement dans le cadre de l'entrée en vigueur des nouvelles règles -RUU 600- régissant les crédits documentaires que la Chambre de commerce international Maroc a organisé un séminaire pour sensibiliser les opérateurs économiques aux nouvelles «pratiques bancaires internationales standards» en la matière. Car à chaque fois que de nouvelles règles sont promulguées, la commission technique bancaire de la Chambre de commerce internationale publie un guide pratique, justement pour lever toute imprécision émanant de ces règles. Objectif: déterminer comment appliquer quotidiennement ces règles. Les PBIS (pratiques bancaires internationales standards) ont été conçues à l'origine non seulement pour apporter aux praticiens l'aide dont ils avaient besoin, mais aussi pour contribuer à réduire le pourcentage élevé de documents refusés pour incompatibilité lors de leur première présentation. Car en réalité, le crédit documentaire, c'est l'engagement d'une banque de payer un montant déterminé au fournisseur d'une marchandise ou d'une prestation, contre remise dans un délai fixé de documents conformes prouvant que la marchandise a été expédiée ou que la prestation a été effectuée. En cas de non-conformité, le paiement ne se fait pas, ou tout du moins il est retardé. Quelles irrégularités ? Les exportateurs comme les importateurs ont toujours les mêmes préoccupations. Mais ce qu'il faut préciser, c'est que les crédits documentaires présentent l'avantage d'être soumis à une codification internationale très précise et régulièrement mise à jour: il s'agit des fameuses Règles et Usances Uniformes relatives aux crédits documentaires (appelées en abrégés des RUU), de la Chambre de commerce internationale. Pour les premiers, il s'agit d'être payé dans les conditions prévues dans le contrat, et pour les seconds d'être livré dans les délais impartis conformément à la commande de marchandises et/ou de services. Si le crédit documentaire vient répondre à cette préoccupation, il n'en reste pas moins qu'il est nécessaire de prêter une attention particulière à la lecture (dans le cas de l'exportateur) et au préalable à la rédaction (dans le cas de l'importateur) dudit document. «Ce qu'il faut retenir avant tout, c'est que le crédit documentaire prime sur les règles et usances», rappelle Nicole Groux, directrice du Trade expertise desk à BNP Paribas. Mais dans le cas où le crédit documentaire n'est pas suffisamment clair, il est nécessaire de se référer aux pratiques bancaires en la matière. Sinon, la banque émettrice du crédit documentaire n'a plus aucun engagement vis-à-vis de vous. L'on apprend par exemple dans le PBIS que lorsque vous souscrivez une assurance tous risques, vous ne serez pas forcément assuré contre tous les risques sauf si vous interdisez les exclusions. «Là encore, le mieux est de mentionner un à un les risques couverts par votre assurance», indique Nicole Groux. La notion d'original est également à l'origine de bien des refus de paiement, car elle ennuie les banques. La précédente version des Règles et Usances, les RUU 500, laisse penser que chaque document original devait impérativement comporter le cachet original. Dans les RUU 600, désormais, un simple papier en-tête avec signature ou encore une photocopie avec signature peuvent valoir d'original. «Un document d'assurance doit couvrir les risques définis dans le crédit. Même si un crédit indique explicitement les risques à couvrir, il peut être fait référence à des clauses d'exclusion dans le document», précise-t-on dans le PBIS. Les mêmes préoccupations Les exportateurs comme les importateurs ont toujours les mêmes préoccupations: Autre exemple, les factures, qui peuvent également être source d'irrégularités. Il doit y avoir impérativement une correspondance de la description de la marchandise entre celle contenue dans le crédit documentaire et celle sur la facture. Il n'est pas nécessaire que l'une reflète l'autre. « Les détails relatifs aux marchandises peuvent être donnés sous plusieurs rubriques de la facture pourvu qu'une fois collationnés, ils correspondent à la description des marchandises figurant dans le crédit», peut-on lire dans le guide. Et à Nicole Groux d'ajouter: «Si le crédit documentaire comporte 1000 tee-shirt, et que la facture comporte 400 tee-shirt blancs et 600 verts, la facture est valable. Seulement, il faut faire très attention à ne pas indiquer sur la facture des marchandises non prévues même si elles sont gratuites, comme les échantillons ou du matériel publicitaire». Des exemples comme ceux présentés ci-dessus, il en existe un grand nombre. La seule véritable protection dont dispose le bénéficiaire du crédit documentaire est de connaître sur le bout des doigts, et l'expression est à peine exagérée, les Règles et Usances Uniformes, ainsi que les pratiques bancaires internationales qui les accompagnent. Même si Nicole Groux se veut plutôt rassurante. «Généralement, les règles évoluent de manière à faciliter la tâche pour l'importateur, il faut rendre le crédit documentaire plus facile : exiger beaucoup de documents dans le processing du crédit documentaire est un frein à son développement. D'autant plus que lorsqu'on veut tromper l'autre dans une relation commerciale, les documents remis sont en général parfaitement conformes», conclut-elle. RUU : le sésame du crédit documentaire Les règles régissant les crédits documentaires, les RUU (Règles et Usances Uniformes) ont été publiées pour la première fois en 1933. Ces règles sont élaborées par la Chambre de commerce internationale, dont le siège est à Paris. La CCI est une organisation internationale non gouvernementale créée en 1919 et qui compte aujourd'hui plus de 6500 adhérents dans 130 pays. Plus précisément, c'est la commission de techniques et pratiques bancaires de la CCI qui est chargée de leur rédaction, en s'appuyant sur un groupe de travail ad hoc qui opère en liaison avec les comités nationaux, dont la CCI dispose dans chaque pays membre ainsi qu'avec les organismes bancaires. Depuis la création du premier corps de règles de RUU, plusieurs révisions se sont succédées en 1951, 1962, 1974, 1983, et enfin les RUU 500 publiées en 1993 et entrées en vigueur en 1994. La dernière révision en date concerne donc les RUU 600, qui ont été adoptées en octobre 2006 pour entrer en vigueur le 1er juillet 2007. Les RUU de la CCI constituent un ensemble de dispositions universelles reconnues par les banques de 160 pays, individuellement ou par l'intermédiaire de leurs associations professionnelles. Elles sont actualisées en fonction de la jurisprudence internationale, des innovations technologiques aussi bien dans le secteur bancaire que dans celui de la logistique internationale.