Pour un certain nombre de jdidis, « Dar Al Ajaza » n'est autre qu'un point de chute de tous les déchets humains de notre cité : dépravés, sans domiciles fixes « SDF », détraqués, malades en tous genres….
Mais, pour d'autres, ce lieu n'est qu'un refuge pour pistonnés, chanceux et quelques privilégiés parmi des centaines de sans abris. Que de clichés fabriqués de toutes pièces et de pensées erronées, ancrées dans l'inconscient du citoyen lambda, faute d'informations suffisantes envers une couche sociale cataloguée de marginale et de pseudo-paria. Une catégorie de notre société qui, arrivée à un certain âge ou dont l'état de santé commence à péricliter, a pour seul et unique tort un besoin minimum d'aide et de réconfort, dans un environnement pourtant islamique. C'est dans ce refuge où m'ont amené mes pas par cette matinée ensoleillée du mois sacré du ramadan. Un lieu dans l'entrée duquel se trouve un beau jardin bien entretenu et d'un calme bienfaiteur, que seul le chant des oiseaux, le bourdonnement des abeilles, le roucoulement des pigeons ou le clapotis de l'eau d'une fontaine, trônant au milieu, parviennent à s'y immiscer, pour nous composer l'une des meilleures symphonies que la nature nous offre de temps à autre, comme pour remercier l'homme de son attention et des soins qu'il lui prodigue. Sous des arbres fruitiers ou à l'ombre d'un hibiscus ou d'un tournesol, des pensionnaires lisaient, qui le coran, qui un journal ou un livre, pendant que d'autres discutaient de choses et d'autres. Des pensionnaires propres, courtois et souriants malgré le jeûne. J'étais en plein milieu d'un Riad, dans un cadre de volupté et de bien être. Le personnel présent s'activait avec un dévouement bien évident et ce, malgré que l'établissement manque d'auxiliaires pour les besoins des « résidents ». Dar Al Ajaza, ou plutôt Dar Al Moussinnines, est géré officiellement par diverses subventions émanant de quelques organismes comme celui de l'Entraide Nationale, le Conseil Municipal, le Conseil de la Région Abda-Doukkala, ou des taxes prélevées auprès des abattoirs…Autant dire une misère, quand on sait que la totalité des sommes récoltées, ne dépasse pas 140.000 DH par an. A peine de quoi couvrir les salaires d'un personnel déjà en nombre insuffisant.
Voulez-vous savoir par quels moyens est géré cet hospice ? Par l'argent des mécènes…tout simplement. Cet argent n'est pas toujours perçu sous forme de liquidités mais de dons en nature, à titre d'exemple : produits alimentaires, draps, matelas, vêtements neufs, produits d'entretien et même des moutons à l'occasion d'Aid al Adha. La totalité de l'argent et des dons provenant du mécénat, avoisine les 300.000 DH. Cet argent permet aussi de parer à certains cas urgents de malades comme des opérations chirurgicales, des crises subites ou même pour faire face à des frais suite à des décès… D'après un professeur universitaire, qui fait partie du staff dirigeant, les mécènes ne sont pas ceux que l'on croit. Mais, aussi incroyable que cela puisse paraître, ce sont les « pauvres » et ceux de la classe moyenne (instituteurs, petits fonctionnaires…) qui passent anonymement pour déposer régulièrement des chèques de 1000,00 DH et plus… Un grand bravo et un grand merci à l'équipe qui veille à diriger cette institution. Tous bénévoles et totalement dévoués ; la majorité d'entre eux sont professeurs universitaires, cadres ou commerçants. Une équipe solidaire, avec une gestion transparente et une comptabilité mise à la disposition de quiconque. Pendant ce mois de piété, de fraternité et de solidarité entre chaque croyant de notre Oumma musulmane, Dar Al Ajaza reste un lieu tout indiqué pour toute personne cherchant à faire du bien autour d'elle. Que chaque marocain, en état de donner, sache que c'est grâce aux dons de chacun d'entre nous, que l'espoir reste vivace. En quittant ce lieu, je ne peux m'empêcher de penser à une phrase de Feu S.M Hassan II : « le jour où l'on ouvrira la première maison de retraite au Maroc, notre société sera en voie de disparition ».