La situation au Mali demeure préoccupante et d'aucuns pressent le Maroc à monter au créneau pour trouver une solution à cette crise. Eclairage. Le Chef du gouvernement Abdelilah Benkirane et le ministre d'Etat Abdellah Baha recevant une délégation malienne présidée par le Premier ministre Cheick Modibo Diarra le 6 juillet 2012 à Rabat. En signant en 1963 l'acte d'adhésion à la charte de l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), devenue par la suite l'UA, le Maroc avait émis expressément une forte réserve sur un paragraphe significatif concernant une prétendue « intangibilité des frontières héritées du colonialisme » ! Ahmed Balafrej, alors ministre des Affaires étrangères et chef de la délégation marocaine à Addis Abéba, exprimait à ses confrères africains l'insistance du Maroc à prendre en compte ce qui deviendrait plus tard la revendication essentielle, à savoir la récupération de ses territoires, ses frontières internationales et son intégrité territoriale. Il ne croyait pas si bien dire ! Un autre pays, fédéré au Sénégal jusqu'en 1960 , était aussi concerné par la même clause. Colonie française, il s'appelait le « Soudan français » avant de devenir en septembre 1960 le Mali...proclamé Etat indépendant sous la conduite de Modibo Keita... Sous le spectre d'Al-Qaïda Cinquante-deux ans plus tard, le voilà qui subit une grave sécession dans le nord, voilà qu'il est lui aussi victime du syndrome séparatiste, similaire à ce que le Maroc a combattu et ne cesse de combattre encore. Or, sous la pression de la majorité des Etats d'Afrique, dont le Maroc, et des membres de la CEDEAO , le pouvoir malien actuel, confronté à une tragédie, vient de se doter d'un nouveau gouvernement représentatif , avec mission de stabiliser le pays. Et ce n'est pas par hasard que le communiqué publié à cet effet à Abuja, siège de l'organisation économique, souligne « que le nouvel exécutif, réclamé par les médiateurs de la Cédéao, devra notamment assurer la stabilisation de la transition, le rétablissement de l'unité et de l'intégrité territoriale du Mali et la conduite d'élections libres, équitables et transparentes au cours de la période de transition ». L'intégrité territoriale est au centre de la doléance, quand bien même elle serait, en apparence, glissée au cœur d'un énoncé. A vrai dire, les responsables africains se soucient de plus en plus de la manière de procéder pour rétablir l'intégrité territoriale du Mali. Si déterminé soit-il, le nouveau gouvernement malien ne peut à lui seul lancer une offensive pour libérer le nord, désormais entre les mains des islamistes de Anssar Eddine et du MLNA, infiltrés, pis : pris en mains par al-Qaïda et Aqmi... La Libye déclencheur de cette crise La géopolitique nous apprend que la carte des sols , autrefois découpée et retracée à loisirs par les colonisateurs, constitue de nos jours une véritable bombe à retardement qui n'a pas fini d'exploser. Nous vivons toujours sous le cruel précepte de Carl von Clauzewitz, théoricien prussien de la guerre qui écrivait que « la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens... » ! Membre de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) , le Mali connaît depuis plusieurs mois la plus grave crise de son histoire, politique, économique, sociale et humaine. Sa population, à peu près 15 millions d'âmes, représente une mosaïque d'ethnies au sein desquelles les Touaregs tiennent une place déterminante. Or, ces derniers avaient été victimes des fantasmes de Mouâamar Al Kadhafi qui, jusqu'au dernier avant sa mort, les instrumentalisait et leur promettait un « Etat et une nation », leur fournissant de l'argent, des armes et un soutien à toute épreuve...Les touaregs vivent comme de vrais nomades, ils se déplacent d'une frontière à l'autre, n'ont jamais de point fixe et peuvent revendiquer une appartenance à la fois au Mali, au Niger, au Burkina Fasso et à l'Algérie... Quelques mois après la fin de la guerre de Libye, ils sont des milliers à quitter ce pays, à franchir la frontière nord du Mali, à bord de véhicules militaires récupérés dans les arsenaux de Kadhafi. Désormais, les touaregs décident de s'organiser et accaparent le nord du Mali, à la barbe du pouvoir. Les violences deviennent monnaie courante, et la destruction des monuments historiques , symbole d'une civilisation du Mali, en est l'illustration. A telle enseigne que le gouvernement marocain, le tout premier, a réagi début juillet en appelant la communauté internationale à réagir. Un communiqué est publié pour affirmer que « le royaume du Maroc suit «avec une grande préoccupation les développements dangereux qui se poursuivent au Mali frère et qui ont entraîné la destruction volontaire de sites historiques, culturels et religieux dans l'ancienne ville de Tombouctou», ajoute le communiqué. Ces actes constituent «une atteinte au patrimoine culturel et civilisationnel du peuple malien et aux sites inscrits depuis 1988 sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco». Le Maroc défenseur du patrimoine malien Il reste que le Maroc ne met pas en garde la communauté mondiale contre la seule destruction des sites historiques , il évoque « l'insécurité et l'instabilité » à laquelle est exposée la région du Sahel et du Sahara. Soulignant «la gravité de la situation sécuritaire prévalant dans la région Sahélo-saharienne et sur ses répercussions sur la paix et la stabilité dans toute la région», le Maroc appelle à une «action déterminante et une coopération sérieuse sur les plans régional et international» pour y mettre fin. Tombouctou, Gao et autres provinces du Mali représentent un véritable trait-d'union historique avec le Maroc. L'interpellation du Maroc, timide et informe aujourd'hui, pourrait se muer en une action diplomatique majeure, souhaitée par certains... Depuis le sultan Ahmed Mansour Eddahbi, notamment depuis 1589 jusqu'au XIXème siècle, en passant par le sultan Moulay Ismaïl, des liens profonds attachaient le Maroc à l'actuel Mali, où était nommé un pacha par les rois du Maroc, où la prière fut régulièrement dite au nom de ces derniers. Les populations de Gao et de Tombouctou prêtaient également le serment d'allégeance aux rois du Maroc. L'histoire commune, écrite à l'épreuve des conquêtes et des rattachements, témoigne depuis des siècles d'une communauté de destin maroco-malienne. La colonisation française n'a pas pu la changer, la route du commerce qui partait de Marrakech jusqu'à Tombouctou et traversait le Sijilmassa, le Niger et de longs territoires porte encore la marque de la présence d'un Maroc qui a joué un rôle centrale dans l'unification des peuples. Ils sont beaucoup de Maliens, officiels ou simples citoyens , à réclamer aujourd'hui un « rôle agissant » du Maroc. * Tweet * *