Le cinéma, ultime contre-pouvoir face à la montée des extrémismes, est bien le dernier bastion, le « Dernier maquis » (Film de Rabah Ameur-Zaïmèche), contre l'intolérance, car « l'art et la culture empêcheront toujours l'horreur de se nicher dans les esprits », rappellerait Narjiss Néjjar. Aujourd'hui, les réalisateurs marocains, comme Kamal Hachkar ou encore Nabil Ayouch, ont démontré par leurs œuvres, qu'ils sont des esprits libres et résistants. Si le documentaire « Tinghir-Jérusalemem, les échos du Mellah », récompensé par le prix de la première œuvre, recueille la voix de la communauté juive du village berbère de Tinghir, ayant quitté l'Atlas au plus fort des années 50 et 60, « Les chevaux de dieu », couronné par les prix de l'image et de la musique, humanise la parole des inconsolés, des ténébreux, des oubliés de Sidi Moumen. Déjà, samedi 9 février, les quatre comédiens, Abdelhakim Rachid, Abdelilah Rachid, Ahmed El Idrissi Amrani, Hamza Souidek, et le cinéaste, ont relevé l'efficience du débat qui a suivi la projection du film évènement, sorti sur les écrans le 6 février dernier. « Nous sommes accoutumés à voir des terroristes totalement déshumanisés, brossé par des films américains, j'ai voulu montrer le cheminement de ces jeunes garçons et m'attarder sur leurs destins », a précisé Nabil Ayouch. On sent manifestement l'auditoire et les mémoires encore à vif, depuis les attentats qui ont frappé dans leur chair les Marocains, le 16 mai 2003 à Casablanca. Abdelamajid, jeune cinéaste algérois et aujourd'hui, tangérois, nous rappelle la douleur qu'il a vécu dans son pays, l'Algérie, durant la décennie noir, « Les chevaux de dieu est un film magistral, qui m'a ramené à ce que j'ai vécu pendant 28 ans à Alger », la voix étranglée par l'émotion, le jeune homme doit interrompre sa prise de parole. Un long silence s'ensuit, un silence qui nous intime de parler, de raviver l'Histoire et ses zones d'ombre, « on célèbre la Marche verte, mais on doit aussi évoquer d'autres aspects de notre histoire », ajoute le cinéaste. Des tragédies et des hommes « Les chevaux de dieu », nous renvoie à un pan tragique de l'Histoire des XXe et XXIe siècle, comme les romans de Yasmina Khadra, disséquant le phénomène kamikaze, dans « Les agneaux du seigneur » et « L'attentat », également film de Zied Doueiri. Une infime production filmique s'attache à traiter la nébuleuse terroriste, qui a frappé la région comme l'Europe ou le Moyen-Orient. En Algérie, seul le court-métrage « On ne mourra pas », de Amel Kateb, en témoigne, et au Maroc, « Les chevaux de dieu », signé Jamel Belmahi. Les quatre comédiens de ce film inspiré et poignant, toujours d'humeur affable, hier, êtres de papier du roman de Mahi Binebine, « Les étoiles de Sidi Moumen », nous ont appris que Sidi Moumen n'est pas à craindre, Sidi Moumen créé. De purs talents qu'ils incarnent, dignement. Toujours au cœur de cette thématique, « Al hadaf, La cible », de Munir Abbar, a été couronné par le grand prix dans la section court-métrage. Tourné à Tanger, ce film qui épouse avec harmonie, les ressorts de la forme brève, s'attarde également, avec une rare maîtrise, sur Tarek, jeune berbère du sud marocain, qui du fait de trouver un bon emploi, orchestre sa mise à mort et celle de se contemporains... Quant au Grand prix du long-métrage, il a récompensé « Zéro », de Nour-Eddine Lakhmari. Un film coup de poing, qui met en scène feu Mohamed Majd, donnnant sa parfaite mesure à un homme cassé par la vie, aux prises avec son fils, « Zéro », incarné par Younes Bouab, notamment couronné par le premier prix d'interprétation masculine. Un vibrant hommage a de plus, été rendu à feu Mohamed Majd, qui a obtenu le prix de la second rôle masculin. Les prix du meilleur scénario, et la première interprétation féminine, Chaimae Ben Acha, ont été remis pour « Malak », de Abdeslam Kelai. Le message cardinal, de la production filmique de cette 14 e édition, démontre que la jeune école et les cinéastes confirmés ne sont pas prêts de prêter le flanc à l'obscurantisme et à l'intimidation. Leur caméra dépeint le monde tel qu'il est, à travers sa violence accrue et sa vérité crue.