Blasphématoire ? Est-ce la raison pour laquelle a-t-on retiré la semaine dernière de la salle casablancaise Megarama le premier long métrage de Mohamed Achaouer «Un film...» ? La question se pose depuis quelques jours déjà, créant le débat dans un paysage culturel assez morose. Tout a commencé lorsque le réalisateur apprend que son film, à l'affiche depuis le 2 novembre, a été retiré sans atteindre une semaine -le seuil minimum d'un film dans une salle obscure. «Mardi, les affiches étaient toujours accolées, mais le film retiré de la programmation... Les caissières ont reçu l'ordre de ne pas vendre les tickets du film durant toute la journée», affirme Achaouer. Les responsables du Megarama, eux, rejettent catégoriquement la version avancée par le cinéaste. «Le film en question a été programmé du 2 au 8 novembre. Le directeur a décidé de le retirer parce qu'il n'a pas enregistré les recettes escomptées», nous précise une responsable du complexe cinématographique, qui a préféré garder l'anonymat. Une explication qui n'arrive point à satisfaire la curiosité du réalisateur. «Ce que les responsables de Megarama n'osent pas dire, c'est qu'ils ont cédé à la pression de certaines personnes qui n'ont pas aimé le film et qui l'ont manifesté d'une manière assez violente devant la salle. Le même scénario s'est d'ailleurs produit à Tanger où le film a été retiré», nous explique-t-il.Lauréat de deux prix au dernier Festival national du film de Tanger, soutenu «moralement» par le CCM (Centre cinématographique marocain), présent au marché du film à Cannes 2011, « Un film...», interdit au moins de 16 ans, dresse un portrait -très réaliste- d'un jeune réalisateur à la recherche de l'idée parfaite de son premier long métrage. À travers ce personnage (interprété par Achaouer lui-même) et son entourage (sa femme et son meilleur ami, interprétés respectivement par Fatym Lyachi et Fahd Benchemessi), le metteur en scène diagnostique les maux dont souffre la société marocaine. Schizophrénie, hypocrisie... sont autant de thèmes abordés dans le film. La religion, le sexe et la politique demeurent toutefois les trois piliers du scénario de ce long métrage, ovationné chaleureusement lors de sa projection devant la presse nationale il y a trois semaines. «Le fait de s'adresser au public marocain d'une manière frontale, de lui montrer ses vrais problèmes, de ne pas le caresser dans le sens du poil n'a pas du tout été apprécié. C'est malheureux, mais c'est le cas», ajoute Achaouer. Que le film ne soit pas un succès commercial ne semble point déranger le jeune réalisateur qui confirme que cela fait partie du jeu. «Ce qui est lamentable, c'est le fait de céder à la pression d'une minorité et de ne pas se soucier de la liberté d'expression». Révolté, Achaouer ne compte pas rester les bras croisés face à cette situation confuse. Des pourparlers avec certains propriétaires de salles de cinéma sont déjà entamés. Une démarche qui s'avère périlleuse. «Vous savez, le propriétaire du cinéma Ritz a refusé par exemple de programmer le film pour éviter les problèmes... Franchement, j'ai peur que mon film n'ait pas la chance d'être vu».