Energies intégrées ou intégration énergétique, les expressions et les discours se valent... et les volontés, aussi, des gouvernements de la région MENA. Toutefois Les concrétisations tardent, au même moment où les projets foisonnent de part et d'autre des frontières depuis ces cinq dernières années, donnant plus de place à la compétition qu'à la coopération régionale. Hier, à Marrakech, les potentiels d'une intégration régionale dans le secteur des énergies renouvelables ont été examinés, tournés et retournés dans tous les sens par plus d'une centaine d'experts, d'opérateurs privés et d'autorités publiques de la région et du monde. La nouveauté, nous la chercherions peut-être dans le contexte, qui cacherait les réelles portées de ce cinquième forum du MENAREC. L'évènement se tient en effet... cinq après le précédent ! Un chapelet de projets industriels sont déjà sortis de terre depuis 2007, année de la 4e édition, dans plusieurs pays de la région et d'autres sont à un stade de développement très avancé. La phase de détermination des politiques et stratégies est donc bien dépassée. Fin 2011, toutes les économies de la région s'étaient déjà fixées des objectifs quantitatifs dans ce secteur et 90% d'entre elles ont même mis en place une agence ou structure dédiée. L'heure est déjà à l'opérationnel dans plusieurs de ces économies, dont le Maroc en l'occurence. Gisements désormais exploitables Sur cet aspect, justement, Fouad Douiri, ministre de l'Energie, des mines et de l'environnement, ne cache pas son impatience pour une intégration des nouvelles énergies de la région MENA, et plus particulièrement maghrébine. «Le fort potentiel des énergies renouvelables dont dispose la région et les grandes avancées réalisées ces dernières années, rendent ces gisements parfaitement exploitables dès à présent», déclare-t-il à la tribune d'ouverture de cette manifestation. L'autre enjeu, lié toujours au contexte international est purement stratégique et concerne directement le Maroc, pays hôte de cette édition 2012. Cela porte en effet sur le positionnement dans la région, notamment sur le secteur des énergies renouvelables (EnR). L'évènement offre en tout cas une parfaite visibilité à la stratégie énergétique du royaume, ainsi qu'aux projets y afférents dans le secteur des EnR. Cela s'inscrit dans un contexte où les investissements privés – qui constitueraient le troisième grand enjeu de cette rencontre – ne cachent plus leur frilosié vis-à-vis des marchés de la région. Cette région est caractérisée ces dernières années par un paradoxe déconcertant : les meilleures opportunités du monde dans le secteur des EnR, mais aussi les plus grands risques d'instabilité. Le nerf de la guerre La question financière est en effet l'une des plus difficiles à résoudre et qui prend le plus de temps à trouver des réponses adéquates. En effet, à une échelle régionale, les observateurs du secteur semblent être unanimes sur ce constat : «La synergie public-privé en mesure de propulser ce secteur n'est pas encore acquise». L'implication des secteurs privé et bancaire, en l'occurrence, reste bien timide, malgré les nombreuses initiatives lancées ces dernières années dans la région. En chiffres, les transactions financières intrarégionales réalisées en rapport avec des projets d'EnR, ne dépassent guère la barre du milliard de dollars par année, depuis 2009. Sur la période 2004-2011, seuls 36% des projets lancés dans la région ont été financés via des prêts concessionnels de banques de développement multilatérales, 16% par des dettes commerciales et uniquement 9% par des fonds propres privés. En passant toujours par les chiffres, seules 60% des économies de la région disposent d'instruments financiers favorisant les EnR. Toutefois, des perspectives positives s'ouvrent. D'après plusieurs experts présents à ce cinquième Menarec, les projets à venir pourraient également être financés par des fonds souverains et par des obligations islamiques. Ces nouvelles tendances de mécanismes de financement ont déjà concerné près de 17% des projets énergétiques et électriques – de sources fossiles – dans la région en 2011. Fouad Douiri, ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnnement Cette rencontre pourrait servir à examiner, de façon très significative, l'opportunité que pourraient constituer les énergies renouvelables, notamment dans le contexte particulier de la redynamisation de l'Union pour le Maghreb. Une intégration dans ce domaine devrait répondre à deux grandes conditions. La première est liée à l'établissement d'une vision politique et stratégique partagée par tous les pays de la région. Pour cela, il est vrai que les nouveaux politiques au pouvoir gouvernemental, dans l'ensemble de ces pays, dont le Maroc, semblent bien conscients de cet aspect. La seconde condition est relative aux intérêts économiques qui pourraient découler d'une coopération régionale avancée dans ce domaine. Le fait de rassembler des marchés permettrait de créer une certaine synergie, notamment sur des leviers très importants, tels la formation, la recherche et le développement, ainsi que l'intégration industrielle dans les différentes filières. Aujourd'hui, s'il fallait installer des usines pour fabriquer des composants, il est quasi certain qu'un seul marché local risquerait d'être limité, là où un marché régional serait, en revanche, plus important. Le second volet illustratif de cet intérêt économique serait en relation avec la production électrique elle-même. En électricité, on investit pour arriver à couvrir des pointes de consommation et sécuriser ainsi l'approvisionnement du pays. Pour le cas précis du Maghreb, ces heures de pointe ne sont pas les mêmes, d'un pays à un autre. Une intégration complète des réseaux de ces pays, permettrait ainsi de mieux honorer les demandes au niveau de chacun d'eux. Tous ces exemples montrent en tout cas que les seuls coûts d'investissement – souvent très élevés dans ce secteur – peuvent ainsi être étalés à travers une synergie régionale concrète.