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L'hôpital qui tue
Publié dans La Vie éco le 31 - 03 - 2006

Les infections nosocomiales contractées en milieu de soins sont fréquentes, surtout dans le secteur public.
6% d'entre elles sont graves et peuvent être mortelles.
Leur traitement est coûteux et peut atteindre 400 000 DH pour les seuls
antibiotiques.
Une stratégie nationale adoptée et des comités de lutte
contre ces infections, les Clins, mis en place dans tous les hôpitaux.
Un guide a été élaboré.
Deplus en plus de Marocains sont atteints, à l'occasion d'un acte médical ou chirurgical dans un établissement de soins, d'infections dites nosocomiales (voir encadré), provoquées par des bactéries contre lesquelles les antibiotiques déposent les armes, et dont l'issue est parfois fatale. Les professionnels situent le taux de mortalité globale entre 10 et 80 % des patients infectés. Acinetrobacter, Pseudomonias, Escherichia Coli résistant, ces petites bêtes coûtent cher à la collectivité. Pertes en vies humaines, coût pour la collectivité, nombreux procès dans lesquels la responsabilité des établissements hospitaliers et de leurs praticiens est impliquée sont les principales conséquences de cette situation.
Au ministère de la Justice, on ne dispose pas de statistiques fiables des procès dans lesquels des praticiens ont été mis en cause mais les recours judiciaires ne reflètent pas l'ampleur du phénomène au Maroc, en raison de l'ignorance du public et du manque de transparence qui entoure ces accidents. En effet, les médecins marocains, nous confie ce professionnel de la santé, acceptent encore mal de se voir renvoyer leurs fautes professionnelles en chiffres.
20 à 25 % de «chances» d'être infecté en réanimation
Les services de réanimation, même s'ils ne représentent qu'une faible proportion des lits hospitaliers, sont les plus «dangereux». Ainsi, les personnes admises dans un de ces services courent 20 à 25% de risque de se voir infecter. Les services de chirurgie sont dangereux tandis que les services de médecine présentent des risques beaucoup plus faibles. Le risque basique d'infection qu'encourt un patient à l'occasion de son admission dans les autres services d'un hôpital varie entre 1 et 3%. Et plus le séjour des patients se prolonge à l'hôpital, plus augmentent leurs chances d'avoir de sérieux problèmes de santé, en plus de celui qui a motivé leur admission. Il faut savoir que, pour 16% de ces malades, la durée de séjour dans un établissement hospitalier varie de 21 à 40 jours contre 12 et 20 pour 17% d'entre eux, selon les conclusions d'une enquête effectuée au service de réanimation chirurgicale du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Casablanca.
Selon cette même enquête, réalisée entre 2003 et 2005 sur un panel d'un millier de malades, pas moins de 6% de ces infections appartiennent à la catégorie dite grave, qui se solde par un décès. Le taux des infections dites simples, qui ne tuent pas, tout au moins dans l'immédiat, atteint quant à lui 25%.
Les microbes incriminés constituent un vrai casse-tête pour les professionnels de la santé. Ceci d'autant plus, comme nous l'explique le Pr Abdeslam Harti, chef du service de réanimation des urgences du CHU Ibn Rochd de Casablanca, que 40% des microbes responsables d'infection grave en réanimation sont résistants aux antibiotiques habituels.
Des situations à risques
Les foyers d'infection sont par excellence ce que les professionnels appellent les «malades agressés», c'est-à-dire les patients ayant subi une importante opération chirurgicale. Constat étayé par les résultats d'une enquête réalisée à l'échelle nationale en 1994 et selon lesquels la prévalence d'infection nosocomiale augmente de 4 à 5 fois lorsque le patient vient de subir une intervention chirurgicale. La prévalence s'accroît avec la présence d'un dispositif invasif, cathéter (canule), sonde urinaire. Cette dernière est présentée comme un facteur de risque important de l'infection urinaire nosocomiale. L'autre enseignement de cette même investigation est la prédominance de la chirurgie abdominale, gynécologique, urologique et traumato-orthopédique dans la prévalence de l'infection nosocomiale.
