Le contrat-programme de l'ONCF a été signé devant le Roi donnant ainsi le feu vert au lancement du projet TGV. Le Maroc aura son TGV en 2015, année de la mise en service de la première ligne reliant Tanger à Casablanca. Le lancement des travaux pour la construction de la nouvelle ligne est prévu pour juin prochain. Le plus dur a ainsi été fait : le closing financier. Mais l'essentiel reste à venir : dévoiler le business plan de la ligne TGV en corrélation avec le poids lourd de son financement. Le plus simple d'abord. Signé, devant le Roi, en grande cérémonie lundi dernier à Tanger, le contrat-programme de l'Office National des Chemins de Fer a dévoilé les ambitions de l'Office. On y apprend que l'établissement géré par Mohamed Khlie a un programme d'investissement de 33 milliards de DH. Cette enveloppe est répartie en deux postes stratégiques, l'un à la ligne TGV et son matériel roulant et l'autre au développement du réseau. Le contrat –programme de l'office prévoit un vaste chantier de mise à niveau du réseau existant, notamment entre Kénitra et Casablanca. Cette stratégie a son fondement dans la rentabilité élevée de cet axe ferroviaire. D'ailleurs, la densité du trafic est telle que l'ONCF envisage un triplement des voies. Dans le même ordre d'idées, l'ONCF se focalisera sur l'électrification de la ligne Fès-Oujda, une infrastructure stratégique pour le développement de l'Oriental. Cette région aura également sa connexion d'autoroute en 2012. Et pour cause : la région est toute désignée pour être un point de relaie entre les deux grandes stations balnéaires du nord et le centre du pays. Sans oublier le développement industriel et commercial que connaîtra cette région du Maroc dans la perspective de la construction du port de Nador Ouest Med. En outre, les projets de l'ONCF se poursuivent également dans le sud avec la mise à niveau de la ligne Settat-Marrakech, appelée également à connaître un essor considérable en termes de croissance de masse des voyageurs et des recettes. Sa mise à niveau est dans l'ordre naturel des choses puisqu'elle est appelée, à terme, à avoir sa propre ligne TGV. Mais pas pour l'instant. La ligne la plus prioritaire reste celle de Tanger-Casablanca. En témoigne le budget qui lui a été attribué suite à la signature, toujours lundi dernier, d'une convention de financement. Celle-ci regroupe le Fonds Hassan II pour le Développement économique et social (1 milliard de DH) et le Trésor (4,8 milliards de DH). Le reste du financement vient de fonds d'aide européens (1,9 milliard de DH), notamment de la part de la France le pays fournisseur de la technologie et de prêts d'institutions financières internationales à hauteur de 12 milliards de DH. Déjà à ce stade du closing, il est permis de soulever quelques interrogations au sujet du financement. Certains observateurs doutent de la capacité de l'ONCF (pour des raisons conjoncturelles) à mobiliser des fonds dans la conjoncture actuelle. Ils renchérissent en affirmant que les 12 milliards affichés dans le contrat-programme ne le sont qu'à titre indicatif et que l'Etat et l'ONCF s'efforceront, plus tard, à partir à la pêche. L'enveloppe acquise est celle émanant du budget de l'Etat et du Fonds Hassan II, bien que ce dernier connaisse quelques perturbations et qu'il a faudrait, selon des députés à la Première Chambre siégeant à la commission financière, l'alimenter à partir du budget de l'Etat. Pour cause ? Point de visibilité sur les recettes des privatisations pour 2010. Quid de la rentabilité ? Si le volet financement semble plus ou moins clair, celui de la rentabilité de la ligne TGV demeure ambigu. Rappelons que ce point a été soulevé en 2009 quand des députés au Parlement avaient pointé du doigt deux failles dans le projet de Karim Ghallab, le ministre de l'Equipement et des transports. L'absence d'appel d'offres et le manque d'éléments étayant la rentabilité supposée du projet. En effet, dès l'annonce de l'option TGV au Maroc en avril 2009, suite à la signature des contrats d'assistance à maitrise d'ouvrage avec le gouvernement français, les députés marocains sont restés sceptiques. Pour la majorité d'entre eux, il s'agissait plutôt d'une option politique plutôt que d'un choix stratégique. Une position mitigée de la communauté politique du pays qui s'est transformée en contestation visant le ministre istiqlalien. Il faut reconnaître que le règlement de compte politique n'était pas loin, certes, mais le projet manquait également d'arguments. Surtout sur le plan opérationnel. Pour défendre son projet, Karim Ghallab a donné des estimations basées sur des études. Il a promis, par exemple, une rentabilité de la ligne rapide de Tanger-Casablanca de 9% (taux de rendement interne). Un an après cet affrontement entre les parlementaires et le ministre des transports, le suspens demeure entier. Et jusqu'à la signature de la convention de financement lundi 1 février 2010, les arguments financiers manquent pour défendre la rentabilité du projet. Tout ce qu'on sait, c'est que le train rapide aura 8 millions de passagers par an, au lieu de plus de 2 millions actuellement. Aussi bien l'ONCF que sa tutelle ne précisent pas le timing de cette croissance fulgurante : la première année ou après dix ans d'exploitation ? De même, le mutisme au sujet du prix du ticket de TGV –qui sera accessible au marocain moyen selon, la déclaration de Mohamed Khlie- laisse planer le doute sur la cible et la taille du marché. Pour les observateurs, financiers surtout, sans cet indicateur conjugué au coût final (pour ne pas dire réel) de l'investissement et le plan commercial d'exploitation, il est quasiment impossible d'apprécier le rendement budgétaire du projet TGV. Autant d'éléments qui renforce le caractère clairement volontariste de ce projet. Mounir Arrami