La rentrée scolaire 2020/21 est prévue la semaine prochaine. Pandémie oblige, elle ne se déroulera pas comme les années précédentes, les parents d'élèves ayant été mis devant un «choix cornélien» qui les oblige à privilégier ou la santé ou l'avenir de leur progéniture. C'est un peu une rentrée « à la carte » à laquelle ont droit les élèves. Dans un communiqué, le ministère de tutelle a en effet indiqué que la rentrée aura bien lieu à la date fixée, soit le 7 septembre, mais que la présence n'est pas obligatoire, précisant que les élèves auront le choix entre l'apprentissage en présentiel ou à distance. La question qui se pose à ce niveau est sur quelle base ce choix sera-t-il fait ? C'est une interrogation qui est sur toutes les lèvres, en particulier celles des parents d'élèves, qui se retrouvent devant un dilemme, en l'absence de tout outil pouvant les aider à faire le bon choix sans dégâts collatéraux. C'est justement le point soulevé par Youssef Allakouch, Secrétaire général de la fédération autonome de l'enseignement. « Le ministère, tout en exprimant son attachement au respect des délais fixés, et en s'opposant à tout report de la rentrée scolaire, n'a pas non plus donné de détails suffisants sur les modalités de reprise après des mois d'interruption, rien ! », relève-t-il au micro de Hespress Fr. Pour Youssef Allakouch, également porte-parole de l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), les parents d'élèves doivent pouvoir disposer d'éléments leur permettant de choisir, et ces éléments « c'est le ministère, donc le gouvernement, qui doit, les leur fournir », dit-il. Appels au report Rappelant que l'UGTM, ainsi que d'autres groupes parlementaires, a proposé un report de quelques semaines de la rentrée scolaire en vue de mieux s'y préparer, le syndicaliste soutient que plusieurs changements doivent être opérés, que l'on opte pour le présentiel ou non. « Ces changements sont d'ordre logistique, financier, pédagogique... Il est nécessaire d'adapter les programmes, les emplois du temps des élèves, les tableaux de service des enseignants, les modalités d'évaluation et d'examen, le transport… Beaucoup de choses sont à revoir », avance notre interlocuteur, qui estime que le pari « est de réussir une rentrée sécurisée ». En fait, il s'agit beaucoup plus d'assurer une rentrée scolaire sans risque, plutôt que de respecter une date, car cela ne sert à rien de reprendre les cours début septembre pour les interrompre fin septembre à cause de problèmes qui ne manqueront pas de surgir et pour lesquels on n'était pas préparé. L'Etat a-t-il les moyens d'assurer la sécurité sanitaire de tous ? De garantir la distanciation dans toutes les classes et tous les établissements du Royaume ? De fournir des cours en ligne de qualité pour tous les élèves qui opteront pour l'apprentissage à distance ? De gérer le système des groupes préconisé avec les ressources humaines et matérielles nécessaires ? Autant de questions auxquelles le ministre de tutelle, Said Amzazi, n'a pas apporté de réponses satisfaisantes, ces mêmes réponses qui auraient pu rassurer et aider à opter pour la bonne formule. « Nous avons adressé un écrit au ministère (qui est resté sans réponse) dans lequel nous avons justement soulevé toutes ces problématiques, outre les spécificités de la scolarisation dans le monde rural, et demandé que le protocole de reprise, largement détaillé, soit communiqué aux parents suffisamment de temps avant la date prévue pour qu'ils sachent à quoi s'attendre et pouvoir faire des choix responsables », nous dit Youssef Allakouch. Et de préciser qu'en l'absence de cette « vision claire » qui doit être communiquée aux Marocains, « chacun fera un choix qui arrange sa situation propre, et non qui sert les intérêts des élèves ». Rentrée à la carte « Plusieurs cas de figure peuvent se présenter : Des parents qui opteront pour le présentiel parce qu'ils ne peuvent pas laisser les enfants seuls à la maison, et donc risqueront leur santé, d'autres qui auront peur de la contamination, et garderont leurs enfants à la maison même s'ils n'ont pas les moyens (ou le temps) de leur garantir un apprentissage à distance de qualité... », poursuit le syndicaliste, qui déplore que dans tous les cas, c'est l'élève, déjà très éprouvé par le confinement et les nouvelles conditions, qui sera lésé et encore plus perturbé. Outre les parents et les élèves, le problème se pose aussi pour les enseignants qui seront sollicités davantage, dans les deux formules, et qui devront trouver des solutions pour l'évaluation des uns et des autres, alors qu'ils ne sont pas formés dans ce sens, ajoute Allakouch qui insiste sur la nécessité du report en vue de combler ces lacunes. « Nous connaissons tous l'état de nos établissements, et savons donc que nous ne sommes pas prêts pour une rentrée scolaire dans les conditions actuelles. Il est inutile et irresponsable de prendre ce risque, alors que nous avons la possibilité de prendre quelques semaines supplémentaires pour mieux nous préparer », conclut le syndicaliste. Au vu de la situation épidémiologique (pas très rassurante) du Royaume, avec un nombre de décès qui dépasse désormais le millier, il est légitime de s'interroger sur la pertinence de cette décision. Quand on sait que l'examen régional (1ère année Bac) a fait l'objet de moult débats et discussions avant d'être programmé pour début octobre, « pour ne pas risquer la sécurité sanitaire de quelque 326.000 élèves ne serait-ce qu'un jour », on se demande comment on peut gérer des millions d'élèves pendant toute une année scolaire. Il ne s'agit pas d'extrapoler ou d'improviser, l'enjeu est trop grand et les conséquences peuvent être redoutables. Une décision hâtive et irréfléchie risque de déboucher sur un scénario catastrophe, un peu semblable à celui de l'Aid Al Adha dont nous continuons jusqu'à aujourd'hui à régler la facture ô combien salée!