“Cependant, je suis obligé de parler. Je ne me tairai jamais. Jamais”. Beckett Abdelbari Zemzami est un prêcheur. Ses paroles, ses gestes ne passent pas inaperçus. Il se serait tu, on se demanderait pourquoi, s'il prêche, on se demande comment. Bref, il est la voix du désert, comme on disait des premiers chrétiens. Si rares, si fragiles. Mais Zemzami l'est parce qu'il ne voit rien autour de lui, que mirage. Il fait le vide autour de lui, c'est pourquoi tout est désert. “Les partisans d'Al Adl wal Ihsane ? Je ne les connais pas”. Rien, donc. Mais, c'est le même Zemzami qui répond à une question relative aux propos de Zakaria Miloudi, émir de la salafia qui qualifie les adlis de laïcs ( !) que s'il avait fait la connaissance des adeptes de Abdeslam Yassine, il les aurait “casés” parmi les siens. Pour prodiguer conseil, il faut d'abord savoir. C'est aussi valable pour un prêcheur, aussi hautain soit-il. Alors Zemzami connaît-il ou non les amis de Yassine ? Qu'importe, quand bien même la vanité est un des sept péchés capitaux, elle n'est pas la seule bêtise pour autant. Parlant de ses rapports avec les autres barbus du PJD, Zemzami le fait religieusement. “Je suis de leur côté, nous dit le prêcheur, dans la fraternité musulmane et l'amour de Dieu”. Amen ! C'est à en avoir les larmes aux yeux : ni profit, ni intérêts mutuels. Rien qu'une fraternité désintéressée. “L'appartenance au parti” ? Selon Zemzami, “il n'est pas question d'adhérer ou participer à une quelconque activité organisationnelle”. Et pour cause. “Je tiens à être indépendant”. Seulement voilà ! Le fqih ne tarde pas à devenir “un-des-pendants” du PJD. Il est, cette fois, pris la langue en pleine campagne. “J'ai, nous éclaire Zemzami, participé à la campagne électorale”. Au profit des amis de Benkirane et Cie, bien évidemment. On voit clairement que le fqih prêche pour ses saints. A la fraternité islamique, l'amour en Dieu. Il ne serait pas déplacé d'ajouter une petite place au parlement. Il est vraiment génial le lettré. Il essaie de nous faire avaler le maximum de perles insensées avec le maximum de prudence. La foi, prédisait un ancien dévot, rend délirant celui qu'elle veut perdre. La foi est aussi affaire de famille. Après le livre de la dame Oufkir, la sœur Oufkir, voici venues les mémoires du fils d'Oufkir, Raouf. Le fils du général félon. On est toujours l'enfant de quelqu'un. Résultat : après les Dumas, les Goncourt on a les Oufkir. Comme la mère, la sœur, le fils a décidé de nous faire part de ses souvenirs. Je déballe tout à propos du complot du Boeing royal en ce mois d'août 1972. Le fait est désormais très connu, les détails eux ne cessent de s'allonger. Cette fois, tout le monde est pointé de l'index. Jugez-en : Allal El Fassi, Bouabid, Driss Slaoui, Réda Guédira (conseillers de feu Hassan II). La famille royale est aussi citée : “Moulay Hassan, cousin du Roi, Moulay Ali, époux d'une des sœurs du roi et Cherkaoui, beau-frère de Hassan II”. Le comble, c'est quand Raouf Oufkir écrit noir sur blanc : “plus le complot associant les conseillers du roi, la gauche et l'armée avançait, plus il fallait en peaufiner les détails. Le conseil de régence prévu (après le complot NDLR) aurait réuni des civils, des militaires et des membres de la famille royale.” Parmi tout ce beau monde le prince Moulay Abdallah, frère du roi défunt. Moulay Abdallah “aurait lui-même déchargé Oufkir de ses derniers scrupules et du serment de loyauté fait au trône”. Le frère du roi défunt, selon le livre d'Oufkir aurait dit au général : “Oufkir, je suis autant le fils de Mohammed V et je te relève de ton serment… j'en prends la responsabilité devant Dieu et les Marocains, mais il faut absolument sauver le pays”. Fin de citation, pas de délire. On en verra d'autres sûrement. Peut-être qu'une autre connaissance de monsieur le père de l'enfant de madame Oufkir nous dira, il faut s'y attendre, que le défunt roi lui-même faisait partie des comploteurs. Qui sait ? Mais entre-temps, disons qu'on ne peut pas transporter partout avec soi le cadavre du père. Avec lui, le livre de la mère. Et tout cela au conditionnel.