Face à la montée en puissance de l'intelligence artificielle, les géants technologiques changent de stratégie financière. Désormais, ils n'hésitent plus à recourir massivement à la dette pour financer leurs investissements colossaux. À l'image de Meta, qui vient de lever 30 milliards de dollars, cette tendance, encore rare il y a peu, séduit les marchés, rassurés par la solidité des bilans et les perspectives de croissance. Une mutation profonde dans l'économie de l'innovation. Meta a marqué les esprits jeudi en levant 30 milliards de dollars sur les marchés obligataires, une opération d'envergure inhabituelle pour un géant technologique, mais de plus en plus courante dans le contexte d'une course effrénée à l'intelligence artificielle. Malgré un plongeon de 11% de son action à Wall Street, la demande pour sa dette a été quatre fois supérieure à l'offre. Cette émission, avec des maturités allant jusqu'à 40 ans, vise à alimenter la stratégie d'investissement massive dans l'IA, qui absorbe chaque année plusieurs dizaines de milliards chez Meta, comme chez ses rivaux. Pour les analystes, la Bourse réagit aux dépenses jugées sans limites de Mark Zuckerberg, mais les marchés de la dette, eux, restent conquis. Meta a obtenu des taux parmi les plus bas pour une entreprise de sa catégorie. En dépit d'une charge fiscale exceptionnelle, Meta a affiché un bénéfice net trimestriel de 18,6 milliards de dollars, surpassant à lui seul General Motors, Walmart, Netflix et Visa réunis. Ces performances rassurent sur la solidité du groupe, renforcée par des actifs tangibles comme les centres de données et les puces électroniques, utilisés comme garanties. D'autres acteurs comme Oracle suivent la même voie : après avoir levé 18 milliards en septembre, le géant texan s'apprêterait à mobiliser 38 milliards supplémentaires via les banques. Meta, de son côté, a annoncé un partenariat avec Blue Owl Capital pour créer une coentreprise dédiée au développement de centres de données, avec 27 milliards de dollars mobilisés à cet effet. Cette ruée vers la dette reste cependant hors de portée des stars montantes de l'IA comme OpenAI, Anthropic ou Perplexity, qui restent lourdement déficitaires. Pour elles, l'accès aux marchés obligataires est encore trop risqué et coûteux. À l'heure où les taux directeurs baissent, les géants de la tech préfèrent préserver leur trésorerie – même si Meta devrait générer plus de 100 milliards cette année – et profiter de conditions de financement favorables pour bâtir une infrastructure IA à la hauteur de leurs ambitions.