* Il ny a pas de véritable profession de videur. * Deux récents dérapages reposent la question des devoirs et obligations dun videur. * Ils évoluent dans le monde de la nuit, un monde où la loi ne fait pas souvent foi. Deux incidents mortels sont survenus récemment dans deux boîtes de nuit incriminant directement leurs videurs. Le premier incident, survenu dans le dancing dun hôtel à Kénitra, a ouvert le bal. Les videurs auraient «malmené» un client et laissé pour mort à proximité dune station dessence. Pas de chance, ils ont été accostés par des agents du GUS. Ils encourent une condamnation pour coups et blessures ayant entraîné la mort. Le gérant des lieux se défend davoir dicté leur conduite aux videurs. Le deuxième incident est survenu le Jour de lAn dans une boîte de nuit de la corniche de Casablanca. Un jeune homme dune vingtaine dannées originaire dEl Jadida est pris dun malaise à lintérieur de létablissement. Au lieu de lui porter secours, les videurs le mettent à la porte. Il décède sur le coup. Une enquête a été ouverte pour déterminer la cause de sa mort. Sa famille pointe les videurs du doigt. Un ami de la victime, témoin de cette scène, explique que les videurs les ont carrément jetés dehors. Ces deux incidents consacrent lidée qui veut quun videur est une masse corporelle ou musculaire qui contrôle laccès aux bars, et boîtes de nuit. Une brute, en résumé. En fait, le videur est un agent de sécurité privé recruté par un contrat de travail, souvent sans au Maroc, par le gérant dune boîte de nuit ou de bar, ou tout autre lieu bénéficiant dun agrément spécifique à la commercialisation dalcool. Ces agréments posent une réelle contrainte de sécurité aux propriétaires puisque toute dispute mortelle au sein de ces lieux entraîne une fermeture de ces établissements. Il appartient à l'exploitant de veiller au maintien de l'ordre dans son local et de prendre toutes les mesures utiles à cette fin. Ce qui justifie en quelque sorte le recours à un ou plusieurs videurs. Leur rôle est de contrôler laccès à ces lieux réglementé, notamment de veiller à interdire lentrée aux mineurs. Ils doivent veiller à ce quil ny ait aucun trafic de drogue ou de matière illicite au sein de létablissement et interdire aux prostituées de racoler à lintérieur. Il existe par ailleurs une obligation de servir toute personne disposée à payer. Une responsabilité civile avérée Les videurs, de même que l'ensemble du personnel des établissements publics, ne peuvent faire usage de la force qu'en cas de légitime défense ou en cas de nécessité. Mais cela ne leur donne aucunement le droit de malmener un client et même si leur mission est essentiellement sécuritaire, ils sont passibles de peines demprisonnement en cas de non-assistance à personne en danger, explique un juriste. « Comme tout agent de sécurité privé ou public, les videurs sont soumis au code civil. Leur fonction ne les met pas à labri de poursuites ». La responsabilité de lemployeur ? « Lemployeur est responsable dans tous les cas des agissements de ses employés, ce quon appelle la responsabilité du fait dautrui, mais à un degré moindre. Ceci étant, si le gérant emploie ces videurs au noir, il est doublement coupable, dabord envers ses videurs et ensuite pour violation du code du travail ». Les videurs, de simples exécutants ? Les videurs voient la chose sous un autre angle. Pour Hamid, videur à Casablanca, « les gérants se désengagent de leur responsabilité en cas de pépins. Lusage de la brutalité simpose parfois lorsque certains clients éméchés provoquent des troubles au sein de létablissement. Le gérant, lui, ne sait quencaisser le fric ; les ennuis, il nen veut pas ». Hamid souligne que les videurs défilent dans cette boîte. «Le gérant les met à lépreuve deux à trois mois ; et comme il ne veut pas payer dallocations ni de charges, il les met aussitôt à la porte et en recrute dautres». Certes, il appartient à l'exploitant de déterminer le style de son établissement, mais sauf pour les mineurs, il n'est pas possible de refuser de servir une personne pour des motifs tenant, par exemple, à la race, à la religion ou à la nationalité... Hamid explique que cest finalement le videur qui juge qui peut ou ne peut pas entrer, sur la base des instructions du gérant, évidemment. Les videurs ne sont pas les uniques gardiens de lordre dans les « temples de la nuit ». Les clubs et les boîtes connaissent régulièrement des visites dagents de sécurité en civil, surtout dans les périodes de grande affluence. De plus, il arrive quune fourgonnette de police stationne à la sortie de certains night-clubs ou bien dans des quartiers qui recensent un nombre important de bars et de boîtes de nuit. Mais le souci des agents de sûreté publique est beaucoup plus sécuritaire quautre chose. Ainsi, ils contrôlent que tout est « OK », et rien de plus. Même les civils qui pénètrent dans ces lieux ne se soucient guère de létat des extincteurs en cas dincendie, ou sil existe des issues de secours, encore moins si le personnel est déclaré ou pas. Pas de morts, tout va ? Pas vraiment ! Les boîtes de nuit ont une réputation dendroits mal famés, où le souci majeur est de veiller à ce quaucune dispute néclate entre les clients trop éméchés. Pourtant, et même si cest parfois le cas, ces lieux de divertissement accueillent également de la clientèle « clean » qui vient prendre un verre, danser, passer une agréable soirée Cependant, les gérants axent en général leur gestion sur le premier volet un peu « trash » qui veut que ces lieux riment avec trou « Hafra ». Et tout compte fait, à lexception de quelques clubs et piano-bars de certains hôtels, le reste rime effectivement avec Hafra où aucune mesure de sécurité nest prise en cas de déclenchement dun incendie ou autre. Cest le cas dune boîte très branchée à proximité du boulevard Mohammed V à Casablanca. La déco y est stylée genre latino, le service y est impeccable, une bonne musique, même ses videurs sont avenants. Mais comme la plupart des boîtes de nuit, la nôtre se trouve au sous-sol. Un seul escalier trop étroit et mal éclairé pour y accéder. En bas, une cinquantaine de personnes agglutinées sur une "piste" de danse qui ressemble plutôt à un couloir. Avec toutes les boissons alcoolisées que contient le bar et la déco facilement inflammable, aucune issue de secours nexiste à part le petit escalier, aucune bouche daération, un seul extincteur bien planqué sous le bar et des clients dont la moitié est éméchée. Imaginez le scénario en cas dincendie. Sous leffet de lalcool, de la fumée de cigarettes, des jeux de lumière et sonores, une cinquantaine de personnes se bousculeraient pour atteindre lescalier qui permet à peine le passage dune seule personne. Les autorités, la Direction des Affaires Générales qui délivre les agréments spéciaux à ces établissements, devraient effectuer des contrôles plus sévères dans ce sens, car si à ce jour on ne compte que de rares disputes entraînant la mort, il faut éviter quun grave incident plus grave nait lieu.