Au moment où le politique fait du surplace, l'économique tente de faire bouger les choses en mettant en avant le nerf de la guerre. Un forum des hommes maghrébins sera organisé à Alger en mai prochain. 100 opérateurs marocains y prendront part et seront encadrés par l'UME. Challenge Hebdo : un constat est sur toutes les langues : pour que la coopération évolue, il faut dépasser les appréhensions nourries de part et d'autre. Comment y arriver justement ? Rabah Boucebha : en approchant les différents opérateurs maghrébins, j'ai en effet relevé cette crainte d'aller vers l'autre autant que de l'accepter chez soi. Si au niveau de l'UME, notre plan d'action repose sur l'intensification des rencontres entre les hommes d'affaires des différents pays de l'UMA, c'est justement pour aider à briser la glace et à dépasser ces craintes injustifiées. Aller de l'avant afin de mieux connaître l'autre est le meilleur moyen de lever toute équivoque. Depuis la création de l'UME en 2007, nous travaillons d'arrache-pied pour nous découvrir mutuellement. Nous avons ainsi organisé notre foire maghrébine à Alger, qui est unique en son genre, puisqu'elle a constitué la première occasion de rencontre entre opérateurs maghrébins. Là, nous sommes à un mois d'intervalle de la tenue du premier forum des hommes d'affaires maghrébins. Nous avons voulu qu'il soit organisé à tour de rôle dans les cinq pays maghrébins. En marge de cet événement, un trophée sera décerné aux entreprises maghrébines qui ont plus d'une antenne dans des pays de l'UMA. Une sorte d'encouragement et de gratification pour ceux qui ont osé faire le pas malgré les difficultés. C. H. : avez-vous évoqué le sujet de l'ouverture des frontières directement avec le gouvernement algérien ? Un tel pas permettra d'aller plus rapidement dans l'intégration. R. B. : c'est une question qui relève de la souveraineté des deux pays. Au niveau de l'UME, nous sommes convaincus d'une chose : c'est en faisant d'abord le ménage chez nous, opérateurs économiques marocains et algériens, que les choses avanceront. Je vais vous donner des chiffres qui vont peut-être vous étonner. Savez-vous qu'en 1993, soit avant la fermeture des frontières, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays ne dépassait pas les 350 millions de dollars, portant majoritairement sur les hydrocarbures et ses produits dérivés ? Le jour où nous parviendrons à nous imposer en tant que pôle économique majeur, les opérateurs économiques des deux pays seront suffisamment forts et disposeront d'arguments de taille pour demander à leurs pays respectifs une ouverture imminente des frontières. C. H. : on connaît les facteurs de blocage entre l'Algérie et le Maroc et qui sont d'ordre purement politique. Mais qu'en est-il des autres pays maghrébins ? Pourquoi les échanges entre les 5 pays ne dépassent-ils pas les 3% ? R. B. : il y a des obstacles administratifs énormes. On en discutera d'ailleurs amplement lors du forum de mai. Ceci étant, ce que je peux vous dire, c'est que chaque pays a ses propres spécificités. Plusieurs approches existent quant à cette intégration en vue. Chacun la voit d'un œil différent. Il faut d'abord uniformiser la lecture de cette intégration pour que la vision de l'UME soit commune. Par exemple, les Libyens et les Algériens considèrent que les autres les voient comme une opportunité, un marché. Les Mauritaniens quant à eux se considèrent comme le parent pauvre de l'UMA… Il faut dépasser ces préjugés qui ne favorisent pas l'intégration et la repenser de façon à ce qu'elle constitue une opportunité commerciale pour tous. C. H. : de quelle façon comptez-vous attaquer ce problème ? R. B. : en allant dans tous les pays maghrébins pour récolter directement des différents opérateurs leurs soucis et leurs préoccupations. Dans cette optique, l'UME a pris part à deux grandes rencontres régionales, qui ont connu la participation de représentants des gouvernements maghrébins et du FMI. L'objectif était justement d'étudier en profondeur les obstacles à l'intégration économique dans la région. Nous avons effectué plusieurs études dans ce sens et qui sont devenues des documents de référence au sujet de l'intégration maghrébine. C. H . : deux banques marocaines avaient déposé des demandes d'accréditation pour s'installer en Algérie mais elles ont essuyé un refus…. R. B. : je n'ai pas de commentaire à faire là-dessus. Toutefois, dans le secteur financier, une actualité toute fraîche vient instaurer un nouveau climat d'affaires. Wafa Assurance vient de décrocher un agrément pour ouvrir une antenne à Alger. C'est un bon début.