M. El Manjra, Me Ammari et O. Mouattakif George W. Bush a eu sa guerre. Illégitime, illégale, inhumaine. Comme son ancêtre romain, Caton l'Ancien, le président américain termine ses discours toujours avec le même leitmotiv: “Delenda est Bagdad” : Bagdad sera détruite. Voilà, la pax americana, c'est l'épée, rien que l'épée. Le monde entier y voit une arrogance meurtrière, plus qu'une erreur : un crime. Le monde entier est triste, meurtri. Ses hommes politiques, ses religieux, ses écrivains et ses penseurs, consternés. Les analyses et les positions (et oppositions) sont le pain quotidien de milliards d'humains : les visées expansionnistes des USA sont claires. C'est aussi le cas pour les anti-guerre. De la France à la Chine. Ah ! le pays de la grande muraille ! Savez-vous pourquoi les descendants de Mao Zedong observent un certain silence, après bien évidemment un activisme anti-américain remarquable ? Non ? Eh bien parce que nos amis attendent leur tour ! Pas pour entrer en guerre et apporter le deuil à des milliers de familles irakiennes. Que nenni. Mais à devenir la superpuissance mondiale. Le temps est très proche, parole de notre éminence grise, le futurologue Mehdi El Manjra ! Eh, oui ! Mehdi de toutes les prophéties l'a si bien étayé sur les colonnes d'Al Ayyam : dans peu de temps, nous explique le devin cybernétique, le monde assistera à la chute de l'empire américain. C'est une règle, on en convient. “C'est pourquoi – ajoute Mehdi – la Chine garde le silence !”. Ce sera donc une embuscade. Les Chinois n'ont qu'à retenir leur souffle, rester immobiles et attendre. Deux à trois ans. Et les voilà en tête du peloton des superpuissances. C'est simple, c'est futuriste. Bien sûr, vous allez me reprocher cet acharnement contre le seul stratège qui a osé parler. M'en vouloir même de chercher la petite bêt… ise. Mais Mehdi, l'aimable Mehdi et son indéracinable passion pour la démesure laissent perplexe. C'est pourquoi il désole parfois en revenant sur ses perles. Celles de Bush, Condoleeza ou autres Rumsfeld sont grotesques et meurtrières, bêtes et illuminées. Les siennes, en revanche, ont l'allure d'une foi : en l'homme et son “inépuisabilité”. Jugez-en. “Je l'ai déjà prédit”— se targue Mehdi. Soit. “Il y aura d'autres armes à expérimenter”. Re-soit ! “J'ai tout expliqué dans un livre”. Tri-soit. “Le livre – attention Mehdi va plus loin – n'est disponible qu'en… japonais”. C'est vraiment dommage, car notre ordinateur, contrairement à celui très sophistiqué de Mehdi – n'affiche pas les caractères japonais. Les choses pourront changer, si les Chinois parviennent à faire tomber les Yankees et devenir par-là la première puissance de la planète. En attendant, une question : dans un livre, on trouve les trois quarts de la vie, l'espoir, le plaisir, l'abattement et… le doute, le doute est-il japonais ? Lorsqu'on est devin, on ne fait plus la différence entre le passé et le futur. Entre ce qui s'est passé et ce qui vient. Mais, un avocat peut aussi sombrer dans la confusion. Les propos tenus par Me Ammari, l'avocat des Salafistes Jihadi sont typiques de ce genre d'amalgame. Au début de l'affaire, l'avocat établirait un rapport entre l'arrestation et le 11 septembre. Explication : si des Salafistes sont écroués, ce n'est ni pour des crimes commis, ni pour des actes à caractère criminel. Mais c'est que le pays fait le jeu américain d'après le 11 septembre, le nine eleven américain. Les choses, paraît-il, ont changé. “L'arrestation des Salafistes, déclare Me Ammari, a un rapport avec ce qui se passe en… Irak”. Il est remarquable que la justification change, au gré des attentats et du feu. Du 11 septembre et les USA, à l'Irak et la guerre, la plaidoirie du maître change d'arguments. Demain ? Ce n'est pas mon fort. Il faut le demander au futurologue. Une suggestion, rien qu'une suggestion. Il y aura sûrement un conflit en… Corée. C'est navrant, mais l'immonde guerre, l'inhumaine tragédie que vivent les civils irakiens, n'auraient rien d'autre à offrir que ces petites phrases un peu… incongrues (pour ne pas dire pire !). Loin de la guerre, il y a Omar Mouattakif. Vous ne connaissez sûrement pas ce jeune Marocain établi en Espagne et qui se retrouve en taule. Chef d'accusation : lèse-majesté. Pour se défendre, il crie à la manip. Il a la faculté de le crier, c'est commun et même admis par tout le monde. Omar avoue cependant avoir pris quelques rasades, des petites bien fraîches et… Et ? Il se rappelle bien qu'il n'a rien fait. Absolument rien. A tel point qu'il aurait le plaisir de perdre son procès. Seulement voilà : Señor Omar, ne se souvient pas de la somme d'argent, source de l'équivoque, qu'il doit aux manipulateurs. Il n'y a de beau que ce que l'on ne se rappelle pas ! Il faut être très sobre, cependant, pour faire la part des choses. En espagnol on dit “El pan, El pan, El vino, El vino !” Qu'à cela ne tienne !