La stratégie de lutte contre la Covid-19 repose sur une intensification de sa détection, grâce à la combinaison des tests PCR, d'une part, pour repérer les individus porteurs du virus, potentiellement « contaminateurs » et futurs malades. Et d'autre part, les tests sérologiques, pour identifier les personnes ayant développé des anticorps contre le coronavirus et donc contracté l'infection, même sans avoir eu de symptômes, indique Dr. Khadija Moussayer, spécialiste en médecine interne et en gériatrie dans une analyse sur les tests. Supposant que les tests soient parfaits, la spécialiste estime qu'on peut donc « séparer » idéalement la population en trois catégories d'individus, savoir les non-infectés susceptibles d'être atteints, les infectés, positifs au virus, disséminateurs potentiels de la pathologie et donc à isoler et enfin ceux qui disposent d'anticorps contre le virus. En dépit de ces tests, le virus sait se « cacher » pendant la période d'infectiosité. L'association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS) estime nécessaire, par la voix de sa présidente le Dr Moussayer Khadija, de rappeler, en les précisant, la portée de ces tests, leurs éventuelles limites et les moyens mis en œuvre par les autorités sanitaires pour contrecarrer justement ces limites. Le test virologique (RT-PCR) : Rien n'est garanti Le test PCR est une technique permettant à partir de fragments de matériel génétique de les reproduire en grande quantité pour que le virus soit plus facilement identifiable, explique la spécialiste qui souligne toutefois que malgré sa très haute spécificité, c'est-à-dire sa capacité à ne détecter que les porteurs de ce type de virus, proche de 100 %, et sa bonne sensibilité à réagir à la présence du virus, sa fiabilité dépend de nombreux autres facteurs, y compris humain. « Le prélèvement exige en effet d'aller recueillir des cellules au fond des muqueuses de l'arbre respiratoire en enfonçant un écouvillon dans le nez jusqu'à l'arrière de la tête. Faute de quoi, le test risque d'être inopérant. Pour compliquer la situation, le virus est parfois indétectable dans les voies respiratoires supérieures mais présent dans les poumons ! » dit-elle. A cause de ces deux « écueils » principalement, Dr. Moussayer estime que la fiabilité du test se situe entre 60 et 80 %. Des résultats d'ailleurs assez proches de ceux constatés dans d'autres infections comme la grippe (influenza), analyse-t-elle. La spécialiste se base ainsi sur plusieurs études notamment celle réalisée par des biologistes de la Johns Hopkins Medicine, qui a confirmé ces difficultés à partir des résultats de 1.330 prélèvements. Les chercheurs ont établi que les sujets infectés présenteraient majoritairement un test négatif (67 % au 4ème jour de la contagion) dans les 4 jours suivant la contamination et un taux de faux négatifs de 38%, le jour de l'apparition des symptômes ou encore que les tests les plus fiables 8 jours après la contamination et, en moyenne, 3 jours après la survenue des symptômes, avec un taux de faux négatifs qui reste néanmoins de 20%. Les Tests sérologiques : Outil de surveillance avant tout Les tests sérologique, par prise de sang, sont recommandés dans 3 situations, fait savoir Dr. Moussayer. La première c'est en complément d'un test PCR négatif, pour confirmer une infectiosité dès lors qu'un patient présente des symptômes. La seconde, en détection d'anticorps chez les professionnels soignants et chez les personnels dans les grandes entités d'hébergement collectif et/ou de vie collective (établissements sociaux et médicosociaux, prisons, casernes, résidences universitaires, internats, entreprises, etc.) non symptomatiques, en complément du dépistage et de la détection de personnes-contacts par RT-PCR tandis que la troisième situation dans laquelle est recommandée le test sérologique reste comme un outil de surveillance épidémiologique de la présence du virus. « On ne recommande pas par contre sa réalisation en population générale en raison des incertitudes concernant l'immunité protectrice et sa durée éventuelle après la pathologie surtout en ce qui concerne la contagiosité des personnes testées positives » dit-elle. Deux types d'anticorps significatifs (ou Immunoglobulines ou Ig) apparaissent en effet à différentes périodes après l'infection, analyse Dr. Moussayer. Il y a les IGM, détectables à partir du 7ème jour chez les patients les plus sévères, au cours de la 2ème semaine pour le reste des patients et disparaissant environ 3 semaines après l'infection. Ou encore les IGR, détectées à partir du 14e jour après la contamination et diminuant progressivement pour rester en moyenne 40 jours détectables. « Leurs chevauchements partiels et leurs survenues à une période où on estime, avec de plus en plus de certitude, que le malade n'est plus contagieux, ne sont donc pas opérantes pour déterminer une contagiosité éventuelle« , explique la spécialiste. Pour elle, l'exigence d'un test sérologique pour les marocains bloqués ou résidents à l'étranger et qui veulent revenir au Maroc partait peut-être d'un souci louable d'éviter l'arrivée de quelques personnes malades soulignant que son statut de « passeport immunologique » paraît en fait inapplicable. Elle espère ainsi que la sagesse va rapidement prévaloir pour en assouplir son obligation, de même que pour le délai de 48 h imposé au PCR. In fine, la spécialiste observe que le test le plus utile reste plus que jamais le PCR dans la mesure ou il permet de dire, et à condition de le répéter, si oui ou non une personne est porteuse du virus à un instant T, et seulement à cet instant. Ce qui implique que cette opération soit renouvelée malheureusement assez fréquemment en particulier dans les entreprises pour éviter tout accident de parcours préjudiciable. « L'arrivée de nouveaux tests toujours plus performants réduira quelque peu cette part d'incertitude qu'on connaît actuellement. En attendant, la proportion des tests faux-négatifs permet de mieux comprendre pourquoi les autorités sanitaires sont obligées de procéder, à juste raison, à des reconfinements locaux, là où naît un foyer d'envergure, pour éviter toute flambée épidémique« , conclut Dr. Moussayer.