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Comment Pierre Rabhi a bouleversé la pratique agro-écologique au Maroc
Publié dans H24 Info le 11 - 12 - 2021

Pionnier de l'agroécologie, Pierre Rabhi a transmis ses sagesses un peu partout dans le monde, et particulièrement au Maroc où l'association Terre & Humanisme Maroc existe depuis 2005. Retour sur le rayonnement du philosophe au royaume chérifien, avec les témoignages et hommages des Marocains qui l'ont accompagné et côtoyé de près.
« Sans lui, je ne serai jamais devenu paysanne », « Il y a eu un avant et un après Pierre Rabhi dans ma vie »; « Il a insufflé une transition »… Pierre Rabhi, philosophe français d'origine algérienne, est décédé samedi dernier, le 4 décembre 2021, des suites d'une hémorragie cérébrale, à l'âge de 83 ans.
Au Maroc particulièrement, le philosophe français d'origine algérienne a rayonné et laisse derrière lui de nombreux Marocains adeptes de l'agriculture durable tristes de sa disparition. Trois d'entre eux livrent leurs témoignages de leurs rencontres avec Pierre Rabhi. Une rencontre qui les a profondément marqués à titre individuelle, mais qui a aussi bouleversé la pratique de l'agroécologie au Maroc.
« Il était avant-gardiste. Quand on est allé le chercher en 2000, il a complètement chamboulé notre paradigme de développement qui n'était pas toujours en lien avec la nature. On l'a accompagné et il nous a accompagnés pendant des années pour construire un centre à 25 km de Marrakech qui s'appelle le CIPA Pierre Rabhi (Carrefour des initiatives et des Pratiques Agro-écologiques), trois hectares qu'il a presque entièrement financés via sa fondation et son réseau qui ont beaucoup cru en ce qu'on faisait. Cela a permis de semer ces petites graines pour l'agriculture biologique et la permaculture, ainsi que de former beaucoup de paysans », raconte Fettouma Benabdenbi Djerrari, cofondatrice avec Pierre Rabhi de Terre et Humanisme Maroc en juillet 2005.
Fettouma Benabdenbi Djerrari, cofondatrice avec Pierre Rabhi de Terre & Humanisme Maroc. Crédits photo : Ferme Bio Jnane Lakbir
C'est principalement grâce à cette sociologue de formation que Pierre Rabhi s'est rendu au Maroc pour la première fois. En 2001, elle organise le séminaire «Chemins de l'alliance entre féminin d'Orient et féminin d'Occident» avec ESPOD, association marocaine pour la promotion de l'entreprise féminine, auquel prend part Pierre Rabhi. A cette occasion, naît l'idée de la création de Terre & Humanisme Maroc, dédiée à la promotion et la diffusion de l'agroécologie. Les premières formations d'animateurs agroécologistes donnent naissance au Réseau des Initiatives Agroécologiques au Maroc en 2009 (RIAM).
« Toute une dynamique est née à son arrivée sur la terre marocaine »
« Il a eu une grande influence. On lui a fait rencontrer pas mal de décideurs, même si cela n'a pas forcément fait changer les choses, il a semé des graines. Toute une dynamique est née grâce à l'arrivée de Pierre sur la terre marocaine, il a aimé le Maroc et a transmis sa passion à ceux qui l'ont approché, et j'en fais partie. Il a chamboulé ma vie. Sans lui, jamais je n'aurais pas fait de l'agriculture, ni serais devenue paysanne », abonde la propriétaire de la ferme pédagogique Jnane Lakbir, à Dar Bouazza.
Sur son site Internet, on trouve des photographies de la visite de Pierre Rabhi à sa ferme en 2016.
« Dans ma vie, il y a eu un avant et un après Pierre Rabhi », témoigne à son tour avec beaucoup d'émotion Zineb Benrahmoune Idrissi, ex-enseignante chercheur à l'Ecole Nationale Forestière d'Ingénieurs (ENFI). « Pierre est parti physiquement mais son âme est là. Je ressens quelque chose de très profond quand je pense à lui, quand je lui envoie mes prières pour ce grand départ, et je ressens une immense joie parce que je l'ai connu. Il a été comme un prophète, il a apporté beaucoup de choses à ce monde, et je le dis en restant très terre à terre », poursuit cette « agroécologiste dans la démarche de la permaculture ».
Botaniste et écologiste de formation, avec une casquette associative depuis 1987, Zineb Benrahmoune Idrissi a commencé son projet agricole il y a 23 ans. Aujourd'hui, elle gère bénévolement la coopérative « Les Jardins de Zineb » au service de 14 familles rurales (Shoul et Ghbal des Zaers). Elle fait la rencontre en 2006 de Fettouma Bendabdenbi qui la sollicite pour intervenir à Terre & Humanisme Maroc dans le cadre de formations en agroécologie.
