Introduire sa structure en Bourse reste une opération à haut risque qui rebute encore les PME, soit plus de 92% du tissu entrepreneurial. Prenant en compte cette réalité, la Bourse de Casablanca mise sur une large campagne de communication pour convaincre les entreprises des «bienfaits» de l'institution financière. Au-delà de l'aspect «sensibilisation et communicationnel», un réel travail d'adaptabilité des PME aux exigences du CDVM reste à faire. Pourquoi la bourse continue- t-elle à rebuter les PME nationales? C'est une question que l'on se pose depuis quelques années déjà. Malgré la mobilisation des acteurs financiers, la place boursière peine à séduire les entreprises qui sont de moins en moins nombreuses à «prendre le risque d'une introduction en bourse». Le terme risque est ici assez révélateur puisque ce dernier revient dans la plupart des témoignages des chefs d'entreprises interrogés sur la question, ces derniers considérant la place boursière comme un «un outil de spéculation». En effet, introduire sa structure en bourse reste une opération à haut risque qui rebute encore les PME, soit plus de 92% du tissu entrepreneurial. Du côté de la bourse, cette catégorie d'entreprise, la plus importante du tissu économique national, a un important rôle à jour dans la dynamisation de la place boursière. Comment donc mettre un terme à ces réserves, essentiellement dues à un manque de confiance latent? La rencontre entre les responsables de la bourse de Casablanca et les membres de la CGEM, qui doit avoir lieu aujourd'hui, tentera d'apporter des éléments de réponse à cette question. L'objectif de cette manifestation est en effet de «sensibiliser» les entreprises à l'importance ainsi qu'à l'impact qu'une introduction en bourse peut avoir sur l'activité même de la PME. Ce pari ne semble pourtant pas gagné d'avance. Comme l'explique Dounia Taarji, représentante de la CGEM au comité exécutif de la Fondation pour l'éducation financière: «les entreprises perçoivent le fait d'entrer en bourse comme une perte de contrôle. Il faut déjà leur expliquer qu'entrer en bourse, c'est mettre une partie de leur capital entre les mains de dizaines de milliers de petits porteurs et non pas le vendre à un associé qui viendra s'ingérer dans leurs affaires au quotidien». La plupart des patrons de PME ont, en effet, vécu une mauvaise expérience avec un associé qu'ils craignent de réitérer, ce qui pourrait bien expliquer en partie cette réticence. Au-delà de ce niveau d'analyse, il est nécessaire d'envisager une réelle sensibilisation des patrons de PME aux différents mécanismes de valorisation. «La bourse permet à ces structures de lever des capitaux de fonds propres leur ouvrant de nouvelles pistes de développement pour leur entreprise», souligne Dounia Taarji. Jusque-là, tous les canaux de promotion semblent dirigés vers la sensibilisation à l'outil «bourse», omettant une réflexion essentielle voire même centrale: celle de l'adaptation des PME au mode de fonctionnement de l'institution boursière. Problème de compatibilité Gouvernance, transparence, rapports réguliers. Tous ces éléments ne font pas systématiquement partie du quotidien des Petites et moyennes entreprises. C'est essentiellement là que le bât blesse, et les efforts devront être focalisés sur eux. Si intégrer le marché boursier peut en effet représenter une manne financière dont l'apport reste non négligeable dans le financement de l'activité de l'entreprise, il n'en demeure pas moins que se conformer aux exigences du CDVM ne reste pas une mince affaire. La prise de décision même d'une introduction en bourse suppose, pour une structure, le respect de certains critères rigoureux. Dans son guide pratique pour l'introduction en bourse, le CDVM met en effet en tête de liste «la tenue de réunions des organes de gouvernance et des organes sociaux, et une mise en harmonie des statuts avec la législation et la réglementation en vigueur». Dans ce sens, les statuts doivent être conformes à la législation et à la réglementation applicables aux sociétés faisant appel public à l'épargne et aux sociétés cotées à la Bourse de Casablanca, ce qui suppose du côté des PME un considérable effort d'adaptation. À cela s'ajoute la préparation des états financiers qui doit mettre à la disposition de l'organe de régulation une analyse détaillée de ses comptes historiques, ces derniers devant couvrir au moins les trois derniers exercices clos. Enfin, un détail de taille qu'il ne faut pas non plus négliger, à savoir «la préparation de l'équipe managériale de la société à gérer une entreprise cotée». L'équipe managériale doit, en effet, être capable de «poursuivre les objectifs de croissance de la PME et de réussir les principaux projets de la structure, ceci en répondant aux exigences incombant à une société faisant appel public à l'épargne en matière d'information financière». En prenant conscience de tous ces impératifs et en connaissant les principales difficultés rencontrées par les PME aujourd'hui (financières, organisationnelles, déficit en ressources humaines), un réel travail de fond devra être réalisé en amont, au-delà même d'une simple communication tous azimuts.