Ahmed Bendjelloun, secrétaire général du PADS La Gazette du Maroc : vous avez tenu récemment le congrès de votre parti. Qu'avez-vous apporté de nouveau au paysage politique ? Ahmed Bendjelloun : en fait, il n'y a eu rien de nouveau, ni d'extraordinaire. Nous considérons que le congrès a une fonction essentielle, celle de restructurer le parti sur le plan de l'organisation et de l'actualisation de ses orientations politiques et idéologiques. C'est seulement une étape dans la continuité de notre parti, c'est-à-dire qu'à chaque congrès, il ne doit pas y avoir de chamboulement sur le plan de nos positions ou principes. Il y a toutefois des questions qui restent à trancher après le congrès. Etes-vous toujours attachés au principe selon lequel vous constituez l'avant-garde de la classe ouvrière, même après les profondes mutations que la société marocaine a connues ? Le concept de l'avant-garde, nous y croyons toujours. Nous y sommes attachés. Seulement, le concept de classe ouvrière, de prolétariat, doit être actualisé vu, justement, les changements scientifiques et technologiques. La classe ouvrière, ce n'est plus seulement l'ouvrier en bleu de chauffe, puisqu'il y a beaucoup de travailleurs dans des secteurs d'activité que nous pouvons considérer comme faisant partie de la classe ouvrière. Vu l'évolution, la productivité et vu, surtout, les nouveaux concepts concernant le socialisme, nous avons été amenés à suivre le courant et à actualiser un certain nombre de concepts. Mais ceci dit, il faut affirmer que le peuple travailleur et ces ouvriers ont besoin d'un porte-parole, d'une formation politique qui puisse être porteuse de leurs aspirations, de leurs objectifs. Evidemment, le PADS est porteur de toutes ces valeurs. Le PADS est connu pour ses prises de position vis-à-vis des élections. Au vu de l'évolution actuelle des choses, y a-t-il des changements au niveau de votre attitude ? Pour nous, ce n'est pas ce qui se passe actuellement avec l'adoption de certaines lois qui nous fera changer d'avis. Ce qui se passe est trop maigre, en tant que dispositif, pour garantir la sincérité et la transparence des élections. En plus, il faut remarquer, pour qu'on ne dise pas de nous que nous faisons la queue pour la soupe électorale, que notre parti demeure marginalisé jusqu'à nouvel ordre et que nous n'avons pas été consultés. La vie politique est cernée par les formations soit disant représentées au Parlement. Or nous savons que ce Parlement est le fruit de la fraude électorale et de la falsification. Donc, ces partis, ce Parlement illégitime n'ont pas l'apanage de trancher sur les lois qui vont organiser les élections. Pourquoi n'avoir pas associé d'autres partis ? Par conséquent, nous ne pouvons que contester, en toute légitimité, ces lois, sans même tenir compte de leur contenu, qui est du reste insuffisant pour garantir la liberté, la transparence et la sincérité des élections. Et puis, nous posons d'autres conditions. A quoi bon avoir des élections transparentes et sincères, puisque la constitution est toujours là et ne garantit pas le cadre d'une démocratie réelle, c'est-à-dire n'assurant pas un exécutif fort, responsable de la politique du pays ? Donc le PADS s'attache toujours aux préalables à une réforme politique au Maroc ? L'introduction à une transition démocratique est la révision radicale et profonde de la constitution, qui puisse répartir les pouvoirs de façon claire, et de telle sorte que chaque institution soit responsable devant les élus du peuple. S'il y a au Maroc une institution qui est hégémonique et omnipotente, les autres ne font que de la figuration. Elles ne jouent que le rôle de comparses dans le jeu institutionnel. Donc, il faut essayer d'avancer effectivement vers une ouverture, vers une confiance en ces citoyens marocains, qui sont responsables, pour faire fonctionner les institutions dans un cadre constitutionnel clair, sans aucun paternalisme ni «patriarcalisme». Pourquoi donc ne pas militer au sein des institutions au lieu de revendiquer la réforme de l'extérieur ? Je dois rappeler que nous constituons la continuité du mouvement de libération populaire, UNFPéiste authentique. Et, à ce titre, nous avons participé aux élections de 1963 du vivant de feu Mehdi Ben Barka, même si nous étions contre la constitution de 1962. Nous avons également participé aux élections de 1976 et de 1977 avec cette idée-là. Mais nous avons considéré que celle-ci n'était pas nécessairement la bonne, parce qu'une fois dedans, les rouages du pouvoir de l'Etat, qui sont très puissants, ne peuvent pas être affrontés. Donc, il vaut mieux s'adresser aux masses populaires pour essayer de changer les rapports de force en faveur du mouvement qui aspire à édifier une démocratie dans le pays. C'est pour cela que nous préférons faire face à tous les aspects omnipotents et despotiques, si vous voulez, du pouvoir, et nous réclamons une réforme constitutionnelle pour au moins atténuer les aspects makhzéniens. Ainsi, si nous sommes amenés à participer à des élections, notre participation pourra servir à quelque chose. Nous ne voulons pas servir de décor à une forme du pouvoir qui est loin d'être démocratique. Et l'assemblée constituante. Y êtes-vous toujours attachés ? Pour nous, l'assemblée constituante est une revendication historique. Nous considérons que c'est le cadre idéal pour que nous puissions élaborer une constitution démocratique. Les consensus tentés jusqu'à présent ont tous échoué, parce que c'est antidémocratique et qu'ils ne rassemblaient qu'une partie des formations politiques. Mais une grande partie des formations réellement représentatives reste marginalisée. Même en ayant la volonté de réviser la constitution, si l'on fait appel aux mêmes partis politiques, les autres seront écartés. Alors, comment aboutir à un consensus national ? Pour nous, le cadre idéal est l'élection d'une assemblée constituante. Cette revendication semble faire peur. Je ne sais pas pourquoi le pouvoir y est hostile. Nous pouvons également envisager une autre forme de consensus, mais qui garantisse effectivement l'unanimité des forces nationales. C'est pour cela que, quand nous appelons à la constitution d'un front patriotique de lutte pour la démocratie et quand nous proposons une plate-forme minimum qui puisse être débattue par toutes les forces, nous mettons en sourdine notre revendication. D'ailleurs, le PADS a été le premier à appeler à la tenue d'une conférence nationale. Mais notre position immuable est la nécessité d'une révision constitutionnelle profonde pour responsabiliser les institutions existantes et pour qu'il n'y ait personne dans ce pays qui puisse se considérer au-dessus de la loi