A. Raïssouni appelle à un “référendum” M'hamed Boucetta, président de la Commission royale chargée de la réforme de la moudawana se veut rassurant. Les associations féminines sont plutôt inquiètes. Elément nouveau: Ahmed Raïssouni remet en cause l'arbitrage royal en appelant à un référendum. “J'y suis, j'y reste”. La réponse de Boucetta à la question posée récemment par nos confrères d'Al Ittihad weekly met fin à une rumeur qui n'a fait que durer. Le président de la Commission royale chargée de la réforme de la moudawana aurait été sur le point de rendre son tablier. La raison en serait, selon certains milieux féminins et de la presse, l'échec de M'hamed Boucetta à trouver un modus vivendi entre les composantes de la Commission. D'une part, les conservateurs purs et durs, majoritaires de surcroît, d'autre part, des libéraux plus ouverts prônant un usage plus audacieux de l'ijtihad. Là-dessus, Boucetta se veut rassurant : “nous sommes sur le point d'établir un consensus sur les problèmes sujets de divergence”. Ce n'est qu'une question de temps, laisse-t-il tomber. Le problème c'est que la réponse rassurante n'en est pas vraiment une Histoire : une année et demie après la constitution en avril 2001, de la première commission royale chargée de la révision du statut de la femme, présidée à l'époque par Driss Dahhak s'est trouvée au pied du mur. Les différends, effectivement, étaient tels qu'elle a été contrainte de reporter le débat sur l'essentiel dudit statut. La majorité légale, le divorce, la garde des enfants, les biens conjugaux… sont autant d'écueils sur lesquels le consensus a buté. La suite est connue : S.M. le Roi désigne M'hamed Boucetta à la place de Driss Dahhak. Dans un premier temps, le nouveau président rassure tout le monde, conservateurs et modernistes confondus. “Nous allons œuvrer pour une moudawana plus équitable sans pour autant renier les principes fondateurs de notre religion”. L'homme est un nationaliste de la première heure, réaliste: les associations féminines y voient surtout l'héritier de feu Allal El Fassi. Le leader charismatique et réformateur qui a supervisé en 1957 la première moudawana, jugée révolutionnaire dans ce Maroc nouvellement indépendant. En être héritier, juge-t-on, c'est être féministe. Le temps passe, les signes de désenchantement ne tardent pas à pointer. “La commission, déclare Boucetta, n'acceptera jamais des revendications athées”. On croit rêver, Boucetta enfonce le clou : “le PACS est nul et non avenu”. Le coup de grâce, laisse-t-on entendre du côté des femmes: elles n'ont rien compris ! Que viennent faire le PACS, l'athéisme et tous ces épouvantails d'une autre réalité dans l'affaire d'une moudawana dont les victimes de son anachronisme ne sont, en fin d'analyse, que des Marocaines ? Le doute s'installe et Boucetta ne fait rien pour le dissiper. Les plus optimistes, c'est-à-dire ceux qui ont une grande confiance en lui, y voient une “manœuvre” : un pas en arrière pour deux pas en avant. En décodé : le président de la commission, selon ses partisans, brandit des menaces qui n'existent pas en réalité pour “adoucir” les membres les plus ultras de la commission. Réussi ? Rien n'est moins sûr. Les conservateurs campent sur leur position et prônent toujours une approche “à la lettre” des textes inhérents à la question. Ceux qui les soutiennent au sein de la mouvance islamiste ne désarment pas non plus. Lever de boucliers : les femmes revendiquent la révision de la constitution de ladite commission elle-même. En effet, taxés de misogynes, certains membres ne daignent même pas serrer la main tendue des femmes qui siègent avec eux au sein de cette commission. Au propre comme au figuré. C'est une provocation. Changer la composition de la commission pour écarter les plus intraitables en est une autre pour leurs partisans. C'est alors qu'Ahmed Raïssouni, président du Mouvement de l'Unification et la Réforme monte au créneau. D'habitude très méticuleux dans le choix de ses propos, Ahmed Raïssouni choisit, cette fois-ci, un jusqu'au-boutisme très édifiant. Dans une chronique dans “Attajdid”, dont il est le directeur de publication, le chef de file du M.U.R. et non moins leader charismatique du PJD, n'y est pas allé par quatre chemins. Il a fustigé “la pression, le chantage et la provocation auxquels la commission est soumise”. Et lui de proposer “la constitution de deux commissions”. L'une regroupant les modernistes, l'autre les conservateurs. “Chacune d'elle propose sa propre moudawana qui sera soumise à un référendum populaire”. On le voit bien, Raïssouni ne se contente pas de tirer sur l'autre camp. Mais il remet purement et simplement en question le principe même de la constitution de la commission. A savoir l'arbitrage royal. Simple coup de tête ? Pression ? Quoi qu'il en soit, il étale au grand jour les tiraillements qui divisent les membres de ladite commission. D'autant plus qu'elle a été, on s'en souvient, constituée en grande partie à la demande du PJD et ses supporters. Ceux-là mêmes qui ont tenu en échec une première commission proposée par le gouvernement de Youssoufi. Pour l'histoire, le PJD, Khatib en tête, a refusé d'y siéger arguant que le gouvernement “a écarté le Dr Mustapha Benhamza, l'un des religieux jugés très proches du Parti de la Justice et du Développement”. La prise de position actuelle de Raïssouni en dit long sur le climat régnant au sein de l'actuelle commission. Somme toute, très tendu. Non rassurant, donc, comme le voulait M'hamed Boucetta. Une question, pour conclure : la moudawana serait-elle au pied du M.U.R. ? Celui de Raïssouni, s'entend ? O.R. * Mouvement de l'Unification et de la Réforme.