Rida Lamrini Président de la fondation du jeune entrepreneur Les ECO : Quelles raisons ont motivé la création de la Fondation des jeunes entrepreneurs ? Rida Lamrini : Tout d'abord il faut noter que la création de la Fondation pour les jeunes entrepreneurs est venue d'une idée personnelle qui repose sur des observations et expériences concrètes. C'est aujourd'hui une fondation qui se positionne au service des jeunes entrepreneurs. Cela implique que notre travail est aujourd'hui focalisé sur l'accompagnement des jeunes qui ont des idées et qui ne demandent qu'à être concrétisées. Il y a clairement un certain nombre de freins, notamment l'écosystème, le financement ou le foncier, qui ont pour une raison ou une autre empêché ces jeunes de concrétiser leurs idées. Ces problèmes sont toujours les mêmes et nous les connaissons depuis plusieurs années. Aujourd'hui, nous ne pouvons plus attendre que ces problèmes soient résolus, que l'écosystème change, pour développer l'entrepreneuriat des jeunes. Qu'apportez-vous concrètement à ces jeunes ? Il y a une absence de structures d'accompagnement qui aident les porteurs de projets à concrétiser leurs idées. Il ne s'agit aucunement là de faire le travail à la place de ces jeunes, mais plutôt de les orienter afin qu'ils réalisent eux-mêmes le travail. Beaucoup de jeunes n'arrivent pas à formaliser leurs idées pour convaincre les banquiers ou les investisseurs. C'est ce que nous essayons de leur inculquer parce que nous considérons que c'est l'un des véritables problèmes de ces jeunes. L'idée est donc simple: aider les jeunes qui réunissent toutes les conditions qu'ils doivent avoir pour devenir des entrepreneurs. Par ailleurs, pour réussir une mission comme la nôtre, cela n'est possible qu'à travers des structures de proximité. C'est pour cette raison que nous avons au niveau de notre fondation des maisons de l'entrepreneur implantées dans plusieurs villes autres que Casablanca et Rabat. Ces structures sont équipées et disposent d'experts en entrepreneuriat à même de pouvoir accompagner les jeunes des régions dans lesquelles elles se situent. Nous espérons pouvoir ouvrir de nouvelles antennes dans d'autres régions à l'avenir. Quelles sont justement ces conditions ? D'abord, il faut avoir une idée de projet, mais il ne suffit pas seulement d'y réfléchir, mais également de la porter, d'y croire et de rêver de cette idée. Il faut en effet se projeter dans l'avenir avec son projet et se voir dans sa concrétisation. Si on n'a pas cela, il ne faut même pas parler d'entreprendre. Ensuite, il faut avoir une expérience dans le domaine dans lequel on souhaite entreprendre. Nous avons vu beaucoup de jeunes porteurs de projets vouloir investir un secteur ou une activité qui leur est complètement étrangère. Logiquement, cela ne va pas marcher et on se retrouve avec un projet mort-né. Il faut avoir un minimum de savoir-faire, d'expérience ou de connaissance du marché pour pouvoir réussir son projet et puis, le troisième critère est bien évidemment le sérieux et la prise de conscience que l'entrepreneuriat n'est pas une solution de rechange mais un engagement qui demande des sacrifices. Une fois que ces trois conditions sont réunies chez un jeune, on ne peut que l'accompagner. Justement, de quoi ont besoin les jeunes entrepreneurs aujourd'hui ? D'après notre expérience, le jeune entrepreneur n'a pas besoin d'assistanat ou de charité. Il a surtout besoin d'expertise technique pour qu'il parvienne à transformer son idée en un projet bancable. Il a donc besoin d'une formation même basique sur ce qu'est l'entreprise, ce qu'implique sa gestion, les risques que prend l'entrepreneur. Bien sûr, nous ne pouvons pas lui inculquer un programme de Master en gestion ou autre, mais surtout lui permettre d'acquérir des règles élémentaires qu'il faut avoir en osant le pas de l'entrepreneuriat. Ce n'est qu'à partir de là que l'on peut attaquer les études de faisabilité et les business plans... en lui apportant l'appui qu'il faut pour qu'il puisse les réaliser. Une fois cette étape franchie, ce sera aussi une grande partie du chemin qui aura été traversée, en transformant un porteur d' idée en un porteur de projet. Dès lors, nous arrivons à la phase que nous surnommons le bac de l'entrepreneuriat. C'est quand il s'agit de trouver le financement. C'est le bac parce que si cette étape est franchie, alors c'est un nouveau parcours qui attend le jeune. Maintenant, au niveau de la fondation, nous croyons fort que même en réussissant ces étapes le projet ne marche pas, il ne faut pas s'en plaindre puisque l'échec n'est jamais une honte. Au contraire, si le projet ne réussit pas, il aura au moins servi d'expérience qui permettra aux jeunes de mieux rebondir. Il ne faut surtout pas prendre l'échec comme une fin en soi, mais plutôt un événement qui permet d'enrichir l'expérience du jeune et lui permettra à l'avenir de mieux aborder ses projets. Est-ce que vous prévoyez d'impliquer de grandes entreprises dans votre action pour qu'elles apportent un parrainage à ces jeunes ? Pour l'instant, nous ne sommes pas accompagnés par les entreprises. Ce que nous espérons surtout, c'est qu'une initiative comme la notre puisse encourager ces entreprises à faire preuve d'un accompagnement pour ces jeunes selon la formule qu'elles jugent utile : financement, parrainage, conseil ou même des relations commerciales. Ce n'est qu'en multipliant les initiatives que l'on pourra réellement aider ces jeunes. Les résultats que nous avons obtenus, avec notamment 150 projets qui ont effectivement vu le jour, pourraient être un encouragement. Tenant compte de cela, où situez-vous le forum de l'entrepreneuriat des jeunes que vous préparez ? Il faut dire que l'idée d'organiser le forum que nous avons eu n'aurait pu se concrétiser sans le soutien de nos partenaires OCP et Crédit Agricole. Notre approche est simple pour cette première édition du forum, c'est se démarquer des autres événements qui traitent des problèmes de l'entrepreneuriat, qui ont certes leur utilité mais nous voulons apporter autre chose. Notre ambition est de réunir des intervenants et des entreprises qui partageront leurs expériences en accompagnement des jeunes entrepreneurs. Cela permettra de faire le tour des pratiques et outils auxquels ils ont eu recours pour réussir ce challenge. Le but est donc d'enrichir l'arsenal des méthodologies en matière de promotion des jeunes entrepreneurs. Pour ce qui est du thème, nous avons choisi de nous focaliser sur l'entrepreneuriat dans le milieu rural. Cela ne veut pas dire pour autant que nous nous consacrons aux zones purement rurales à vocation agricole. Il s'agit surtout des régions et sous- régions, même urbaines, ne disposant pas des infrastructures et des moyens à même de permettre à leurs jeunes de se développer en entrepreneurs.