L'Israël d'Ariel Sharon cherche désespérément un rôle dans l'éventuelle guerre contre l'Irak. L'Amérique de George W. Bush, l'allié stratégique du Likoud, lui fait comprendre, en vain, qu'il doit renoncer à attaquer l'Irak dans la foulée. Car, cette guerre est celle des grands de ce monde et sa participation risquerait de perturber les plans mis en place. Les Etats-Unis souhaitent mener une guerre internationale, dans laquelle ils intègreront le maximum de pays; et avec le soutien des Etats arabes, sinon, obtenir la neutralité de la majorité d'entre eux. En dépit des multiples conseils et messages adressés à Sharon dans ce sens, ce dernier continue à s'entêter, à s'agiter, montrant sa détermination à jouer dans la cour des grands. En bref, Israël ne veut pas rester comme l'élève "rejeté" par ses copains de classe qui lui refusent de partager leur jeu pendant la récréation. Donc, il fait tout pour attirer leur attention, allant jusqu'à brandir le drapeau du "nucléaire" en l'utilisant comme probable ticket d'entrée sur la scène où se produira la nouvelle "Corrida". En déclarant soudainement que l'Irak a réussi à passer ses armes de destruction massive à la Syrie pour les éloigner des inspecteurs de l'ONU, le Premier ministre israélien aurait voulu dire à Washington que son pays est désormais menacé par le nucléaire des "méchants" frères baâssistes. Ce qui lui donnera, de facto, le droit de se défendre en prenant l'initiative de frapper certains objectifs aussi bien en Irak qu'en Syrie. Preuve en est, quarante -huit heures plus tard, il accusait la Libye d'avoir "emprunté" auprès de Bagdad des savants pour faire avancer son programme nucléaire. Dans ce même ordre d'élargissement de l'éventail des menaces, il affirme lors d'un récent conseil des ministres que ses services ont des preuves tangibles sur les intentions des Iraniens d'utiliser le nucléaire contre des objectifs en Israël. En citant deux composantes de "l'axe du mal", Tripoli et Téhéran, Sharon veut toucher un point sensible de George W. Bush, voire le défier afin de le pousser à céder. Sharon mise effectivement sur les "Chrétiens Sionistes" au sein de l'Administration républicaine, notamment après la nomination d'Eliot Abraham, pour faire les pressions nécessaires à l'accès à la cour des grands. La tension qui vient de surgir entre la Corée du Nord - le troisième membre de ce fameux "axe du mal" - et les Etats-Unis, concernant la persistance de Pyong Yang dans ses activités nucléaires, ne peut que renforcer la thèse de Tel-Aviv. Cette dernière n'a pas hésité, selon les Iraniens, à saboter l'avion ukrainien qui s'est écrasé la semaine dernière, transportant des experts russes qui regagnaient leurs pays. Bien que cette accusation manque de preuve, cet acte pourrait être un test de la part de Sharon. La détermination de celui-ci dans la participation à la prochaine guerre du Moyen-Orient a aussi ses raisons internes. Elle fait partie des surenchères précédent les élections. L'intervention pourrait au cas où la guerre serait déclenchée, camoufler les scandales financiers du Likoud. Le Premier ministre de l'Etat d'Israël veut montrer à ses compatriotes que l'aviation et les soldats dirigés par son gouvernement les défendent contre la menace nucléaire. Ce que les analystes israéliens considèrent comme une erreur d'évaluation politique. Ces derniers estiment qu'aucun Etat arabe, encore moins la Turquie, serait prêt à accepter que la guerre contre le régime irakien se transforme en une guerre pour la "sauvegarde" d'Israël. D'autant plus qu'il est inconcevable de comparer l'efficacité de l'aviation et des missiles israéliens à ceux de l'armada américano-britannique, engagée dans cette aventure meurtrière. Dans tous les cas de figure, la part du gâteau de "l'après Saddam" sera assurée par Washington, même si l'Etat hébreu n'y participera pas. Tout ce qu'on lui demande, c'est de rester sage, de se taire et d'être le moins turbulent possible tout au long de cette étape. Néanmoins, force est de signaler qu'évoquer le nucléaire, précisément en ce moment, veut dire que les pays possédant cette arme dans la région seront la prochaine cible des Etats-Unis. Car ces derniers ne pourront boucler la boucle et mettre définitivement la main sur cette région, sans avoir un alibi de taille telle que la menace nucléaire. La réaction de l'Iran à cet égard a été exceptionnellement significative. Son président Mohamed Khatami s'est rendu en visite officielle au Pakistan alors que son ministre des Affaires étrangères, Mohamed Kharrazi, a signé à Moscou un nouvel accord pour développer les usines nucléaires de Bushehr. De plus, on assiste, à l'heure actuelle, en toute discrétion, à la réactivation de l'ancien axe tripartite des années 80, rassemblant à nouveau, Damas, Tripoli et Téhéran. Le nucléaire est devenu aussi bien aux Etats-Unis qu'en Israël, l'alibi idéal voire standard pour poursuivre la guerre dans la région du Moyen-Orient, en attendant de trouver de nouveaux objectifs dans ce monde.