Elle est Présidente de lAssociation lHeure Joyeuse. On la souvent qualifiée de bourgeoise, mais ceux qui saventurent à avancer des choses pareilles nont probablement pas vu la femme à luvre. Car le mot association peut prêter à confusion. Or, Leila Benhima Chérif est à la tête dun centre social polyvalent dédié à lenfant et à la famille, vivant dans une situation précaire. En dautres termes, ce centre accueille des jeunes en situation précaire le plus souvent en situation de rue. Débute alors un processus dintégration qui consiste à les mettre à niveau scolairement pour intégrer soit lécole publique ou privée ,ou la formation professionnelle. Aujourdhui, plusieurs formations sont dispensées comme la couture (USAID,IYF ) le fer forgé dart et une formation à la gestion aux microprojets (planet finance). Bref, tout un univers. Entre salariés et bénévoles, elle trouve toute sa place. Mais pour la trouver, elle, il fallait chercher du côté du service des bébés dénutris. LAssociation en accueille en effet 150 par semaine en sous-poids et souvent souffrant de maladies mais dont les parents ne sont pas assez aisés ou informés pour en prendre soin. Ce nest pas facilement quon peut la tirer de ses dossiers, surtout celui du lait pour bébé qui va encore connaître une augmentation de tarif cette année. Un trou à combler dans le budget. Il ne faut pas croire que lHeure Joyeuse soit pour autant son premier contact avec le monde associatif. Déjà étudiante en pharmacie à Nancy, elle faisait du bénévolat, notamment en première année où elle donnait des cours de français à des Maghrébins et à des Africains. «Jai toujours eu cette fibre sociale. Il faut toujours apporter dans la mesure du possible». Déjà élève, elle avait assuré le poste de déléguée de classe et il faut dire quelle prenait la tâche tellement au sérieux que cela lui a valu bien des pépins avec la surveillante générale du lycée Descartes. «À lépoque, toutes les couches sociales étaient représentées à la mission française et cela ma permis de côtoyer tout le monde». Une ouverture salutaire pour cette fille de ministre. Le statut de son père ne lui procurait aucun privilège particulier. «Quand je remplissais les fiches de lécole et que jécrivais ministre comme fonction du père, mon père le barrait et écrivait médecin. Il était très rigoureux et répétait toujours : on nest rien tant quon na pas réalisé dans sa vie». Elle était élevée normalement, voire durement et devait faire ses preuves par elle-même. «Petite, jai eu beaucoup de chance car mes parents mont vite fait comprendre le privilège que javais et que tout le monde navait pas la même chance». Responsabilisée, elle assimile vite la leçon. Elle suivra sa formation avec lintention de se lancer dans le monde du travail. Une chose qui ne plaisait pas trop à son père pour qui cela ne représentait pas une nécessité, Entre temps, elle se marie et fonde une famille. Son côté sociable et sensible aidant, elle est toujours à lécoute des gens qui lentourent. Ainsi, même quand elle a intégré le monde professionnel, elle est restée très proche des ouvriers de la société pharmaceutique où elle travaillait au Maroc. Elle a créé une chaîne de solidarité pour venir en aide à un ouvrier dont le fils était atteint de leucémie. Elle enverra des courriers un peu partout. Malheureusement, lenfant décèdera la veille de la greffe de la moelle épinière quil devait subir. «Cétait une leçon de vie». Mais Leila na pas le regret dêtre restée les bras croisés. Elle a fait ce quelle a pu et les ouvriers le lui rendaient bien, notamment un certain Moujahid et un Malki qui lui ont donné une recette de cuisine rapide pour le Ramadan. «Je suis une bleue en cuisine et cette recette était tellement facile». Mais toujours pleine de bonne volonté, elle chapeaute une opération de dons de médicaments pour lAssociation lHeure Joyeuse. À lépoque, cest Meriem Othmani qui lui avait fait visiter lassociation. Leila est sous le charme et de réunion en réunion, elle se trouve en plein dedans. Elle va même mettre sa carrière en veille pour se lancer dans le social. Dassesseur, Secrétaire générale à Présidente de lHeure Joyeuse, Leila sest impliquée à fond malgré sa responsabilité dépouse et de mère de quatre enfants. «Mon mari ma beaucoup aidée et il a compris que faire ce que je fais représente un équilibre important dans ma vie». En effet, elle se retrouve pleinement dans ce quelle fait. Un épanouissement primordial pour elle. Mais être ouvert aux autres nest pas quune qualité, cest une manière dêtre même si parfois, la personne est submergée. Aujourdhui, cest fini tout cela. «Chacun doit faire ce quil sait faire. Nous devons aller dans lefficience». Cest dire limportance du chantier entamé par Leila Chérif et léquipe de lAssociation pour une structuration de lactivité. «Nous accordons une importance primordiale au statut de travailleur social. Un travailleur social doit être bien dans sa peau pour bien réussir sa mission. Pour cela, il doit être dans une structure qui respecte les droits humains, en particulier les droits du salarié, bien sûr un salaire déclaré lui assurant demain une retraite ,une prise en charge médicale et, dans la mesure du possible, un logement décent pour quil puisse transmettre un message despoir aux bénéficiaires». LAssociation naccueille plus à tout va. «Nous avons nos services dans lesquels nous excellons, pour le reste, nous dirigeons les gens que nous ne pouvons accueillir vers dautres associations en jouant le rôle de relais». En effet, lAssociation sest dotée de statuts et travaille dune manière méthodique. «Nous avons une obligation de résultat vis-à-vis des donateurs car nous devons assurer la pérennité de nos actions et nous ne pouvons nous éparpiller à tout faire». Cela dit, il nen demeure pas moins que pour elle il est difficile de voir une personne souffrir ; néanmoins, il est important que chacun mette la main à la pâte. «On nest plus à lépoque de la charité et mon mari ma depuis longtemps appris quil valait mieux apprendre aux gens à pêcher que de leur tendre le poisson. Cest ainsi que quand nous mobilisons les équipes, puisque chaque cas subit une enquête sociale, nous attendons que les bénéficiaires y mettent du leur pour rebondir dans la vie». Calme et sereine, Leila Chérif nhésite pas à taper sur la table pour remettre les choses en ordre. «Il ne faut pas croire que je suis facile, je suis même une râleuse quand les choses ne vont pas bien. En somme, elle est très concrète. Sa franchise peut en décaper plus dun et sous cette frêle physionomie se cache une volonté dacier. «Vous savez, quand jai en face de moi des bénévoles, je leur explique que le social nest pas facile et quil faut se construire ailleurs, car le social napporte pas léquilibre quon na pas su trouver ailleurs». De nature joyeuse, les quelques moments quelle peut avoir, elle les investit à écouter de la musique. Vivre sa vie privée fait également partie de sa quête déquilibre. Et depuis quelle sest débarrassée de sa claustrophobie, elle se permet de voyager en famille. Quant à ses enfants, malgré le peu de temps quelle passe avec eux, elle en profite pour leur donner tout à fond. Même si elle est maman poule, elle ne se voile pas la face quand il y a un problème. Elle lattaque de front et pour ce faire, elle a cultivé la franchise chez ses enfants. Ses enfants, à qui elle veut consacrer plus de temps et les accompagner dans la vie professionnelle. «Surtout les deux filles, car les deux garçons, je sais quils arrivent déjà à se débrouiller par eux-mêmes». La tête sur les épaules, elle ne perd jamais de vue la chance et les circonstances qui ont fait quelle a toujours pu réaliser ce quelle voulait. Une chance quelle nhésite pas à partager avec les autres.