La nouvelle n'est pas seulement étonnante, elle est extraordinaire, elle est inouie : des présidents et des secrétaires généraux de partis politiques renoncent, pour la première fois dans les annales, à se présenter à des élections législatives. Dans une première fournée, notons les noms de Ahmed Osman, Mahjoubi Aherdane, Thami Khyari et Abdelkrim Khatib. De vrais leaders, d'authentiques «Zaims», blanchis sous le harnais, maîtres absolus des formations politiques qu'ils ont fondées, n'y souffrant nulle contestation, étouffant toute protestation, consentent enfin à céder quelques bribes de leur autorité, à se dessaisir d'un peu de leur omnipotence au profit de certains de leurs collaborateurs, outrés par la dictature des vieux ! Du jamais vu dans l'histoire des partis politiques chez-nous. Qu'est-ce à dire ? Rattrapés par l'âge, ressentent-ils la fatigue naturelle, physique et qui ne pardonne pas ? Oh ! ce ne sont pas encore tout à fait des «croulants» mais le fait est que le poids des ans commence à se faire visible. Et un Mahjoubi Aherdane par exemple, qui, inlassablement, travaille à introniser son rejeton Ouzzine, sait bien que l'heure des successions déchirantes est en train de sonner. Ou bien, prenant enfin conscience que l'ère des chefs inamovibles, infaillibles, est révolue, acceptent-ils d'écouter leurs bases et d'appliquer un début de démocratisation interne à laquelle ils se sont jusqu'ici refusés, quitte à voir quelques cadres ambitieux et pressés d'accéder aux responsabilités, abandonner le sérail et voler de leurs propres ailes, en fondant leurs propres partis ? Et de fait, les partis politiques - nous ne parlons que des anciennes formations, à part l'Istiqlal peut-être, ne connaissent et ne vivent qu'une seule crise, celle qui oppose des directions surannées, presqu'anachroniques, farouchement attachées à leur leadership, jalouses de leurs prérogatives, qui refusent de «partager», de faire de la place à des opposants plus jeunes, aspirant à la démocratisation des instances de décision et d'initiative. Partout, dans presque tous les partis, une même bataille entre des dirigeants rabougris et frileux et de jeunes «prétendants» de plus en plus impatients. Qu'aujourd'hui de vénérables «zaïms» consentent à ne pas se porter candidats aux élections du 27 septembre est indubitablement un bon signe. De gré ou de force, ils doivent céder une parcelle de leurs pleins pouvoirs à de jeunes leaders qui ne les imiteront pas dans leur volonté de puissance. Mais attention, il ne s'agit pour les zaïms que de s'abstenir de se porter candidats - têtes de liste, forcément - aux législatives. Leur statut de chefs de partis, inamovibles et infaillibles n'est pas mis en cause. Beaucoup d'eau coulera sous les ponts avant de voir l'un deux consentir à mettre en jeu son mandat de président ou de secrétaire général. Ce serait, en effet, trop demander.