La deuxième chaîne est en train d'opérer un travail de consolidation de son positionnement. Elle reste une chaîne généraliste qui se veut plus proche des téléspectateurs. Les jeunes devront occuper une plus grande place dans la nouvelle grille des programmes. Il n'est pas facile d'élaborer une grille de programmes qui satisfait à l'unanimité une population où le rural prédomine, où les analphabètes constituent plus de la moitié de la population, où des millions de femmes ne travaillent pas… Mais il y a un niveau que nos chaînes publiques n'arrivent pas encore à atteindre. Preuve en est le taux d'audience des deux chaînes Al Oula et 2M, qui est en train de se détériorer. En l'espace de trois mois, du mois d'octobre au mois de décembre 2008, Marocmétrie annonce une baisse de quatre points de ce taux, passant de plus de 38,7% à 34.7%. Ces chiffres montrent qu'il y a un malaise. Certains expliqueront cette baisse par le fait qu'en fin d'année, beaucoup de personnes sont en vacances, que les festivités à la télévision ont été annulées en solidarité avec le peuple palestinien… Mais sont-ce les vraies raisons ? Ces taux d'audience démontrent que les Marocains préfèrent de loin regarder les autres chaînes qui cartonnent : Al Jazeera, Al Arabia… pour les uns et TF1, M6, CNN, BFM… pour les autres. C'est normal, direz-vous, les moyens ne sont pas les mêmes, les cibles non plus. Il n'y a pas lieu de comparer l'incomparable. C'est concevable, mais l'on a toujours tendance à attendre mieux de nos chaînes publiques. Dans cet environnement où les télévisions étrangères captent l'essentiel (beaucoup moins depuis que TPS ne peut plus être vraiment piraté), du fait de la diversité et de la profondeur de leurs programmes, où une concurrence nationale risque de se faire plus rude avec de nouvelles licences que la Haute Autorité de Communication et de l'Audiovisuel (HACA) risque d'attribuer dans les semaines à venir, comment se positionnent nos chaînes publiques, et plus particulièrement 2M, qui se targue d'avoir les ressources et les moyens technologiques qu'il faut pour offrir un bon produit ? 2M et Al Oula, qui appartiennent à un pôle public, doivent être complémentaires dans les programmes, tout en créant des synergies, notamment en matière technologique. Salim Cheikh, fraîchement nommé il y a six mois à la tête de 2M, doit composer avec cette donne. Par contre, là où elles se différencieront, c'est au niveau de leurs programmes. Pour un meilleur positionnement Chacune devrait cibler des populations données. C'est dans cette logique d'esprit que la nouvelle équipe dirigeante de 2M a d'abord réalisé un diagnostic de la chaîne (bilan d'image…) et des travaux sont en cours d'élaboration pour mieux la positionner. C'est devenu nécessaire car, faut-il le mentionner ou le rappeler, des lacunes sont enregistrées à bien des égards. Parfois, des programmes sont déconnectés de la réalité du terrain. Ils sont aussi parfois diffusés à des moments inappropriés. De fait, Salim Cheikh aura, avec son équipe, des décisions importantes à prendre s'il veut sauvegarder les parts de marché de la chaîne et les améliorer. C'est dans cet esprit qu'un travail de consolidation du positionnement est en cours d'élaboration. Le nouveau patron de 2M voudrait réconcilier le téléspectateur avec la chaîne. Pour cela, il lui faudra d'abord avoir une meilleure connaissance de ses attentes pour améliorer la grille des programmes. Les premiers résultats d'une étude faite dans ce sens seraient déjà disponibles. Mais avant d'en arriver là, Salim Cheikh doit faire le « ménage » au sein même de la structure sclérosée par des luttes intestines. L'ambiance en interne n'a pas été toujours à son top niveau. Ce n'est un secret pour personne. La chaîne de Aïn Sebaâ a vu pendant des années éclater des conflits entre personnes, des clans se sont formés... Le personnel s'en est trouvé démotivé… Salim Cheikh, lui, devrait remettre tout cela à plat pour créer une nouvelle ambiance. Selon des employés de la chaîne, il aurait fait savoir à ses équipes qu'il souhaitait mettre en place un management plutôt participatif pour impliquer tout le monde et faire sortir le meilleur d'eux-mêmes. Une gestion plus rationnelle des charges devrait aussi être menée. Ce sont là des défis de taille. Salim Cheikh, qui vient d'un monde (plusieurs expériences dans des multinationales) où les méthodes de gestion sont très modernes, devra s'armer pour faire accepter ses idées face aux plus récalcitrants qui se complaisent dans cette situation depuis des années. «Vu son tempérament, il devrait avoir les chances de son côté », lui reconnaît un employé de la chaîne. Ramener la quiétude dans la maison ! Le nouveau patron serait donc déterminé à ramener la quiétude dans l'entreprise. Pour ce faire, il ne va pas opérer de changements brutaux. Parallèlement, il devra s'attaquer à un autre grand chantier : celui de l'amélioration du contenu, dans l'objectif de maintenir la chaîne sur son positionnement initial, celui d'une chaîne généraliste, familiale et moderne à la fois. 2M se veut être en fait une chaîne de son temps, proche des téléspectateurs. L'est-elle vraiment ? Selon un observateur qui suit les médias de près, 2M tente parfois d'y parvenir par des opérations ponctuelles. Les émissions de Studio 2M, de 15 ans 15 talents, de Challengers, de psalmodie des versets du Coran … en sont des exemples. Via ces émissions, la deuxième chaîne signifie au téléspectateur que des occasions se présentent à n'importe qui pour réussir dans différents domaines. Le succès qu'elles ont rencontré ne devrait donc pas pousser 2M à les arrêter. Dans sa nouvelle politique, la chaîne de Aïn Sebaâ, qui veut revenir à ses concepts de base (proximité…), devrait aussi accorder plus d'importance aux jeunes. Un intérêt particulier leur sera porté. D'ailleurs, de nouvelles émissions qui leur sont dédiées seront lancées, et cette fois, pas de manière occasionnelle. Des programmes spécifiques pourraient voir le jour tout au long de l'année. Il est également question de revenir à des émissions d'humour, et pas seulement pendant le mois de Ramadan. Sur un registre plus «sérieux», de nouvelles émissions seront aussi programmées pour présenter des thèmes sociétaux. L'animatrice Nassima El Hor, qui a passé des années au sein de la chaîne, devrait faire son come-back pour animer une de ces émissions. Des émissions politiques ou des débats seront également lancés. Quant au volet culturel, il devrait être révisé pour que la culture devienne plus «accessible». Voilà ce que devrait devenir 2M dans les mois à venir. La deuxième chaîne, qui évolue dans un environnement assez concurrentiel, devra montrer ses forces. Elle devra également s'atteler à mieux penser sa politique commerciale, étant financée dans une large proportion, dépassant les 90%, par ses recettes publicitaires. Compte tenu des effets de la crise (dont les coupures dans les budgets publicitaires) et de la concurrence qui arrive, ses recettes risquent de s'amoindrir. Salim Cheikh a du pain sur la planche. Mais ses collaborateurs ne doutent pas de sa capacité à relever les défis. En créant le consensus autour de lui, il devrait y arriver.