L'heure est à l'urgence professionnelle. Le Maroc pourrait disposer d'un championnat professionnel dès septembre prochain. A quoi ressemblera ce championnat? Pour y répondre, le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF) , Ali Fassi Fihri, et le ministère de la Jeunesse et des Sports, Moncef Belkhayat, multiplient les débats et les rencontres depuis quelques jours. Les composantes de l'offre sportive ne sont pas arrêtées. Mais trois modèles professionnels existent. Un: Celui de l'Allemagne ou de la Scandinavie comme exemple d'une configuration dite «missionnaire», basée sur le corporatif et l'associatif. Deux: Celui d'une configuration dite «bureaucratique » que l'on connaît en France ou en Espagne avec un Etat et un ministère très interventionnistes. Trois: La configuration «entrepreneuriale» qui est «privilégiée aujourd'hui dans la vision marocaine de remise à niveau des clubs de football» explique Nassar Larguet, directeur de la FRMF. C'est le cas du Royaume-Uni sur lequel la Tunisie ou l'Afrique du Sud ont pris exemple. Ce modèle se base sur une faible intervention de l'Etat et des acteurs traditionnels comme les institutions des sports et les mouvements sportifs associatifs. Ses acteurs majeurs se révèlent être les entreprises et le sponsoring. L'option de transformer les clubs d'un pays en sociétés anonymes permet également «un niveau d'emploi plus élevé», a encore précisé le directeur de la Fédération (Presque trois fois plus en Angleterre qu'en Allemagne ou en France). Echéance stratégique de la CAN 2015 Mais la FRMF doit d'abord placer la charrue. Ce qui n'est pas encore fait avec les principaux acteurs de la vision. La professionnalité est un statut qui implique une rémunération de tous les joueurs, sur le mode de l'entreprise et de ses salariés. Du chemin a été parcouru depuis un an: La FRMF a aménagé de nouveaux règlements de compétitions qui visent les relations employeurs-salariés et clubs-Fédération. Le règlement du statut et du transfert des joueurs, le code disciplinaire, le règlement sportif des compétitions et sur les obligations des clubs ont tout autant été revisités. S'agissant du joueur, la mouture réglementaire met en place un cadre juridique à même de mieux définir le statut des joueurs licenciés et pour l'établissement d'une relation contractuelle claire entre le joueur et son club (nature du contrat, durée, droits et obligation, salaire et primes). La précision des règles du transfert des joueurs répondra à un contrat tripartite signé par les représentants des deux clubs et par le joueur. Les clubs devront également assumer leur responsabilité en la matière. Ainsi, la restructuration, l'encadrement global et effectif de toutes les catégories d'âge sont attendus. La qualité des stades doit satisfaire aux normes requises par la Fifa (éclairage, équipements, pelouse). La signature de contrats clairs avec les joueurs et entraîneurs et la couverture médicale figurent parmi les principaux chantiers que les clubs doivent ouvrir afin de se professionnaliser. C'est à se demander si les clubs et l'infrastructure moderne souhaitée seront prêts pour l'échéance stratégique prévue pour l'organisation au Maroc de la Coupe d'Afrique des Nations en 2015. Alors que le projet semble fin prêt sur le papier, le noyau des investisseurs privés est la grande inconnue de la vision. Aucune banque et aucun assureur ne mettent d'argent dans le football marocain, faute de transparence et de retour sur investissement. Le nouveau projet du ministère de la Jeunesse et des Sports va-t-il faire évoluer la situation? Moncef Belkhayat est confiant. Le ministre insiste sur «l'impératif de renforcer l'armature du sport national via la constitutionnalisation du sport comme droit des citoyens». Constitutionnaliser le sport, serait encourager les sponsors à collaborer. Mais les clubs de football restent très dépendants des subventions publiques qui devront diminuer voire disparaître bientôt. L'exemple des infrastructures est significatif: la plupart des clubs ne possèdent pas leurs stades qui dépendant des pouvoirs publics pour être utilisés. Les recettes de la télévision et de la publicité, l'argent des transferts et la billetterie des clubs ne paraissent pas pour l'heure en mesure de jouer un rôle important dans le nouveau dispositif professionnel. Combien de clubs seront-ils à même d'effectuer le saut qualitatif attendu? La FRMF évoque encore la possibilité d'un championnat de première division à trois ou quatre équipes, en attendant que d'autres clubs puissent les rejoindre. C'est là où le bât blesse. La professionnalité collective ou systémique ne sera pas prête pour de sitôt. Il faudra attendre bien après 2015 pour savoir si la sauce des clubs et des sponsors a du goût. (l'Economiste)