Mouhcine Fikri, le poissonnier mort broyé par une benne à ordure à Al- Hoceima suite à un contrôle policier qui a mal tourné, est l'exemple type du martyr malgré lui. Entre devenir l'icône d'un mouvement de protestation des Marocains, mobilisés pour réclamer que lumière soit faite sur cette affaire et de sévères sanctions contre les responsables de son décès, et rentrer auprès de sa famille, le soir du vendredi 28 octobre, avec la recette de la vente de sa marchandise, nul besoin de souligner qu'il aurait sûrement préféré, comme ses proches d'ailleurs, la seconde option. Le destin en aurait décidé autrement, sauf que l'expression de cette triste destinée s'est traduite par toute une succession de comportements délictueux, du port où il a acheté, de manière informelle, sa cargaison de poissons jusqu'à l'endroit où il s'est fait détruire sa marchandise. Contrairement à ce que dit l'adage, le malheur n'est jamais bon pour quoi que ce soit. S'il est vrai que cet évènement aura été le catalyseur de manifestations populaires dans quelques villes du Royaume, évidemment à Al-Hoceima plus qu'ailleurs, pour exiger que justice soit faite, révélant l'émergence d'une conscience collective citoyenne qui rejette désormais haut et fort l'abus d'autorité, la prise en considération effective des propos du Souverain, récemment formulés à ce sujet, aurait été salutaire pour Mouhcine Fikri et de meilleur effet pour ses proches. Punir les responsables, directs et indirects, de cette tragédie est, bien entendu, de haute importance, mais il serait encore plus indispensable de veiller à ce que ce genre de forfait ne se reproduise plus jamais. Les représentants de l'autorité publique, du haut jusqu'au bas de l'échelle, doivent changer de comportement envers les citoyens, qu'ils sont censés servir et non opprimer. Démocratie et Etat de droit n'ont de réelle signification dans la vie quotidienne des gens qu'à cette condition. Sinon, c'est donner raison à tous les nihilistes qui estiment que tous ces mots ne sont que verbiage, que la solution réside dans le chaos « régénérateur ». Heureusement, de par leurs montées, de plus en plus fréquentes, au front de la contestation des conduites déviantes des agents publics qui ne font pas honneur à leur fonction, les Marocains prouvent qu'ils croient en leur Etat, qu'ils veulent voir évoluer et non détruit. Qui aime bien, châtie bien. Que Dieu ait l'âme de Mouhcine Fikri en Sa Sainte Miséricorde. Faute de pouvoir réparer l'irréparable, faisons tous de sorte que son martyre ne soit pas vain.