Séisme d'Al Hoceïma Chafik Jalal, un des plus grands experts en contrôle technique d'ouvrages au Maroc, nous parle ici de l'urgence d'une politique de construction respectant les normes. La faillite en ce domaine a été à l'origine de l'hécatombe survenue à Al Hoceima. La Gazette du Maroc : après le tremblement de terre d'Al Hoceima tout le monde est unanime sur ce constat: les bâtiments construits par les opérateurs privés ont été plus touchés que les autres. Comment expliquez-vous cette affirmation ? - Chafik Jalal : la réponse est évidente. Le secteur public ou semi-public au Maroc est depuis longtemps organisé et s'organise actuellement de mieux en mieux. Il est normal que les ouvrages réalisés sous leur responsabilité soient mieux exécutés et par voie de conséquence mieux sécurisés. En revanche, le secteur privé ou le particulier est un secteur qui n'est pas organisé. Disons plutôt que c'est l'anarchie, hormis une poignée de promoteurs qui ont compris aujourd'hui la nécessité de s'organiser et d'offrir au consommateur un produit fini en conformité avec les règlements et les normes en vigueur au Maroc. Ce tremblement de terre met en avant la précarité de certaines constructions. Autrement dit, les normes de construction sont pointées du doigt. Quel est votre commentaire sur ce constat ? - Il ne faut pas non plus fermer les yeux sur l'incompétence et la non-qualification de certains intervenants dans l'acte de bâtir ; j'entends par là : Des bureaux d'études ou des ingénieurs non qualifiés dans le secteur du bâtiment (spécialisés en hydraulique, en électricité ou autres) qui ne refusent pas d'intervenir dans un domaine qui leur est complètement étranger (le calcul des structures). Ces bureaux d'études malheureusement, nous les rencontrons dans des projets étatiques. Si les bâtiments ne résistent pas suite à un tremblement de terre, cela peut avoir plusieurs explications dont quelques-unes, et les plus élémentaires sont : -Absence d'étude par un bureau d'études spécialisé et agréé. -Incompétence de l'entreprise qui a réalisé les travaux. -Le propriétaire est lui-même constructeur et méconnaît le domaine. - Matériaux de construction de très mauvaise qualité. - Construction sur un site non adapté. - Absence d'informations techniques sur le site, sa géologie, sa situation par rapport à son environnement immédiat et l'impact de cette dernière sur la future construction, etc … Quel rôle doit-on donner au contrôle technique pour prévenir pareilles catastrophes ? - Le rôle essentiel du bureau de contrôle est la prévention des risques. Son intervention vient en complément de tous les intervenants techniques pour justement faire respecter les normes techniques en vigueur au Maroc : prévenir les risques comme je viens de le dire et surtout contrôler la qualité des travaux d'exécution, leur conformité aux normes et aux règlements et règles de l'art de la construction. D'ailleurs, les compagnies d'assurances n'acceptent d'étudier la garantie décennale d'un ouvrage qu'après avis d'un bureau de contrôle agréé. En tant qu'expert reconnu, quels conseils pourriez-vous donner aux autorités à ce sujet ? - Notre fédération d'organismes de contrôle Copres réitère sa demande aux pouvoirs publics d'instaurer le contrôle technique requis comme cela existe dans les pays européens voisins et ce, depuis fort longtemps. Le visa sur les plans d'exécution de structures et un contrat de contrôle des études et travaux avec un bureau de contrôle agréé est indispensable au même titre qu'un contrat d'architecte. Quelques communes à Marrakech ont démarré cette initiative citoyenne et sécuritaire.