Le nombre d'infections augmente avec le niveau de technicité de l'hôpital
Et pour avoir une idée sur l'ordre de grandeur de ce phénomène, cette même enquête, réalisée dans une trentaine d'hôpitaux du pays, recensés aux niveaux provincial et régional, en plus de structures hospitalières de dimension nationale, nous apprend que sur les 6 584 patients qui en constituaient le panel, pas moins de 561 représentaient au minimum une infection nosocomiale. Ce constat se trouve aggravé lorsque le patient est âgé ou dénutri.
L'autre facteur, tout aussi déterminant, est le degré de technicité qui accompagne les interventions chirurgicales de réanimation et de soins. L'enquête nationale situe le taux de prévalence de l'infection nosocomiale à une moyenne de 10,3% dans les structures hospitalières nationales, telles que les CHU Ibn Sina ( 9,5 %), à Rabat, et Ibn Rochd, à Casablanca (11,5%), où la technicité est plus élevée, contre 7,7% dans les établissements à vocation régionale et, enfin, un peu plus de 4% dans les hôpitaux de province. Le taux minimal est de 0,7%, le maximal de 12%, la moyenne se situant donc à 4%.
Atteinte cardio-vasculaire dans 62 % des cas, rénale dans 37 %
Les infections nosocomiales présentent différents degrés de gravité. Toujours d'après les résultats de l'enquête citée en référence, dans 62% des cas, l'infection grave donne lieu à un choc septique, à savoir à une atteinte cardio-vasculaire. Pour 37% des patients, elle a provoqué une insuffisance rénale. Les insuffisances hépatique et respiratoire ferment la marche avec respectivement 31 et 22,5% de cas. Voilà qui explique pourquoi la prévention de l'infection est devenue l'objectif essentiel des médecins dans la prise en charge des malades graves.
Les infections nosocomiales sont donc une réalité dans les hôpitaux marocains. Mais depuis des années déjà, à la faveur d'initiatives de professionnels de la santé, un débat s'est engagé sur les moyens de réduire la prévalence des infections dans le secteur public. En plus des lourdes interventions chirurgicales qui s'y opèrent, les services de réanimation des hôpitaux publics connaissent une concentration de malades dits graves et ce avec un ratio de couverture en personnel de soins insuffisant, parfois 1 pour 5 patients.
Les établissements de soins mutualistes sont parfois logés à la même enseigne, voire pire. Pour les mêmes raisons, notamment la concentration de la population.
Les cliniques privées connaissent aussi des cas d'infections nosocomiales. Rares, tient à préciser le Dr Farouk Iraqi, président de l'Association nationale des cliniques privées (ANCP). Une situation plus favorable qui s'expliquerait, selon des professionnels, par le faible nombre de malades dans les services de réanimation, sites les plus risqués, la disponibilité du personnel de soins, jugé plus compétent que celui des hôpitaux. L'autre facteur est la «sélection des malades» par les cliniques privées, qui consiste à ne pas prendre en charge les malades graves ou à se «débarrasser» de ceux dont l'état de santé se détériore en les adressant aux services de réanimation des hôpitaux publics.
Il faut un texte de loi !
Les cliniques sont légalement tenues d'avoir des protocoles de lutte contre les infections nosocomiales, explique le Dr Iraqi, admettant que «ce qui nous ferait défaut, c'est un contrôle régulier. Nous n'avons malheureusement ni les moyens humains ni matériels d'assurer un contrôle régulier».
Face à ce grave problème de santé publique, le département de tutelle a, depuis 2004, lancé les travaux d'investigation pour doter le Maroc d'une stratégie de lutte contre les infections nosocomiales. Le travail de diagnostic de la situation dans les hôpitaux du Royaume, réalisé par une équipe dirigée par le Pr Mohamed Benbachir El Idrissi, dresse un état des lieux peu rassurant. Les auteurs du rapport ont recommandé une stratégie nationale pour l'amélioration de la lutte contre les infections nosocomiales autour de cinq axes principaux, dont la mise en place d'une réglementation spécifique rendant obligatoire la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de soins, publics, privés ou mutualistes et la structuration. Jusqu'à présent, les rares structures dédiées à la lutte contre ces infections hospitalières l'ont été à titre bénévole.
