Ingénieur de formation, Patrice Ratti est entré chez Renault par la grande porte, celle de la Formule 1. Fort d'un lourd bagage pour le développement de la marque dans tous les domaines, c'est au Maroc qu'il pose ses valises pour poursuivre ses objectifs. La Gazette du Maroc:comment s'est passée votre arrivée au Maroc ? Patrice Ratti : je suis arrivé en novembre 2008 et j'ai eu la chance de passer deux semaines de recouvrement avec mon prédécesseur, Philippe Cornet. Nous en avons profité pour faire le tour de toutes les concessions du pays, de Fès à Oujda en passant par Ouarzazate. Commencer par le terrain était formateur. Je me suis tout de suite plongé dans les activités de la filiale Renault, qui constituent quand même un important morceau à gérer au Maroc. J'ai été expatrié dans plusieurs pays, notamment le Portugal et le Mexique. J'aime sortir de France et le Maroc est un pays attirant. La position de Renault et son développement avec le projet de Tanger font du Maroc une destination très intéressante, à la fois sur les plans personnel et professionnel. Quels objectifs vous êtes-vous fixés ? La difficulté réside dans le fait que Renault est numéro un au Maroc depuis plusieurs années. Quand on arrive et que l'on est numéro un, l'enjeu, c'est de le rester. Nous sommes dans une phase d'ouverture du marché, la concurrence est de plus en plus forte et le plus important, c'est de ne pas s'endormir sur ses lauriers. Il y a beaucoup de choses à faire pour rester leader et accompagner le développement du pays. Si le marché connaît une pose, cela repartira à la hausse et nous nous préparons dès maintenant. Sur un plan plus personnel, je souhaite profiter de mon temps libre pour visiter le pays. Mes deux semaines d'introduction étaient frustrantes, je compte le découvrir plus en profondeur. Quels sont les enjeux de Renault en 2009 ? Nous devons continuer à progresser en parts de marché en utilisant la nouvelle gamme produit. Pour Dacia, le lancement de Sandero apporte une nouvelle corde à son arc. Côté réseau, plusieurs projets sont en développement et seront finalisés en 2009, voire début 2010. La conjoncture n'est plus la même depuis votre arrivée en novembre. Quels changements a-t-elle provoqué? On s'attendait à un marché en légère hausse entre 5 et 10 %. Il s'agit désormais plutôt d'une hausse comprise entre 0 et 5%. Cependant, le marché est descendu en gamme et cela profite énormément à Logan. Quel est votre regard sur le marché automobile marocain ? C'est un marché en pleine évolution, nous en sommes donc au début. Sur le plan technique, il y a des voitures dont le niveau de normes n'est pas très haut. On voit des voitures modernes, mais le parc reste assez vieux. Lorsque l'on rentre à l'intérieur du pays, on voit des voitures beaucoup plus anciennes et cela prendra plus de temps. Il faudrait de l'aide pour rajeunir le parc. Cela me fait penser à ce que j'ai pu constater au Portugal il y a une dizaine d'années. Le parc est en train de se moderniser et c'est un marché où l'on observe des tricorps mais aussi des bicorps qui sont aussi le signe d'une modernité plus européenne. Quelle est votre vision du manager ? Il n'y a pas un manager, chacun à sa personnalité et son style. Il ne faut ni imiter, ni singer mais il y a quelques points communs à tous. Il faut avoir une certaine vision de l'entreprise pour la retraduire aux gens que l'on anime. Cela doit être fait de façon compréhensible et par objectif, afin que chacun puisse appréhender et intégrer la stratégie. L'autre aspect, c'est de motiver les gens pour créer un esprit d'équipe ou le développer. Il faut améliorer la communication entre les services, la mobilité entre les départements surtout avec les ressources humaines. Je suis très attaché au travail d'équipe. Une entreprise, c'est déjà une équipe qui doit avoir un but et un chef. Certaines pratiques diffèrent-elles de ce que vous avez connues ? Je trouve qu'il y a une très bonne entente entre les gens, une qualité d'accueil et d'écoute. A l'inverse, l'administration est lourde et le Maroc a pris les mauvais côtés des Français. Les démarches prennent beaucoup de temps au niveau administratif. Au sein de l'entreprise, il y a un attachement extraordinaire à la marque, à la fois dans l'entreprise et chez les concessionnaires. La volonté de bien faire est forte parce que les gens ont envie de progresser. Comment voyez-vous le secteur de l'automobile dans 10 ans ? Je ne sais qui survivra à la crise, mais on finira par en sortir. Des tendances existaient déjà et ont été renforcées par la crise. Il faut probablement revenir à des voitures plus proches des vrais besoins des consommateurs. La sécurité reste parmi les fondamentaux. L'environnement est aussi un point crucial, puisque cela fait longtemps que les voitures et les normes diminuent la pollution. Le développement des services, du financement, du leasing, de l'assistance et de la location, va aussi s'accentuer. Quid des véhicules hybrides ? Le problème est économique car cela coûte très cher. Les voitures économiques ne fonctionnent que dans les pays où elles bénéficient d'aides du gouvernement. Ces voitures ne sont pas rentables en soi, les batteries coûtent cher à fabriquer et ces projets dépendent donc de l'amélioration des technologies. C'est le problème de la poule et de l'œuf, tant que cela reste marginal, il n'y aura pas d'investissement pour développer ce type de véhicule. Il y a à la base un problème de coût. Votre conseil pour les jeunes diplômés ? Il faut choisir une carrière dans un domaine qui vous passionne. Il faut aussi y aller à fond. Après avoir choisi son domaine, un jeune diplômé entre dans une première phase d'apprentissage d'un métier, d'une fonction. On peut être ingénieur et faire du commerce, mais il faut d'abord maîtriser un domaine et un métier. Ensuite, on évolue en fonction de ses goûts et des opportunités qui se présentent.