La ministre allemande du Travail convoite l'or des pays en difficulté et le président de la République attaque la BCE : la politique européenne d'Angela Merkel est de plus en plus contestée par les proches de la chancelière. Mercredi, le coup d'éclat est venu du président Christian Wulff, qui est sorti de ses fonctions largement honorifiques pour briser un tabou en Allemagne, à savoir attaquer la Banque centrale européenne. M. Wulff, membre du parti conservateur CDU d'Angela Merkel et qui doit son poste à la chancelière, a jugé "discutable sur le plan légal l'achat massif d'obligations de certains pays" par les gardiens de l'euro, qui ont ces dernières semaines racheté en abondance de la dette italienne et espagnole. "Sur le long terme, cela ne peut rien donner de bon", a dit M. Wulff dans un discours devant des lauréats du Nobel d'économie réunis à Lindau (sud). Bien que pressé de questions au cours de la conférence de presse ordinaire des porte-parole des membres du gouvernement, celui de Mme Merkel a botté en touche en se contentant de rappeler que le gouvernement, lui, "ne s'exprimait pas sur la BCE, que ce soit pour la féliciter ou la critiquer." Ces déclarations sont embarrassantes pour la chancelière, qui doit rassembler ses troupes en vue d'obtenir le feu vert à l'élargissement des compétences du fonds de secours européen, le FESF. "Grand oral" Or, le vote des députés du Bundestag, la chambre basse du Parlement, prévu pour au plus tard le 23 septembre, concerne justement le rachat d'obligations, qui doit être confié au FESF afin d'en décharger la BCE. Cette réforme est critiquée par certains députés conservateurs dont au moins un poids lourd, le président de la Commission des affaires intérieures, Wolfgang Bosbach. Pour ne rien arranger, Mme Merkel, qui a passé mardi soir un "grand oral" de politique européenne de plus de trois heures devant les députés conservateurs, a dû remettre à sa place sa ministre du Travail Ursula von der Leyen. Celle-ci s'est dit favorable à des garanties comme des réserves d'or ou des participations industrielles pour les Etats qui contribuent au FESF. Or, Berlin s'efforce justement de barrer la route à des négociations en ce sens entre la Finlande et la Grèce, prête à accorder une caution en numéraire en l'échange de l'aide d'Helsinki, ce qui donne déjà des idées à d'autres pays européens. Exiger des garanties matérielles en échange d'une aide "ne mène nulle part", a asséné mercredi le porte-parole de Mme Merkel, Steffen Seibert. Il a précisé qu'il y avait "eu un échange" à ce sujet dans la matinée au Conseil des ministres, et assuré que désormais Mme von der Leyen et la chancelière étaient "du même avis". Même si selon le chef des députés conservateurs Volker Kauder, il y aura une majorité en faveur de la réforme du FESF, les esprits restent échauffés, comme en témoignait la Une mercredi du Handelsblatt. Le quotidien économique affirmait que les textes élargissant les prérogatives de ce qui s'apparente de plus en plus à un "Fonds monétaire européen" étaient rédigés de telle manière que le parlement, traditionnellement souverain en matière budgétaire en Allemagne, n'aurait "plus qu'un rô le de spectateur". Or, "c'est le parlement qui doit prendre les décisions, car c'est là qu'est la légitimité", avait déjà prévenu mercredi le président Wulff. Le même rappel à l'ordre pourrait venir le 7 septembre prochain de la Cour constitutionnelle, qui doit rendre un jugement très attendu sur la première aide à la Grèce du printemps 2010, et plus généralement sur les mécanismes d'entraide en Europe. De l'avis des experts, les juges pourraient justement exiger que les procédures d'aide prévoient un rô le plus important du parlement allemand. Photo: Angela Merkel.