Scrutin de liste à la proportionnelle Pour la première fois en quarante ans, le mode de scrutin va changer. La classe politique lance, à l'occasion, un défi à la fraude électorale. La réforme, par voie consensuelle du mode de scrutin pose problème : elle concerne l'impact de telles orientations sur la structuration du champ politique national. La réponse est délicate, c'est que les référents, en modèle et en expérience ainsi que les modalités d'intervention divergent. En défendant une relecture du mode de scrutin en vigueur depuis quelques décennies, la classe politique a jugé opportun de redéfinir sa nature : elle a, pour ce faire, délaissé un SMO (scrutin majoritaire uninominal) au profit d'une représentation politique à scrutin de liste. Pour en donner une certaine lisibilité, les acteurs politiques ont fait de la “lutte contre la fraude électorale” une devise-phare. L'argument est le suivant : le système proportionnel est fidèle dans la représentation du corps électoral. Elémentaire diraient les étudiants en sciences-Po : “l'objectif fondamental de la proportionnelle est de réduire l'écart entre la part du vote national d'un parti et sa part de sièges au parlement”. Autre argument : plusieurs nouvelles démocraties adoptent ce mode de scrutin. Cependant le système proportionnel est décrié pour moult raisons : elles se résument en deux points principaux : manque de stabilité, en raison des gouvernements de coalition avec les désavantages qu'ils traînent d'une part et le mauvais ancrage de l'élu, ou ce qu'on appelle le lien d'imputabilité géographique entre le député et ses électeurs. A ce sujet, les exemples ne manquent pas. La coalition, d'abord. Les quatre années de gouvernement composé de sept formations politiques, avec les guéguerres entre alliés et l'incapacité subséquente de mener une politique harmonieuse, ont fait mauvaise presse. Autre risque relatif aux coalitions, non encore avéré au quotidien, mais qui ne demeure pas moins envisageable. Le système de représentation proportionnelle à scrutin de liste peut fragmenter, et donc déstabiliser les partis au moment des négociations visant la formation de gouvernement de coalition. Dans le cas échéant, les petits partis peuvent prendre les grands en otages. Un cycle d'instabilité politique, à l'instar de l'Italie n'est donc pas exclu. A cela s'ajoute l'affaiblissement du lien des députés avec leur électorat. Ce qui n'est pas pour plaire, bien évidemment, aux électeurs d'une part et d'autre part aux membres des partis qui ont su s'implanter dans des fiefs électoraux. D'où cette réticence, à peine voilée, qu'on ressent chez certains cadres moyens. D'ailleurs, certains organes de presse s'en sont déjà fait l'écho. Certains parmi les élus, on ne le sait que trop, peuvent faire fi de “l'effet destructeur” du scrutin de liste sur leur lien avec les électeurs, pourvu qu'ils “passent”. Tout le problème est là, bien évidemment. Le système de liste donne trop de pouvoir aux chefs de parti et la légitimité est prisée “d'en haut”. Les chances de succès des “carriéristes” partisans dépendent en premier chef de leur capacité de se faire “admirer” par les “patrons” du parti. Avantages En raison de l'histoire peu reluisante de nos suffrages passés, liés en grande partie au système majoritaire uninominal, le scrutin de liste semble une alternative incontournable pour la consolidation démocratique. C'est là une lente maturation d'un pacte (consensus) pour rompre avec une réalité désuète. Marquée par une abstention plus qu'inquiétante et un immobilisme civique périlleux, la scène politique avait besoin d'un changement, devenu lui aussi incontournable. Car les électeurs seront plus convaincus que leurs voix auront un impact, quelle que soit son étendue sur les élections, et partant sur la vie politique. Le scrutin de liste, sous cet angle, facilite l'accès des petites formations au parlement. Les listes des partis en quête de voix comprendront, pour raison de représentativité, toutes les franges de société. Aussi, dans un système proportionnel, les chances que les femmes soient élues sont plus fortes. En principe, les partis politiques peuvent présenter le nombre de femmes qu'ils désirent faire élire, mais en pratique telle option tombe à vau-l'eau. Trois décennies de vie parlementaire sont là pour en témoigner. Car les partis placent en avant un candidat qui est rarement une femme. Au vu de la réalité nationale, deux raisons plaident pour la représentation politique à scrutin de liste : un gouvernement plus efficace qui, formé de deux ou trois pôles politiques, peut rester longtemps aux commandes. Avec bien évidemment une participation électorale élevée et une performance économique. Deuxième raison : donner une grande visibilité au partage du pouvoir entre les partis et les groupes d'intérêts. En d'autres termes : entre la majorité arithmétique détenant le pouvoir politique et la minorité détenant le pouvoir économique. Le plus grand avantage serait, enfin, la limitation de constitution de fiefs électoraux, comme c'est le cas dans le système majoritaire. Et c'est déjà beaucoup.