Maintenant, avec l'adoption définitive, début mars, du projet de stratégie nationale, la Direction des hôpitaux nous a affirmé opérer dorénavant sur deux registres complémentaires.
– Création de Comités de lutte contre les infections nosocomiales (Clins) au niveau des hôpitaux et mise en place d'un Guide de lutte contre les infections nosocomiales.
– Vigilance par la lutte contre les infections nosocomiales, en plus de la pharmacovigilance, l'hémovigilance, la matériovigilance.
Qu'appelle-t-on infection nosocomiale ?
Une infection – investissement de l'organisme par un corps étranger, un virus, une bactérie, microbe ou champignon – est dite nosocomiale lorsque le patient ne la présentait pas à son admission à l'hôpital. Le terme «nosocomiale» nous vient du grec «nosokomeion», qui signifie «hôpital». Pour lever tout doute sur l'origine de l'infection, notamment lorsque la situation du patient lors de son admission dans une structure de soins n'est pas connue, les professionnels de la santé s'accordent un délai de 48 h pour s'assurer que ladite infection a ou non été contractée à l'hôpital. Les infections dites de plaie opératoire sont qualifiées de nosocomiales lorsqu'elles surviennent dans les 30 jours suivant l'intervention chirurgicale. Ce délai peut aller jusqu'à une année lorsqu'il y a eu pose de prothèse ou d'implant.
«Les malades et leurs familles ne connaissent pas leurs droits»
La Vie Eco. Lorsqu'un patient contracte une infection nosocomiale dans votre service, prenez-vous le soin de l'en informer ainsi que ses proches ? Pr Abdeslam Harti : On n'entre pas dans le détail de l'infection hospitalière. On fournit toutefois les explications nécessaires aux patients qui nous le demandent. Ceux-ci sont rares.
Il est une étape de l'hospitalisation durant laquelle les proches des patients infectés apprennent par eux-mêmes la nouvelle. C'est précisément au moment où nous leur demandons de contribuer à l'acquisition des antibiotiques. Des antibiotiques chers qui plus est. C'est à ce moment-là que le personnel infirmier prend le soin d'expliquer aux familles des malades infectés que les antibiotiques qui leur ont été demandés serviront au traitement de leur proche contre l'infection qu'il a attrapée dans le service. En raison du coût élevé de ces antibiotiques, l'hôpital fournit une partie des médicaments et, parfois même leur totalité, lorsqu'il en a les moyens. Il faut savoir que la facture peut atteindre jusqu'à 40 000 DH par patient. Il est des cas où ce montant varie entre 80 000 et 400 000 DH, frais d'hospitalisation inclus.
Le problème qui se pose pour nous, ce n'est pas uniquement le patient infecté, surtout lorsque nous ne disposons pas de moyens pour le traiter, mais les autres malades qui sont admis dans le même service et qui risquent de contracter le même microbe. Autrement dit, le déclenchement d'une épidémie.
La question que nous posent habituellement les proches des patients qui attrapent une infection nosocomiale dans notre service est de savoir si celle-ci est contagieuse, faisant l'amalgame avec d'autres infections telle que le sida. Ne connaissant absolument pas leurs droits, les familles des patients infectés ne posent pas les bonnes questions.
Pouvez-vous affirmer que le Maroc a marqué des points dans sa lutte contre les infections nosocomiales ?
Incontestablement. Le Maroc revient de loin dans ce domaine. Tout d'abord, nous avons des enquêtes locales et nationales sur la prévalence de ces infections. D'autre part, les équipes médicales sont de plus en plus conscientes de l'importance de la prévention contre l'infection. Le lavage des mains ainsi que le port des gants sont devenus obligatoires et systématiques pour le moindre acte de soins. Cette prise de conscience de la part des professionnels de l'importance de la prévention est capitale dans notre lutte contre l'infection nosocomiale.
Pr Abdeslam Harti
Chef du service de réanimation des urgences du CHU Ibn Rochd, Casablanca.


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