Une réunion entre les professionnels et le ministère de tutelle est programmée incessamment pour discuter des lacunes douanières à combler, mais aussi de conditions avantageuses d'investissement au profit des industriels. Décidément, l'industrie du papier et du carton ne lâche pas prise. A la veille de la tenue de leur salon (Siagra), les associations professionnelles représentatives du secteur n'ont pas pu s'empêcher de remettre sur le tapis les maux qui rongent leur activité. Une activité, précisons-le, particulière à plus d'un titre. D'abord par sa composition : aujourd'hui, l'importation représente 50 % de la consommation globale. «Elle reste intéressante parce que le Maroc ne fabrique toujours pas les papiers nobles et spéciaux (papier couché, papier traités...) », précise Mounir El Bari, président de l'association des producteurs de papier. Et de poursuivre : « le Maroc importe aussi beaucoup de papier Kraft et mi-chimique à base de pâte vierge et ce, afin de satisfaire les exigences du secteur agricole qui exporte les fruits et légumes dans des plateaux en carton ». Un producteur qui justifie la présence d'importateurs, cela ne court pas les rues. Habituellement, dans tous les secteurs économiques, importateurs et producteurs locaux ne se lassent pas des échanges véhéments. Mais les choses n'ont pas toujours été ainsi. C'est qu'aujourd'hui, les deux corps doivent s'unir afin d'améliorer leur productivité. Leur premier objectif est commun. Et c'est en le concrétisant qu'ils peuvent tous les deux réaliser de meilleures performances. «Nous avons perdu cinq années dans des guerres intestines au lieu de nous attaquer aux vrais problèmes. Il était temps de se concentrer sur les gros défis du moment, plutôt que d'essayer chacun de tirer la couverture de son côté », lance pour sa part Ali Mechiche Alami, président de l'association des importateurs et distributeurs de papier et carton. En effet, leur challenge actuel est de pouvoir investir à des conditions avantageuses. Le but est de disposer de terrains à des prix intéressants et de profiter d'avantages lors de l'achat d'équipement. Et pas n'importe lequel. L'équipement requis doit être de dernière génération, à même de détenir la capacité de disposer d'un produit fini de très bonne qualité en procédant à la transformation de la matière première en vue de l'exporter. Les importateurs seront gagnants parce qu'ils écouleront de plus grandes quantités de matières premières. Et c'est dans ce but qu'ils se rangent du côté des producteurs pour exiger que l'Etat procède à des exonérations fiscales au profit des exportateurs. Dans cette optique, l'Afrique se présente comme l'un des débouchés phares du Maroc. Sous-facturation : limitée mais pas éliminée ! En effet, si la nouvelle orientation du secteur se base en partie sur l'exportation, c'est que les règles du jeu sur le marché national ne sont pas pour permettre à la filière de cartonner localement. «Si avec l'Union européenne, le secteur du papier s'est bien préparé (démantèlement progressif avec l'UE, 10 % de baisse de douane par an) : investissement de grande envergure, opérations de fusion absorption comme celle de GPC (Gharb papier carton) avec la Sifap (société industrielle pour la fabrication du papier), pour les accords du quadra et les accords bilatéraux avec certains pays arabes, le secteur a été pris de court », explique Mounir El Bari. Et pour cause : « la plupart des pays arabes, notamment la Tunisie et l'Egypte, exportent vers le Maroc des produits importés d'Europe, sans qu'ils subissent des transformations à valeur ajoutée de 40 % ou plus (cas du cahier scolaire et de la ramette pour papier photocopie) », ajoute-t-il. «Mais, avec le temps, le démantèlement tarifaire vis-à-vis de l'Europe a permis de facto de rééquilibrer les choses, dans la mesure où ces pays arabes importent eux aussi leur matière première d'Europe. Aujourd'hui, les frais de transport que supportent ces pays couvrent la différence», précise Alami Mechiche. «Mais le problème des certificats de complaisance reste toujours à l'ordre du jour, en dépit de la baisse très sensible de la marchandise importée illégalement », ne peut s'empêcher de déplorer Mounir El Bari. Les chiffres évoquent notamment une dégradation du volume des importations informelles, passées de 50%, il y a quelques années, à seulement 7% en 2008. Cela a été possible après un intense lobbying auprès du ministère de tutelle. Une autre opération du genre devrait se faire pour contrer les effets de la hausse des prix de l'électricité, imposée dernièrement par l'ONE. «L'industrie papetière est très énergétivore et le coût de l'énergie représente plus de 16 % du coût de revient du papier. Notre industrie a subi de plein fouet l'effet de l'augmentation du prix du pétrole à travers l'augmentation du fuel et du gaz. Cette augmentation a réduit considérablement notre valeur ajoutée et pis, notre part de marché s'est aussi réduite puisque nos concurrents égyptiens et autres pays arabes ont accès au fuel et au gaz à des prix très compétitifs par rapport au Maroc », constate El Bari. «Suite à la baisse du prix du pétrole, nous avons soufflé un peu, le temps que le Maroc augmente de 18 % le prix de vente de l'électricité, afin de restructurer l'ONE ! Décidément, notre industrie est toujours touchée ! », ajoute-t-il. En effet, en parallèle à son programme d'équipement prévu pour la période 2008-2015 et à la restructuration financière de ses entités, l'ONE avait aussi pensé à la refonte de son système tarifaire. Du papier cancérigène ! Pourquoi la Tunisie et pas le Maroc ? Nombreux sont en effet les industriels qui soutiennent cette idée à chaque fois que le sujet sur la protection « intelligente» de la production locale est évoqué. «Aujourd'hui, notre pays doit s'intéresser à la mise en place de normes et à rendre les barrières non tarifaires obligatoires. Sans ces normes, notre pays continuera à importer des produits non-conformes et qui nuisent à notre secteur », lance le président des producteurs de papier. «Je profite de l'occasion pour lancer un grand appel concernant un papier que les professionnels nomment papier transfert, utilisé pour l'emballage en général et dans les pressing en particulier. Ce dernier est interdit dans tous les pays européens et plusieurs pays arabes, puisqu'il est cancérigène. Nous demandons tout simplement à ce que ce papier soit interdit au Maroc », réclame-t-il. Une demande qui ne saurait tomber dans l'oreille d'un sourd, à l'heure où les campagnes de prévention sur le cancer se multiplient.