A cause de la fluctuation des cours, le coût de production est fortement pénalisé par les charges liées à l'alimentation. Une étude, concernant trois régions connues pour leur potentiel laitier, a montré que le coût de revient moyen du lait est supérieur au prix départ ferme. A cause de la hausse des charges, plusieurs fermes n'arrivent pas à retrouver l'équilibre financier. Les études sur les modèles d'exploitation dans la filière laitière confirment la cherté du coût de production notamment l'aliment de bétail. Une enquête menée par l'Association nationale des éleveurs bovins (ANEB) dans trois régions du Maroc (Chaouia, Tadla et Gharb) a ciblé 30 exploitations, réparties sur les trois régions à raison de 10 chacune. Les exploitations agricoles de petite taille sont largement représentées dans l'échantillon de travail, de manière à illustrer la réalité de l'élevage bovin au Maroc. Cette étude a révélé que, quels que soient l'emplacement de l'exploitation (irriguée ou bour) et le type d'alimentation (aliments composés ou fourrage), le coût de production pénalise tous les éleveurs, notamment au niveau de la partie liée à l'aliment de bétail. Pourtant, les trois régions sont connues comme étant favorables à l'élevage bovin, surtout le Gharb et Tadla situés dans un périmètre irrigué. La majorité des exploitations étudiées est de petite taille (moins de 5 vaches reposant sur une assise foncière inférieure à 5 ha). Ce type de ferme constitue l'essentiel des unités de production. Le prix de revient est fort apprécié dans une ferme laitière, car il intègre la totalité des charges (aussi bien les intrants consommés que les amortissements des investissements) et il permet à tout acteur de se situer par rapport au prix de vente de ses produits. Ce qui lui octroie la possibilité de disposer de références quant à l'équilibre de ses activités et d'engager les corrections nécessaires, au cas où le prix de revient serait supérieur au prix de vente. Dans le contexte spécifique de l'élevage laitier au Maroc, la volatilité actuelle des prix des intrants et des coûts des investissements (de la vache jusqu'au matériel) pousse à porter un intérêt croissant aux termes économiques de la production. Il y va de la pérennité des exploitations qui s'investissent dans cette activité et aussi de la possibilité de concentrer les efforts sur l'amélioration des marges des éleveurs. Les trois régions étudiées représentent actuellement 25% de la production nationale de lait cru bovin et sont appelées à jouer un rôle de premier plan pour la concrétisation des ambitieuses projections d'augmentation des volumes prévues par le PMV à l'horizon 2020. L'approche du prix de revient du lait bovin est assez spécifique, étant donné que cette activité d'élevage procure aussi des coproduits, comme la production de veaux, qu'il importe d'intégrer dans les calculs finaux. «Il y avait toujours ce principe chez les éleveurs qui stipule que les recettes du lait assurent la couverture des charges de la ferme, alors que celles des veaux représentent la marge bénéficiaire. Comme les prix du lait sont restés quasi stagnants, alors que les coûts des intrants ont été multipliés, la marge des fellahs a commencé à se rétrécir. Certains perdant déjà l'équilibre», souligne Haj Mohamed Hamri, président d'une coopérative dans la région de Tadla. Il explique que «certains paramètres sont déterminants dans l'exploitation laitière : le rendement moyen par jour doit se situer à 20 litres par vache. Une bête qui ne réussit pas sa reproduction quelque temps n'est pas rentable. Il faut la changer, sinon elle est synonyme de charges inutiles». Les exploitations d'élevage étudiées se caractérisent par des distributions de rations déséquilibrées et insuffisantes. Ainsi, à Ben Slimane, le manque de fourrage d'avoine se répercute par un recours forcé aux aliments concentrés. Mais ces derniers ne permettent pas de lever les carences en azote des apports du fourrage. A l'inverse, à Tadla et au Gharb, les deux zones irriguées, la relative disponibilité de fourrage et de luzerne fait diminuer l'usage de concentrés par vache, mais ces derniers ne permettent pas de valoriser le relatif excès d'azote des fourrages. Par conséquent, la productivité des vaches est affectée par un facteur limitant (azote ou énergie), ce qui engendre du manque à gagner pour l'éleveur. Dossier réalisé par Charaf Jaidani Aliment de bétail : 2/3 des charges totales L'étude de l'ANEB a démontré que le prix de revient du lait bovin, dans 30 élevages de tailles moyennes à tailles réduites dans ces trois régions du Maroc, est d'abord déterminé par les charges alimentaires (concentrés : 38% et fourrages 30%) ce qui représente plus des 2/3 des charges totales. Le prix de revient moyen déterminé en incluant toutes les charges réelles assumées par l'éleveur - y compris les amortissements des investissements et la main-d'œuvre familiale-est supérieur au prix du lait «départ ferme», démontrant ainsi que cette activité est pratiquée à perte. Les résultats de l'étude démontrent que, même en n'incluant pas les rémunérations des amortissements et de la main-d'œuvre familiale, le prix de revient du lait demeure supérieur au prix «départ ferme», induisant un déficit économique. Celui-ci ne peut pas être comblé par les ventes de bovins, ces dernières ayant été déjà incluses dans le calcul du prix de revient.