« Quelques mois après, elle me dit que Pierre Rabhi va venir au Maroc. Il est venu avec tellement d'humilité », se souvient Zineb Benrahmoune, les larmes dans la voix. « Il lançait des idées et on les continuait. Le réseau des initiatives agroécologiques au Maroc, c'est lui; le projet femmes semencières, c'est lui, le projet réseau des animateurs agroécologistes, c'est lui… », énumère-t-elle.
« Il a écrit plus de la moitié de Vers la sobriété heureuse chez moi »
De son côté, Abdelfettah Derouiche a aussi côtoyé de près Pierre Rabhi. « Depuis que le connaissais, il venait chez moi à Casablanca. Quand il entrait, il disait c'est la maison de Dieu. Il a écrit plus de la moitié de Vers la sobriété heureuse (Actes Sud, 2010, ndlr) chez moi, au coin de la cheminée, avec les enfants. Il adorait cette ambiance », nous confie l'un des cofondateurs de Terre & Humanisme Maroc.
Abdelfettah Deriouche (à gauche) et Pierre Rabhi (au centre)
Professeur chercheur en nutrition humain à la Faculté des Science de Ben M'Sik et à l'Université Hassan II Casablanca, Abdelfettah Derouiche témoigne aussi de « la grande humanité et humilité » du défunt. « C'est une personne qui nous a énormément marqués, nos vies, notre vision de la vie en général ». S'il devait retenir qu'une seule chose à propos du rayonnement de Pierre Rabhi, Derouiche insiste sur l'importance pour lui de « la transmission ».
« Quand il a visité le sud du Maroc en 2000, cette région était considérée comme la petite Californie. Lui a pourtant tout de suite remarqué le processus de désertification intense qui n'était pas compris de tous. Il avait déjà identifié à l'époque que la zone était en train de s'assécher, ce qui est prouvé aujourd'hui. Il est venu avec la conviction de la transmission de l'agroécologie comme étant une solution pour l'humanité et pour l'agriculture de subsistance », étaye notre interlocuteur.
« Le Maroc lui rappelait l'Algérie, c'était un retour aux sources, à son enfance »
Dans cette dynamique de transmission, « notre rêve à tous était de créer le CIPA », poursuit Derouiche. « L'objectif était de créer une sorte de carrefour pour les initiatives de pratiques agroécologiques et pour la transmission du savoir entre les différents acteurs avec l'organisation de formations. Pierre Rabhi a voulu le faire dans le sud du Maroc car il avait déjà l'expérience dans les pays subsahariens et avait trouvé la solution pour donner vie à notre terre mère comme il disait à travers la technique du compost ».
Inauguration du CIPA au Douar Skoura Rhamna avec Pierre Rabhi en 2015
Et de préciser: « Le CIPA Pierre Rabhi se trouve maintenant au nord de Marrakech, dans la région de Rhamna. Malgré les conditions difficiles, c'est devenu un paradis dans le désert. C'est ce qu'on voulait démontrer. Grâce à Pierre Rabhi, ce centre fait converger des gens de toutes origines pour se former à la transmission des pratiques et connaissances à l'agroécologie. Il y a un changement de paradigme même au niveaux des enseignants qui commencent à croire à ces pratiques ».
De gauche à droite: Aicha Rochdi, coprésidente de THM; invité; Fettouma Benabdenbi, cofondatrice de THM; Pierre Rabhi et Abdelfettah Deriouche. Crédits photo DR
Ainsi, Pierre Rabhi « a insufflé une transition au Maroc ». « Le bio, la permaculture, c'est lui qui a tout lancé au Maroc », affirme Derouiche qui souligne que l'initiateur du mouvement des Colibris aimait particulièrement le Maroc « car ça lui rappelait l'Algérie ». « Il a agi au Sahara, au Burkina Faso mais ça ne répondait pas à ses besoins profonds de culture familiale. Il a donc adoré le Maroc, on a passé 17 années extraordinaires en sa compagnie, il venait plusieurs fois par an, il avait besoin de ce retour aux sources, à son enfance comme il disait », conclut Abdefettah Deriouche.
Né en 1938 aux portes du Sahara algérien, Pierre Rabhi a été très dès son plus jeune âge confronté à la dialectique de la modernité et la tradition. Son père l'avait confié à une famille de colons français dans le but de lui offrir une meilleure instruction. C'est alors que Rabah deviendra Pierre. Initiateur du mouvement Colibris en 2006, il prônait l'idée que « chacun doit faire sa part » pour évoluer dans une société plus respectueuse de l'environnement à long terme. La vingtaine d'ouvrages qu'il a écrits (essais et fictions) ont connu un véritable succès et inspiré plusieurs générations de militants écologistes à travers le monde.


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