Il en existe 442 sur un total de 698 entreprises et établissements publics, ce qui pose la question de leur management et de leur efficacité. Besoin de plus de transparence concernant la rémunération des administrateurs des EEP ainsi que leurs profils et missions Sur les 698 entreprises et établissements publics que compte le Maroc (chiffres de 2016), 442 sont des filiales. Une telle inflation de filialisation pose aujourd'hui la question de l'efficience des mécanismes d'extension de l'Etat. En seulement 10 ans, entre 2004 et 2014, l'Etat a créé 40 EEP, 22 sociétés en SA et, tenez-vous bien, 280 filiales à participation. Ce qui pose la question de la gouvernance de cet armada de structures étatiques en relation avec le triptyque reddition des comptes, probité et transparence tel que stipulé par la Constitution de 2011. Pour Mohamed Kamal Daoudi, qui intervenait mardi à Rabat, lors d'une conférence organisée par l'Institut marocain des administrateurs (IMA), cette multiplicité des filiales EEP mérite réflexion. Ce magistrat, président de la quatrième Chambre de la Cour des comptes, n'y va pas par le dos de la cuillère lorsqu'il exorcise les maux de la gestion étatique des EEP. Cinq ans après la promulgation du Code de gouvernance des EEP, Daoudi n'a pas senti de changement majeur en matière de pilotage et de contrôle étatique des EEP. Il a évoqué un mille-feuille juridique ou le formalisme prime et le souci de rentabilité est relégué au second plan après les considérations d'ordre social. Le seul verrou qui fonctionne dans ce cas de figure concerne les transferts budgétaires aux EEP où le ministère de l'Economie et des finances souligne son ascendant. Un CA de 31 MMDH Quant au mécanisme de gestion via un contrat-programme, l'expérience a montré qu'il vient toujours suite à une crise. Les exemples de l'ONEE est éloquent à ce niveau. Certes, les EEP réalisent un chiffre d'affaires de 31 MMDH, emploient 131.000 personnes, mais sa gouvernance reste problématique comme l'a souligné un récent rapport de la Cour des comptes sur la gouvernance des établissements publics. Daoudi estime qu'il n'y a pas encore de pilotage stratégique du portefeuille public par l'Etat. Même le rapport sur les EEP qui accompagne le projet de loi des Finances mérite d'être revu dans la mesure où il met dans le même panier les entreprises publiques et sociétés de prévoyance sociale, ce qui risque de fausser la conception de ce que l'on veut mener comme stratégie de mise à niveau des EEP loin de toutes les autres interférences. C'est justement cette approche managériale qui manque à l'appel et qui provoque une confusion d'objectifs entre ce qui est social, financier et économique. Enfin, une absence de politique actionnariale de l'Etat. Daoudi pousse encore le débat encore plus loin en affirmant que les conseils d'administration des EEP sont surdimensionnés avec des profils inappropriés et une capacité de prise de décision assez faible. Pour Abdessamad Saddouq, membre du Conseil national de Transparency, le fait que les conseils d'administrateurs des EEP contiennent 18 membres reste un chiffre énorme comparé à celui de la SA qui est de 12 et de 15 pour les sociétés cotées. Saddouq qui a fait partie de la cheville ouvrière des rédacteurs du Code de gouvernance des EEP, en vient au fait que la prise de décision au sein de ces CA reste soumise à la validation du ministère de l'Economie et des finances. Ce qui diminue drastiquement l'autonomie du management des EEP, toujours sous la tutelle rapprochée des représentants des finances. En effet, deux des trois missions phares de l'Etat (actionnaire, contrôleur et stratège), à savoir les deux premières, se trouvent entre les mains du ministère de l'Economie et des finances. Saddouq a mis l'accent par ailleurs sur l'absence de lettres de mission que pourtant le Code de gouvernance des EEP recommande et qui permettraient de définir les projets sur lesquels les administrateurs doivent se pencher en priorité. Le responsable est allé plus loin en critiquant même le Code de gouvernance qui, selon lui, n'est pas suffisamment clair en matière d'accès à l'information. Surtout pour les entreprises privées qui soumissionnent aux appels d'offres et qui ont la peur au ventre chaque fois qu'elles veulent s'enquérir de certaines clauses ou informations spécifiques. Cette culture conservatrice continue en effet de compromettre l'ouverture des EEP sur leur environnement économique. «Les sociétés privées n'osent pas dénoncer un abus ou simplement demander ce que la loi leur permet», confirme le responsable. Pré-requis managériaux Abdessamad Saddouq a qualifié d'exagéré le fait que les administrateurs puissent accéder à 7 mandats. Il a aussi critiqué le secret qui entoure la rémunération des administrateurs et la levée de boucliers rencontrée à ce propos lors de la préparation du Code de gouvernance des EEP. Parmi les recommandations exprimées par le président de la quatrième chambre de la Cour des comptes figure celle importante de professionnaliser les conseils d'administration des EEP avec des descriptifs de postes. Pour Kamal Daoudi, il faut un minimum de pré-requis managériaux comme un audit interne opérationnel, une bonne gestion des risques et une culture de performance pour améliorer l'image des EEP et les rendre plus efficaces.