Le rapport CyclOpe plonge le lecteur dans les arcanes des marchés mondiaux de matières premières, de l'ananas au zirconium, en passant par les textiles, le soja, l'automobile ou même l'art. Au fil de ses éditions, il s'est hissé au rang de «bible» des marchés occidentaux sur cet univers particulièrement chahuté. Publiée mardi, la récente édition de ce rapport annuel offre également de précieuses analyses de fond pour 2009. Par exemple, sur les négociations du cycle de Doha de l'OMC, sur le développement des marchés du recyclage et sur le poids et la responsabilité de la Chine. Un poids de plus en plus pesant Justement, la Chine accapare la part belle des analyses de CyclOpe. Forte de sa croissance spectaculaire, elle est devenue le chef d'orchestre de la plupart des marchés de matières premières, une évolution confortée cette année par la reprise très molle des économies occidentales.La Chine est aujourd'hui le 1er importateur mondial de tous les métaux non ferreux, de laine, de caoutchouc, de soja, le deuxième de pétrole, de charbon... «Il est plus facile d'énumérer les secteurs où elle ne pèse pas» comme le blé, le café, cacao et sucre, note Philippe Chalmin, coordinateur de ce rapport annuel. De même, les Chinois influent peu sur les cours du riz, car ils sont autosuffisants. «Pour le reste, le pays est incontournable», y compris sur les marchés de l'art, du vin ou des petits métaux tels que le gallium (utilisé dans les panneaux solaires).Avec une croissance de près de 12% au premier trimestre 2010, la Chine est sans doute passée devant le Japon et occupe à présent le deuxième rang mondial des grandes puissances économiques, derrière les Etats-Unis. En 2009 déjà, elle avait détrôné l'Allemagne de sa place de premier exportateur mondial. Pékin est aussi le premier marché mondial automobile. Conséquence, l'un des rares produits à afficher au printemps 2010 un prix supérieur à celui d'avant la bulle des matières premières de l'été 2008 est le caoutchouc, à cause des pneus de voiture. Même effet pour le plomb, qui rentre dans la composition des batteries. L'arme des matières premières «La position de la Chine est devenue telle sur l'ensemble des marchés mondiaux» qu'elle détient in fine l'arme des matières premières, estime le rapport, qui évalue «sa puissance d'achat comme une véritable arme diplomatique». Le pays a ainsi accordé 60 milliards de dollars de «crédits contre pétrole et gaz» en 2009, «ramenant dans sa mouvance des pays comme le Kazakhstan et le Turkménistan». L'arme du soja a été évoquée lors des tensions avec les Etats-Unis à propos de Google ou de contrats militaires américains avec Taïwan: la Chine pourrait en effet reporter ses achats (4 à 5 millions de tonnes de soja par mois) vers l'Amérique latine. Les trois grandes sociétés pétrolières chinoises «parcourent le monde pour prendre des participations et sécuriser l'approvisionnement», note aussi Francis Perrin, l'un des rédacteurs de CyclOpe. «Elles passent des accords de prêts, financent des infrastructures, contre des engagements de livraison de pétrole ou des permis d'exploration». L'importance de la Chine se fait également sentir dans le fonctionnement des marchés de matières premières. Le pays a sur son territoire les plus importants de la planète en termes de volumes traités, qui dament le pion à ceux de New York ou Chicago. Le prix de référence pour plusieurs matières, comme le minerai de fer, est à présent celui du marché chinois.La Chine va cependant devoir gérer la coexistence sur son territoire de «l'explosion spéculative des marchés à terme» et du système des prix garantis par l'Etat dans les secteurs agricole et de l'énergie. Signe des temps, le rapport CyclOpe, épais de 787 pages, sera pour la première fois publié en chinois en septembre 2010.