Du haut de ses 28 ans, Leila Alaoui cumule les expériences et excelle dans tout ce qu'elle entreprend. Le chiffre 28 semble posséder une signification toute particulière chez Leila Alaoui. Cette année, elle fête ses vingt-huit printemps et se fait doucement à l'idée d'être l'une des portraitistes marocaines les plus talentueuses de son ère. Vingt-huit est aussi l'expression de sa féminité, faite à travers autant de portraits de femmes que la vie lui compte d'années dans cette existence. Cette femme se définit comme multimédia, par la variété des expériences et par la richesse de son vécu. D'abord journaliste, elle touche au cinéma et à la sociologie avant de gouter à la liberté conférée par la photographie. Dès le premier déclic, la première danse de l'obturateur, elle tombe sous le charme de l'image fixe. Elle y trouve la liberté d'expression et la créativité qu'elle convoite tant. Elle qui voulait un jour devenir réalisatrice de films documentaires, se retrouve donc à saisir des instants figés, des regards, des expressions et surtout une liberté qu'elle n'aurait jamais pu atteindre autrement. A travers sa dernière exposition «Marocaines devant la scène», elle saisit des visages-paysages, des instants esthétiquement éternels, auxquels elle donne un visage féminin. Sous le regard de Leila, la femme devient un regard, une ombre chinoise, une vérité illusoire. Elle délaisse sa chair pour porter un voile fait d'éternité et d'allusions illusoires. Sous la main de la photographe, le portrait meurt, puis renaît ; il n'est plus photographie, mais peinture faite de pixels, de lumières emprisonnées et de contrastes. Celle qui avait quitté son Maroc natal pendant près de huit ans, se réconcilie avec brio avec ses origines, et elle lui rend tous les hommages et ressort le meilleur. Ses photos expriment ce que nous semblons oublier, cette sensibilité intense qui fait de chaque Marocain ou Marocaine un être à part, une boule d'émotions concentrées et prête à exploser dans le plus beau des clichés. Liberté pour seul bagage Lorsqu'elle n'est pas en train de révéler toute la magnificence du visage marocain, Leila Alaoui vadrouille. Son studio mobile sous le bras, elle silionne les rues et les sentiers du monde, à la recherche d'un instant, d'un regard, d'une beauté oubliée. Elle saisit le Maroc intrigué ou le Kenya farouche ou l'Ethiopie nonchalante. Là où l'inspiration là mène, elle pose son studio, capture l'instant puis plie bagage à la poursuite d'un cliché encore plus saisissant. Leila n'aime point la facilité, elle n'a jamais apprécié les paysages et leur préfère les visages. Elle recherche la complicité de ses modèles et ne photographie que si son modèle-complice se prête au jeu. Aujourd'hui, après avoir rendu hommage à la femme marocaine, on se demande quelle sera sa prochaine quête. Car Leila ne se laisserait point emprisonner dans les canevas ou les agendas, elle préfère libérer son être et son appareil et laisser venir le hasard et son lot d'excellence. Yassine Ahrar