A Marrakech, même les écoles françaises n'échappent guère aux travers que connaît l'enseignement au Maroc. La violence, ce phénomène plus qu'inquiétant sévit au sein des écoles les plus cotées. Autour du lycée Victor Hugo de Marrakech, évoluent des dealers qui procurent une large panoplie de drogues. De la cocaïne aux « ampoules rouges ». Souvent, des rixes particulièrement violentes opposent des jeunes à la sortie du célèbre Lycée. Il faut dire que la contagion des écoles, des collèges et des lycées publics est visible à l'œil nu. « Prétendre isoler ces jeunes chanceux qui poursuivent leurs études dans des établissements de type français du reste de la jeunesse scolarisée dans le secteur public n'est sérieux ni possible », affirme ce censeur de la ville ocre. Horizon bouché, problèmes sociaux, pauvreté et démotivation parcourent cette jeunesse qui manie aujourd'hui l'insulte, l'injure et le coup de point d'une façon quasiment ordinaire. Placez-vous donc devant le collège Lalla Meryem, à quelques dizaines de mètres du lycée Victor Hugo, vous entendrez la même vulgarité que l'on retrouve à la sortie de cet établissement français. «Auparavant, les parents tenaient à prendre leurs enfants en voiture à la sortie du lycée. Mais ces adolescents ont fini par dissuader leurs parents de les attendre à la porte de l'établissement. En voulant s'affirmer, ils s'acclimatent avec l'environnement pathogène ambiant. Les pulsions anales qui engendrent la violence verbale se déchaînent». La politique de l'arabisation qui a mené des générations d'élèves aux culs-de-sac que l'on sait et dont l'artisan était Azzeddine Laraki a engendré un défaitisme des plus obscènes. Dans son discours du 20 août 1987, Hassan II put avoir ces mots: «Cher peuple, je dois te dire que ceux qui ont entamé l'arabisation se foutent de ta gueule… ». Aujourd'hui, le ras-le-bol et le pessimisme conquièrent tous les ans des pans entiers de l'éducation nationale. . «C'est normal qu'un élève devienne nuisible et agressif lorsqu'il se trouve pénalisé par une école qui, après avoir été avant et après l'Indépendance, un ascenseur social pour tous les Marocains moyens ou défavorisés, a été transformée en une grande salle d'attente pour les futurs chômeurs et harragas », regrette Abdellatif Mansour, ancien professeur à l'Ecole normale supérieure de Casablanca. La violence se déploie ainsi horizontalement et verticalement. L'année dernière, un professeur du lycée Victor Hugo de Marrakech s'est vu agresser par six de ses élèves à la sortie d'un supermarché. Interrogés, les parents durent fabuler sur de prétendues mœurs sexuelles perverses pour sauver leurs enfants de la prison. Le prof ne dut son salut qu'à un comité formé d'autres parents qui eurent le courage de se transporter en groupe auprès du procureur pour nier les allégations. Deux des parents des six élèves agresseurs revinrent aussitôt sur leurs allégations. Face à la violence des élèves, les professeurs épousent souvent une attitude je-m'en-foutiste dont les répercutions sur le devenir scolaire des adolescents peuvent être catastrophiques. A Marrakech, la violence la plus condamnable s'est perpétuée au sein de l'université Cadi Ayyad. Des groupes armés d'épées, de chaînes et de couteaux se déploient fréquemment dans les quartiers avoisinants. Ces hordes, principalement originaires des provinces présahariennes et sahariennes, ont maintes fois affronté les forces de l'ordre et sont allés jusqu'à tuer et blesser gravement des éléments de la police. Par ailleurs, les affrontements entre étudiants islamistes et des activistes qaïdiyine sont fréquents. Le nombre d'étudiantes qui quittent l'université chaque année constitue à lui seul un indicateur parlant de la terreur qui y sévit. Châtiments corporels Les châtiments corporels bien qu'interdits, sont largement pratiqués à l'école, y compris sous des formes assez dures (87% des enfants disent avoir déjà été frappés, 60% avec des règles, bâtons ou tuyaux, 73% des enseignants disent en effet l'avoir fait). La première cause semble être les devoirs non faits. La parents pratiquent eux-mêmes ces châtiments mais, semble-t-il dans une mesure moindre (61%). Bon nombre d'entre eux approuvent, voire doublent la correction « c'est une méthode éducative qui a fait ses preuves » ! La pratique de sévices graves y compris d'abus sexuels a été relevée, bien que la question ait été évacuée par les enquêteurs. Ces sentiments engendrent chez les enfants frappés (ou même seulement témoins de châtiments) de la peur, un sentiment d'injustice et la haine de l'école et des enseignants. (Enquête 2005 sur la violence à l'école (UNICEF – Ministère E.N.)